Les trous de mémoire des hommes politiques


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Traduction Gérard Merdjanian - commentaires

Le seul qui peut se justifier d’une telle maladie est l’ex-président Jacques Chirac, atteint d’anosognosie ; et encore, il n’a pas conscience de son état. A l’inverse du ‘déni’ qui est une démarche psychologique on ne peut plus normale.

Quand il s’agit, une fois élu, de mettre en œuvre les promesses électorales, celles-ci partent pour la plupart en fumée, et la mémoire de l’élu devient sélective. Ce qui ne l’empêchera pas aux élections suivantes de réitérer sans vergogne les mêmes promesses. Ceci est valable quel que soit la couleur politique du candidat et quel que soit le pays. Le gouvernement des Etats-Unis ne déroge pas à la règle.

Bien évidemment, tant que l’élu est dans l’opposition, il (ou elle) peut même devenir le porte-parole de la revendication, voire s’associer avec des élus d’un autre bord, bord gouvernemental compris. Ainsi aux Etats-Unis, la reconnaissance du génocide arménien est soutenue par des Démocrates et des Républicains, mais la realpolitik prend le dessus ; en France, la pénalisation du déni des génocides est combattue par des élus de tous bords. Et quand cela risque de refouler l’adhésion de la Turquie à l’UE, deux petits partis frisent l’apoplexie. Un certain nombre de personnes se souviennent encore de Daniel Cohn-Bendit vociférant debout et les bras levés – evet, evet – lors du vote sur l’ouverture éventuelle des négociations d’adhésion Turquie-UE, en 2004 au Parlement européen.

Henri Queuille disait : "La politique ne consiste pas à faire taire les problèmes, mais à faire taire ceux qui les posent." Aussi, les promesses n’engagent que ceux qui les croient.



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Suite au dernier Sommet arméno-azerbaïdjanais de Sotchi, la Secrétaire d'Etat américaine Hillary Clinton, en marge de la conférence annuelle sur la sécurité de Munich, le week-end dernier, s’est entretenue séparément avec les antagonistes, le président Aliev et le ministère arménien des Affaires étrangères, Edouard Nalbandian.

Dans une courte déclaration, le service de presse azéri a indiqué que le président Aliev et le chef de la diplomatie américaine ont eu un "large échange d'opinions sur le règlement du conflit du Haut-Karabakh."

Le ministère arménien des AE a fait une déclaration de même teneur, précisant qu’Edouard Nalbandian s’était surtout appesanti sur la réunion de Sotchi, et que Etats-Unis ont ré-insisté sur une résolution pacifique du différend.

Un Haut fonctionnaire du département d'Etat a déclaré aux journalistes que la question du Karabakh est "quelque chose à laquelle la Secrétaire porte un intérêt personnel. Le Secrétaire veut parler aux deux côtés sur les résultats du Sommet et de la façon dont nous pouvons contribuer pour faire progresser le processus."

Le ministre des Affaires étrangères russe, Sergueï Lavrov, avait déclaré "qu'il y a encore toute une série de questions qui restent en suspend ; et qu’une percée dans les pourparlers est peu probable dans les prochains mois."

De son côté, Ali Ahmedov, le Secrétaire exécutif du parti d’Aliev ‘Yeni Azerbaycan’, avait exigé "‘des changements significatifs’ dans les activités du Groupe de Minsk au lendemain du sommet de Sotchi. Sinon, Bakou pourrait demander ‘un nouveau format’ pour le processus de négociation si les trois coprésidents du Groupe ne parviennent pas à prendre des ‘mesures sérieuses pour résoudre le conflit dans un délai court’."

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Les données du commerce international montrent une augmentation indéniable et constante du commerce entre la Turquie et les pays qui ont reconnu le génocide arménien, en dépit des vociférations d'Ankara et des menaces de représailles économiques contre les nations qui ont formellement condamné ce crime contre l'humanité, indique le Comité National Arménien d'Amérique (ANCA).

Les statistiques de l'OCDE montrent que dix des pays les plus avancés ayant reconnu le génocide arménien, ont vu une croissance de leur commerce bilatéral avec la Turquie. Ainsi, la Russie a connu une augmentation de 912% depuis sa reconnaissance en 1995, la Grèce - 399% depuis 1996, la Slovaquie - 298% depuis 2004, la France - 257% depuis 2001, la Belgique - 174% depuis 1998, et le Canada - 148% depuis 2004.

"Au cours des dernières décennies, la Turquie a mis en place un schéma type qui, dans les semaines précédant l'examen de la reconnaissance du génocide arménien par un pays donné, le menace de dégrader ses liens avec le gouvernement en question, tout en agitant une série de sanctions économiques de grandes envergures. Un examen des statistiques du commerce accessibles au public, démontre que la Turquie, malgré toutes ses fanfaronnades, a aussi un motif tout aussi cohérent de mettre rapidement de côté ses menaces et à revenir à une relation normale avec le pays qu'elle vient récemment et publiquement de diaboliser," a déclaré le Directeur exécutif de l'ANCA, Aram Hamparian

Des copies de ces données commerciales ont été largement diffusées auprès des bureaux du Congrès, des agences du gouvernement fédéral, et aux Hauts fonctionnaires de tous bords de Washington-DC liés à la politique étrangère.

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Les principaux auteurs de la résolution sur le génocide arménien (H.Res.304), Robert Dold (R-IL) et Adam Schiff (D-CA), ne ménagent pas leurs efforts pour recueillir des signatures de Congressistes pour une pétition exhortant la Secrétaire d'État, Hillary Clinton, à revenir sur sa mauvaise qualification publique du génocide arménien - "débat historique" - lors d’un meeting à l’Hôtel de Ville, rapporte le Comité National Arménien d'Amérique (ANCA).

Les deux législateurs soulignent que l’argument "débat historique" a longtemps été un sujet de discussion avancé par le gouvernement turc et par les négationnistes, en vue de brouiller les pistes en prétendant que nous au Congrès devons rester silencieux pour éviter de compromettre la vérité historique. C'est un argument intellectuellement indéfendable. Il n'y a pas lieu d’ouvrir un débat historique sur la nature des massacres du peuple arménien - en fait, Raphael Lemkin, qui a inventé le mot «génocide», pensait aux Arméniens quand il a créé le terme - et nos propres Archives nationales contiennent toutes les pièces justificatives dont la secrétaire Clinton pourrait avoir besoin. Ils notent également que : "En adoptant l'idée d'un débat historique, la Secrétaire a pris une position en contradiction avec ses positions passées, celles du président Obama et du vice-président Joe Biden. Il s'agit d'une position beaucoup plus proche du gouvernement turc que de tout autre Haut diplomate américain et cela sape nos efforts pour attirer l'attention sur les génocides et sur les autres violations des droits de l’homme."

La pétition à la Secrétaire Clinton indique que "sa description du génocide arménien est historiquement inexacte pose une question, en plus de l'injustice qu'elle représente pour les Américains arméniens et d'autres victimes de génocide, elle constitue un encouragement américain à la Turquie dans sa honteuse campagne de déni." Elle rappelle également qu’en 2006, la Secrétaire, rejoint en cela par le président Obama - alors sénateur des États-Unis - à écrit une lettre expliquant au président Bush que "le génocide arménien était un acte de génocide, planifié et délibéré, perpétré par l'Empire ottoman en 1915. . . Les victimes du génocide méritent notre souvenir et leur place dans l'histoire. . . . Il est dans les meilleurs intérêts de notre nation et de toute la communauté mondiale de se souvenir du passé et d'apprendre de ces crimes contre l'humanité afin de s'assurer qu'ils ne se répètent jamais plus." Elle rappelle également la déclaration publique en 2008de la sénatrice Clinton, lorsqu’en tant que candidate à la présidence, elle affirmait : "Les événements horribles perpétrés par l'Empire ottoman contre les Arméniens constituent un cas de génocide et que pour la morale commune et la crédibilité de notre pays comme voix pour les droits de l'homme, ils nous incitent à veiller à ce que le génocide arménien soit reconnu et rappelé par le Congrès et par le Président des États-Unis."

* Brèves Turquie *

Le ministre des Affaires étrangères turc, Ahmet Davutoglu, effectuera une visite officielle aux Etats-Unis du 8 au 13 Février. Il s'entretiendra avec son homologue Hillary Clinton sur des questions d'intérêt mutuel et sur la situation actuelle au Moyen-Orient.

Davutoglu aura également des entretiens avec les membres du Congrès et discutera du génocide arménien, susceptible d'être à nouveau soumis au Congrès en Avril.

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Le Premier ministre turc, Recep Tayyip Erdoğan, a indiqué que l'argent et les votes sont les principale raisons qui ont poussé le président Nicolas Sarkozy à lancer le projet de loi pénalisant la négation du génocide arménien : "La Turquie ne cédera pas à la pression et continuera à poursuivre une politique indépendante."

Selon les médias azéris, le Président français aurait demandé au Conseil constitutionnel de statuer dans les 8 jours sur le projet de loi. En promulguant la loi avant la saisine du Conseil constitutionnel, le président français aurait évité le risque d’un rejet éventuel.

* Brève Suède *

Les députés suédois ont proposé au Comité Nobel de nommer le militant turc des droits de l’homme, l'éditeur Ragip Zarakolu, pour le prix de la paix.

Les députés ont indiqué que Zarakolu est un symbole pour les médias en tant que défenseur des libertés et des droits de l’homme.

La lettre indique également que les livres que Zarakolu a publiés sur les problèmes arméniens et kurdes, ainsi que sur l'Islam, et pour lesquels il a été emprisonné, ont contribué à rapprocher les cultures. Zarakolu est également membre du Centre PEN turc, récipiendaire de nombreux prix internationaux prestigieux.

Il a été arrêté le 1er novembre 2011, avec l’académicien de premier plan, Busra Ersanlı, ainsi que des dizaines d'autres suspects sur ordre d'un tribunal d'Istanbul, sous l’accusation d’avoir des liens avec le KCK, l'aile politique du PKK.

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Extrait de armenpress et de PanArmenian