Un nouvel ambassadeur américain en Turquie

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Traduction Gérard Merdjanian – commentaires

Une semaine après la nomination de Matthew Bryza à Bakou, voici F.J. Ricciardone proposé pour Ankara. Coïncidence ou pas ? Toujours est-il que les deux groupes de pression américano-arméniens des Etats-Unis (ANCA pour Bryza et AAA pour Ricciardone) ont attiré l'attention de la Commission ad hoc du Sénat qui doit valider ces nominations.

Sans préjuger des consignes qui seront données par Washington, suite à la tournée dans la région de la Secrétaire d'Etat, Hillary Clinton, il est a souhaité que ces nouveaux ambassadeurs ‘mettront de l'huile' dans les rouages des deux processus, arméno-turc et arméno-azéri. Toutefois, si les situations paraissent proches de prime abord, elles restent en pratiques bien distinctes.

Les relations arméno-turques sont dans une impasse depuis trois mois, suite à l'insistance d'Ankara de vouloir lier les deux processus, la résolution de l'un entrainant celle de l'autre. Autant Washington avait encore du poids il y a un auprès des dirigeants turcs, autant aujourd'hui les relations sont pour le moins distendues. Le nouvel ambassadeur aura fort à faire pour peser sur les décisions de la Turquie vis-à-vis de l'Arménie, une mission quasi impossible.

Les négociations arméno-azéries sont elles aussi dans une impasse et ce depuis beaucoup plus longtemps, en fait depuis l'arrivée au pouvoir d'Ilham Aliev. A l'inverse de la Turquie, où les Etats-Unis avaient du poids, ici ils pèsent peu face au poids lourd russe. Par contre, l'arrivée du nouvel ambassadeur donnera très certainement un nouvel élan aux relations avec les Etats-Unis. La raison en est très simple. Matthew Bryza, ex-médiateur du groupe de Minsk de l'OSCE, a une très bonne presse auprès des dirigeants azéris. Son cœur penche nettement pour les Turcs, qu'ils soient ottomans ou azéris, au sens figuré comme au sens propre. Sa femme est d'origine turque (mariage à Istanbul) et il a toujours mis en avant le point de vue de Bakou et minimisé sinon dénaturé celui d'Erevan.

Il serait peut-être temps pour Washington de revoir sa politique dans cette région et penser à réactualiser ses alliances.

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Francis-Joseph-Ricciardone_
En début de semaine, l'administration Obama a officiellement proposé Francis-Joseph Ricciardone, Jr. comme ambassadeur des Etats-Unis en Turquie, rapporte l'Assemblée Arménienne d'Amérique (AAA).

Cette nomination intervient à un moment où les relations entre la Turquie et l'Occident sont au plus bas suite à une série d'actions turques, et notamment le vote contre la position américaine à l'ONU sur une question essentielle de sécurité nationale concernant l'Iran et la non-prolifération nucléaire, les relations étroites de la Turquie avec le régime soudanais, accusé d'avoir commis un génocide au Darfour, et plus récemment l'incident de la "Flottille" au large de la bande de Gaza qui a entrainé un sérieux refroidissement des relations israélo-turques.

"Dans le passé, lorsque les relations de la Turquie avec l'Occident étaient chaleureuses, la tendance était d'adhérer au négationnisme turc concernant le génocide des Arméniens. L'AAA attend du candidat Ricciardone qu'il intervienne auprès de la Turquie pour qu'elle mette fin à sa campagne de négation et se réconcilie avec son héritage génocidaire.

Nous attendons également de l'ambassadeur des Etats-Unis qu'il fasse pression sur Ankara pour une levée du blocus de d'Arménie, qui date depuis 1994, et de s'assurer que la Turquie respecte son engagement international de normaliser ses relations avec l'Arménie sans conditions préalables", a déclaré le directeur général de l'AAA, Bryan Ardouny.
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"Cette nomination coïncide avec la tournée de la Secrétaire d'Etat, Hillary Clinton, au Sud-Caucase, avec une visite spéciale au mémorial du génocide arménien à Erevan. Compte-tenu du geste de la Secrétaire d'État Clinton et de son soutien de longue date pour que les États-Unis reconnaissent le génocide des Arméniens, ainsi que les déclarations publiques du président Barack Obama et du vice-président Joe Biden, le processus de reconnaissance en cours au Sénat est une bonne occasion pour l'administration de réaffirmer sans équivoque la vérité historique du génocide des Arméniens.

Le dossier de la reconnaissance par les États-Unis est clair comme en témoigne la déposition des États-Unis devant la Cour Internationale de Justice en 1951. L'Ambassadeur Ricciardone serait bien avisé de suivre la tradition de l'Ambassadeur Henry Morgenthau et faire progresser la reconnaissance par la Turquie des conséquences du génocide des Arméniens", a poursuivi Bryan Ardouny.

L'AAA espère également que le Sénat incitera Ricciardone à rester vigilent en matière des droits de l'homme, de la liberté religieuse et sur le traitement des minorités, et plus précisément concernant l'article 301 du code pénal turc qui a entrainé l'assassinat du journaliste turco-arménien Hrant Dink. La persistance des retards dans le procès de l'assassin présumé de Dink, demeure un grave sujet d'inquiétude pour la liberté de la presse en Turquie et la sécurité des journalistes dans le pays.

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AZG