Nakhitchevan : Future pomme de discorde ?

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Traduction Gérard Merdjanian – commentaires

Depuis l'indépendance de l'Azerbaïdjan, la République Autonome du Nakhitchevan doit son bien-être aux présidents Haydar et Ilham Aliev, natifs de la région. Ce territoire n'a jamais été un objectif de l'armée arménienne ; et pour cause puisqu'elle défendait le Haut-Karabakh des attaques de l'armée azérie.

N'oublions pas non plus qu'en 1921, qu'au moment de son rattachement à l'Azerbaïdjan par la volonté de Staline, près de la moitié du Nakhitchevan était peuplé d'Arméniens, et qu'au moment du conflit du Karabakh en 1990, il en restait un peu plus de 1%.

Si Ilham Aliev décide de lancer ses troupes sur le Haut-Karabakh, il rencontrera non seulement une très forte résistance mais surtout il ne devra compter que sur lui-même. Vue que la Turquie, et l'Iran encore moins, ne se risqueront à rentrer dans la bataille. Car cette fois-ci, à l'inverse de 1991, la Russie ne restera pas neutre, ni d'une façon positive ni d'une façon négative. Les enjeux des puissances sont tout autre en 2010.

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Il y a 85 ans que la République Autonome du Nakhitchevan (RAN) a été créée, et qui dans un proche avenir peut devenir un autre foyer de tension, voire fortement déstabiliser la région. Malgré le semblant d'accord sur le Nakhitchevan (appartient à l'Azerbaïdjan), la Turquie et l'Iran ont commencé à tâter le terrain et à mener une lutte en coulisse pour le droit de dicter leur volonté à Bakou, ou plutôt au Nakhitchevan. Plus tard, cela peut se développer sous forme de conditions, tout dépend du comportement de l'Azerbaïdjan, mais également de la Turquie et l'Iran. Mais plus encore, cela dépendra de la Russie, et peu importe les efforts des "experts" et des "analystes politiques" de Bakou pour tenter d'assurer leur population du contraire.

Très probablement les déclarations de la partie turque, assurant que "l'avenir du Nakhitchevan a toujours intéressé et continuera d'intéresser la Turquie en premier lieu", sont juste un cliché, d'autant qu'elles sont faites par le ministre des Affaires étrangères turc. "Le traité de Kars qui assure la sécurité du Nakhitchevan reste en vigueur. C'est indéniable. Cet accord fait partie intégrante du droit international. La Turquie est le garant de la sécurité du Nakhitchevan. C'est l'engagement de la Turquie en vertu du droit international. La sécurité du Nakhitchevan est notre sécurité, son bien-être est notre bien-être," a déclaré Davutoglu lors de son récent déplacement à Nakhitchevan (Chef-lieu du Nakhitchevan), ajoutant que le Nakhitchevan et la Turquie sont inséparables.

Dans le cadre du Traité d'amitié entre les RSS d'Arménie, d'Azerbaïdjan et de Géorgie, d'une part, et la Turquie d'autre part, signé avec la participation de la RSS de la Fédération Russe à Kars le 13 Octobre 1921, la région du Nakhitchevan constitue un territoire autonome sous administration de l'Azerbaïdjan, sans le droit de passer sous administration d'un pays tiers. Par pays tiers on sous-entendait l'Arménie. Toutefois, il convient de mentionner que l'Iran a aussi eu un œil sur cette région. En 2005, les présidents iranien et azerbaïdjanais, Mahmoud Ahmadinejad et Ilham Aliev, ont officiellement inauguré un gazoduc qui va de l'Iran à la RAN. Les premières livraisons ont débuté le 1er Novembre 2005. Conformément à l'accord, prévu pour 25 ans, l'Iran fournira du gaz azerbaidjanais à cette région via l'Iran. 85% iront à la RAN et les 15% restants seront le paiement à Téhéran pour service rendu. Aucun paiement en espèces n'a été prévu dans le contrat.

Ainsi, tout le monde vend ce qu'il a : la Turquie vend une garantie de sécurité et l'Iran, du gaz. L'Azerbaïdjan profite des deux, mais pour combien de temps encore ? Il est naturel que la Turquie, dans ce contexte, ait plus de chances que l'Iran, elle est plus proche de l'élite politique de Bakou, lequel n'est pas favorable au régime des Ayatollahs. Toutefois, c'est avec le Nakhitchevan que la lutte pour la suprématie régionale entre les deux pays va commencer. Et celui qui sera le premier capable de manger l'Azerbaïdjan, pourra dire que le premier pas est fait. Toutefois, cela ne signifie pas que l'autre côté abandonnera rapidement. Les processus régionaux gagnent du terrain et l'Arménie n'a pas forcément le rôle le plus petit, par conflit du Karabakh interposé. Si Bakou décidait de commencer une nouvelle guerre, ni la Turquie ni l'Iran ne viendront à la rescousse pour des raisons différentes : la Turquie ne soutiendra pas un agresseur, alors que l'Iran ne voudra tout simplement pas interférer. La vérité est que dans le cas où Aliev commencera une guerre, il ne tiendra pas plus d'un mois. Mais le problème du Nakhitchevan peut être résolu durant ce mois, vu que le Traité de Kars a désigné la Turquie garante de la sécurité de ce territoire. Quoi qu'il en soit, dans les années à venir, nous assisterons à de grands changements dans la région. Ce n'est pas pour rien que depuis quelques temps le Nakhitchevan est à l'honneur dans les médias turcs surtout.

Karine Ter-Sahakian – PanArmenian – Département Analyse