Richard Guiragossian rencontre des officiels en Turquie

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Traduction Gérard Merdjanian – commentaires
Depuis quelques années que Bakou engrange des milliards de pétrodollars grâce à ses exportations d'hydrocarbures, le clan Aliev et son aréopage se sentent pousser des ailes.
Cela consiste notamment à refuser toute concession à l'autre partie, et ne prendre qu'une seule des propositions des médiateurs : L'intégrité territoriale. La négociation ne fonctionne que dans un sens.
La Turquie qui au moment de la guerre arméno-azerbaidjanaise a plus précédé que suivi les vicissitudes de son petit frère, en mettant l'Arménie sous blocus et en se préparant à l'envahir (Quatre divisions turques s'apprêtaient à franchir la frontière), a depuis changé de stratégie. D'abord à cause des négociations d'adhésion avec l'UE (droit de regard), puis par la signature avec l'Arménie de l'accord sur les protocoles, mais surtout depuis son accession au G20 et sa politique néo-ottomane qui prône le ‘zéro problème avec les voisins'.
L'UE et les instances internationales commencent à voir d'un mauvais œil le pourrissement des négociations sur le conflit du Karabakh avec en prime une Turquie qui frappe à la porte de l'UE mais qui continue toujours l'occupation de Chypre, le blocus de l'Arménie et un soutien inconditionnel des désidératas de Bakou.
Bakou remercie son grand frère en lui consentant des remises sur ses hydrocarbures. Revers de la médaille, Ankara se trouve en position de faiblesse et commence à trouver l'addition une peu lourde. Après les grands travaux dans la région en prenant soin de contourner l'Arménie, Erdogan traine les pieds sur la réalisation du chemin de fer Bakou-Tbilissi-Kars et c'est Aliev qui se charge de payer la facture.
Bien qu'en sommeil actuellement, le point noir le plus gros entre l'Arménie et la Turquie reste la reconnaissance du génocide arménien et les réparations qui en découlent.

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Les cinq représentants d'ONG arméniennes sont récemment rentrés de Turquie, où ils ont rencontré des Hauts-fonctionnaires turcs et le ministre des Affaires étrangères, Ahmet Davutoglu. Le directeur du Centre d'Etudes Régionales et Internationales, qui faisait partie du voyage, a saisi l'occasion pour transmettre un message important.
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Décrivant les relations arméno-turques, Richard Guiragossian a déclaré : "Le Président arménien joue aux échecs, tandis que son homologue turc donne un spectacle. Je ne crois pas en la sincérité des efforts des autorités turques en vue d'améliorer les relations avec l'Arménie." Toutefois, il y a des points d'optimisme.
"La raison de mon optimisme est que la Turquie n'a pas d'alternative. L'amélioration des relations avec l'Arménie est sa seule chance pour qu'elle puisse s'impliquer dans les processus régionaux, et Ankara est conscient que c'est dans son intérêt."
Selon Richard Guiragossian, la proposition du ministre turc des Affaires étrangères de rencontrer les délégués arméniens était une tentative pour démontrer au monde que la Turquie poursuit le processus de normalisation des relations avec l'Arménie.
La Turquie reconnaît que l'Azerbaïdjan entrave l'amélioration des relations arméno-turques, de plus, les relations Turquie-Azerbaïdjan ont de nouveau empiré après la réunion de Kazan, car il a été clair pour tous que l'échec était imputable à l'Azerbaïdjan, ce qui a entrainé la colère du ministre Davutoglu. Le politologue a eu l'impression que les relations entre les deux pays ne sont plus au beau fixe. "Le mythe d'un peuple et deux États n'existe plus", a-t-il déclaré ajoutant qu'Ankara n'apprécie pas que Bakou lui lance des ultimatums et lui dicte sa conduite.
Lors de leur entretien avec Davutoglu, les délégués arméniens ont soulevé trois grandes questions.
"Tout d'abord, c'est Ankara qui entrave le processus de normalisation des relations, alors qu'Erevan a tout fait pour les améliorer. Par ailleurs, les représentants arméniens ont fait valoir qu'Erevan ne peut pas attendre indéfiniment le bon vouloir d'Ankara.
Deuxièmement, il y a deux sujets unificateurs des Arméniens du monde entier, à savoir : la reconnaissance du génocide arménien et la résolution du conflit du Karabakh ; ce qu'Ankara ne peut ignorer.
Et enfin, nous avons rappelé que la Turquie a signé un document pour l'amélioration des relations et ce sans conditions préalables, maintenant elle met une pré-condition, ce qui n'est pas juste," a déclaré le politologue arménien.
Guiragossian a eu l'impression que la Turquie va bientôt essayer de tester la solidité de l'Arménie. "Toutefois, ils seront déçus de constater que l'Arménie est forte. Elle a renforcé ses positions suite au blocus imposé par l'Azerbaïdjan et la Turquie. Et il n'est pas exclu maintenant que le temps soit venu pour l'Arménie de pouvoir dicter des conditions préalables," et d'ajouter : "qu'aucun progrès dans le processus arméno-turque n'est prévu dans un proche avenir, cependant la Turquie peut faire un geste avant 2015."
Les représentants de la société civile arménienne ont souligné à Davutoglu que : "l'Arménie est en position de force aujourd'hui, qu'elle peut survivre même sans l'ouverture de la frontière arméno-turque et que reconnaitre le génocide arménien est dans l'intérêt de la Turquie."
Abordant les négociations de paix sur le conflit du Karabakh, les suggestions du président russe Dmitri Medvedev sont plus proches de la position de l'Azerbaïdjan que de la position de l'Arménie. Toutefois, l'expert n'a pas précisé lesquelles. "Ce qui s'est dégagé de la réunion de Kazan, c'est que l'Azerbaïdjan a volontairement fait échouer la rencontre soit pour des raisons de politique interne soit pour prolonger l'inévitable finale."
Une autre question se pose régulièrement : quelle a été la réponse de Serge Sarkissian aux suggestions de Dimitri Medvedev ? La réponse de l'Arménie tout comme celle de l'Azerbaïdjan sont disponibles uniquement pour certaines ‘sources diplomatiques', aussi le public tant azéri qu'arménien n'en saura rien si ce n'est des bribes par ci par là.
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Extrait de PanArmenian.net