Bakou ne veut pas se rendre compte que le Haut-Karabakh est perdu

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Traduction Gérard Merdjanian – commentaires

Rien ne ferait plus plaisir à Ilham Aliev qu'une nouvelle guerre pour récupérer tout le Karabakh. Il continue de faire le nécessaire pour cela : - Acheter des armes en quantité, prononcer des discours belliqueux, faire voter des résolutions condamnant l'Arménie, passer des accords militaires avec la Turquie, déclarer les coprésidents du Groupe de Minsk incompétents, etc … .

Autant la communauté internationale comprendrait que l'Azerbaïdjan se défende contre une agression de l'Arménie, autant elle s'élèverait contre si c'est Bakou qui déclenche les hostilités. Même la Turquie serait mal à l'aise pour intervenir, elle qui prône la stabilité et la sécurité dans la région. Une guerre signifierait de surcroit une baisse notable du ‘business', et surtout des approvisionnements énergétiques. N'oublions pas que les gazoducs et autres oléoducs ne passent qu'à quelques dizaines de km du Nord de l'Arménie, c'est-à-dire à portée de ... missiles. Et là, les grandes puissances mettraient leur grain de sel autrement que par de simples mises en garde.

A vouloir obtenir le maximum, soit tout le Karabakh, Bakou risque tout bonnement de ramasser quelques miettes des villes mortes (Aghdam, Fizuli …), ou pire, rien du tout.

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Les élections législatives dans la République d'Artsakh (RHK) ont réaffirmé la réticence absolue de l'Azerbaïdjan à entamer des négociations avec les principaux intéressés. Naturellement, personne ne s'attendait à ce que les élections soient reconnues ou, au moins, passent inaperçues. Tout s'est déroulé comme d'habitude : - Bakou a de nouveau déclaré que les élections étaient en contradiction avec la Constitution de l'Azerbaïdjan, - les observateurs "n'ont pas eu la permission du ministère azerbaïdjanais des Affaires étrangères de visiter les territoires occupés", - les instances internationales les ont déclarées irrecevables conformément au droit international, etc … . Bref, rien de nouveau.


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Le ministre des Affaires étrangères azerbaïdjanais a ressorti sa tirade habituelle : "L'Azerbaïdjan exprime sa préoccupation envers les partenaires internationaux sur l'impact négatif que les ‘élections législatives' du 23 Mai dans les territoires occupés de l'Azerbaïdjan, peut avoir sur le processus actuel de règlement pacifique du conflit." Et tout cela se produit malgré que porte-parole du ministère des Affaires étrangères russe ait déclare que Moscou ne croyait pas que le processus de règlement pacifique dépende des élections dans le Haut-Karabakh. La même chose a été exprimée dans la déclaration du Groupe de Minsk : "Les élections ne doivent pas préjuger de la détermination du statut juridique définitif du Haut-Karabakh dans le cadre plus large du règlement pacifique du conflit du Haut-Karabakh." Mais le ministère des Affaires étrangère azéri est d'un avis différent, ou plutôt il est incapable de reconnaître qu'il existe un point de vue du monde et de la région, différent de celui proposé par Ilham Aliev. Par ailleurs, pendant longtemps des experts et des politologues sérieux n'ont pas tenu compte des fioritures verbales concernant le conflit du Karabakh, lequel n'est pas prêt d'être réglé, tout comme il y a 20 ans. Plus grand monde ne prête attention aux déclarations officielles du groupe Minsk de l'OSCE, vue que les dites déclarations ne sont pas contraignantes.

Mais si nous n'avons pas vraiment porté attention à tout cela (et c'est exactement ce que le Haut-Karabakh a fait), il convient de noter que presque personne dans le monde n'a douté du droit du peuple de la RKH de décider de son propre destin et d'élire le Parlement ou le président dont il a besoin. Il est peu probable que tous les observateurs présents aient eu une vision idyllique de l'élection, et plus encore, ils aient tous été "achetés" par les Arméniens. Bakou a fièrement annoncé que le lobby arménien avait acheté presque le monde entier et s'est retourné contre la "solidarité islamique", qui n'en a même pas parlé. Nous pensons que, la plupart des Azerbaïdjanais ont été ‘irrités' par la présence d'observateurs iraniens. Mais comment leur expliquer que l'Iran est frontalier du Karabakh et qu'il est nécessaire pour lui de savoir comment sont organisées les élections dans la région voisine et quelles peuvent être les conséquences. La Turquie ne partage pas de frontière avec le Karabakh, aussi Ankara "ne reconnaît pas" les élections. Mais il aurait été tout simplement intéressant de savoir si la Turquie aurait envoyé des observateurs au Karabakh si elle avait eu une frontière commune avec lui. Très probablement, mais avant tout pour satisfaire son propre intérêt.

Il serait peut-être opportun de rappeler ici qu'il y a une quinzaine d'années, la partie arménienne répondait très sèchement à toutes les déclarations faites par les organismes internationaux. Cependant, le temps a montré que les phrases toutes faites ne valent pas cher, autrement Bakou aurait été exclu depuis longtemps du Conseil de l'Europe et d'autres organisations pour ses élections ‘non démocratiques'. Et d'ailleurs, pas seulement Bakou ...

Mais il y a des choses qui ne sont guère aux mains de Bakou, de Chisinau ou de Tbilissi, mais qui ne doivent pas être oubliées pour autant. Les élections dans le Haut-Karabakh, en Abkhazie, en Ossétie du Sud ou en Transnistrie ont eu lieu et auront lieu comme souhaitée par la population de ces républiques sécessionnistes. Personne et rien ne pourra jamais forcer les Arméniens, les Abkhazes ou les Ossètes à revenir à la situation antérieure : trop échecs ont été enregistrés sur les tentatives de vivre ensemble. Il est vrai qu'ils peuvent être amenés à agir contre leur volonté, mais dans un cas seulement : par une guerre. Mais même dans ce cas il n'y a aucune garantie que cela sera couronnée de succès pour la partie qui cherche à se venger. Ce ne sont pas des émotions, mais la simple vérité : - les Azéris ne se battront pas pour que la famille Aliev puisse garder son trône, et encore moins pour le Karabakh. Quant à la communauté internationale ... elle n'a ni le temps ni la volonté de faire face à un conflit dans l'espace de l'ex-Union soviétique. Et pour finir, la République de l'Artsakh ne cherchera jamais la reconnaissance en tant qu'Etat indépendant. Le plus important pour elle, c'est qu'elle le ressente en tant que tel.

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Karine Ter-Sahakian – PanARMENIAN.net – Département Analyse