Serge Sarkissian et la sous-commission turco-arménienne d'historiens

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Traduction Gérard Merdjanian – commentaires

On n'est pas loin du constat d'échec. Si la semaine prochaine à Washington le président Obama n'arrive pas à rapprocher les deux dirigeants arménien et turc, puisque S.Sarkissian et R.T.Erdogan seront présents à la Rencontre internationale sur la Sécurité nucléaire, le divorce sera effectif.

De même que l'administration américaine a ‘convaincu' Ankara et Erevan d'effectuer un rapprochement historique, il est fort probable qu'elle fera le ‘nécessaire' pour que le fil des relations ne soit pas rompu entre les deux pays voisins. A commencer par évacuer la question du génocide tant au niveau du Congrès (H.Res.252) que dans le discours du 24 Avril pour ne pas ‘gêner' le dialogue.

Est-ce que pour autant la Turquie ratifiera les protocoles dans un ‘délai raisonnable', c'est loin d'être sûr. Comme ne cessent de le répéter les dirigeants turcs, leur but est avant tout de résoudre le conflit du Haut-Karabakh au profit de leur alliée l'Azerbaïdjan.

Et pour ce faire tous les moyens sont bons. À commencer par faire croire aux occidentaux que la Turquie désire se rapprocher de l'Arménie et des Arméniens, alors qu'elle exerce un blocus de l'Arménie depuis 1994 ! L'hypocrisie n'est l'apanage que des individus.

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Le président Serge Sarkissian considère comme "inacceptable" l'idée d'une étude conjointe turco-arménienne sur les massacres de masse et les déportations durant la première guerre mondiale des Arméniens en Turquie ottomane.


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"La création d'une Commission turco-arménienne [d'historiens] ne peut avoir de sens que si la Turquie a effectivement reconnu sa culpabilité," a-t-il déclaré dans une interview publiée par le magazine allemand Der Spiegel, ce week-end. "Après les chercheurs seront en mesure de déterminer conjointement les causes de cette tragédie."

Dans deux protocoles signés en Octobre dernier, les gouvernements arménien et turc ont convenu de créer une Commission conjointe chargée d'accélérer la normalisation de leurs relations, historiquement tendues. Elle sera divisée en plusieurs "sous-commissions" spécialisées dans divers domaines d'intérêts mutuels.

L'une d'elles doit se livrer à une "examen scientifique impartial des documents et des archives historiques." Cela a été largement perçu comme un euphémisme officiel pour un examen en commun des massacres d'Arméniens.

Les dirigeants d'Erevan ont peiné pour rassurer les critiques de la communauté arménienne comme quoi la sous-commission des protocoles ne chercherait pas à déterminer si les massacres constituent un génocide ou non. Toutefois, pour les dirigeants turcs c'est le contraire.

"Le principal pour Ankara, c'est seulement de retarder les décisions," déclare Sarkissian au quotidien. "Chaque fois que des parlements ou des gouvernements de pays étrangers tentent d'adopter des résolutions sur le génocide, ils disent ‘attendons d'abord les conclusions de la Commission d'historiens'."

"La mise en place d'une telle commission voudrait dire remettre en question le fait du génocide perpétré contre notre peuple", a-t-il souligné, faisant écho à un argument clé des opposants arméniens à sa ligne de conciliation avec la Turquie.

L'idée d'une Commission turco-arménienne d'historiens a d'abord été lancée par le Premier ministre turc Recep Tayyip Erdogan, dans une lettre datant de 2005 au président Robert Kotcharian. Ce dernier a rejeté la proposition turque comme étant un stratagème visant à saborder une plus grande reconnaissance internationale du génocide arménien.

Peu de temps après son entrée en fonction il y a deux ans, Sarkissian a indiqué qu'il était prêt, en principe, à adopter l'idée. "Nous ne sommes pas contre la création d'une telle Commission, mais seulement si la frontière entre nos deux pays est ouverte," avait-il déclaré lors d'une visite à Moscou en Juin 2008.

Le changement de politique apparente d'Erevan avait ouvert la voie à un rapprochement sans précédent entre les deux nations, aboutissant ainsi à la signature des accords turco-arméniens.

Sarkissian a reconnu lors de l'entrevue avec le magazine allemand que le rapprochement est ‘dégradé' à ce jour. "Les Turcs ne cessent d'exiger des concessions de notre part. Mais ce n'est pas possible," a-t-il indiqué, faisant référence au lien qu'Ankara met entre la ratification des protocoles par son parlement et la résolution du conflit du Haut-Karabakh.

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