Relations Turquie – UE ou l’Hôpital qui se fout de la Charité


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Traduction Gérard Merdjanian - commentaires

Extrait de www.parolevolee.net
Ce qu’il a d’intéressant avec les dirigeants turcs de tous bords, c’est qu’ils sont toujours prêts à donner des leçons sur les valeurs démocratiques, comme les libertés ou les droits de l’homme. Mais quand d’autres pays ‘persistent’ dans leur démarche démocratique, alors on invective, on injurie, on menace, jusqu’à envoyer des émissaires expliquer à ces personnes, qui n’ont rien compris à la grandeur de la Turquie, ce qu’il y a lieu de faire. En clair Ankara s’immisce directement dans les Affaires intérieures du pays, quitte à soudoyer certains.

Ainsi ont-ils abordé le problème de la liberté d’expression quand la France a voté la loi pénalisant le déni de génocide - comme si le négationnisme faisait partie de la liberté de parole, alors que des dizaines d’intellectuels et de journalistes croupissent dans les prisons turques pour avoir osé écrire sur le génocide des Arméniens ou sur le problème kurde, en application de l’Art. 301 du code pénal turc. Parler du génocide c’est toucher à la fierté turque, parler des kurdes revient à soutenir les terroristes du PKK, quant à parler de l’occupation de Chypre, on frise le crime de lèse-majesté.

Alors que la Turquie occupe militairement 37% de Chypre depuis 1974, pays de l’UE, sous prétexte de protéger les chypriotes d’origine turque, elle reproche à l’Arménie d’être venue en aide à ses compatriotes du Haut-Karabakh en train de se faire massacrer !  Alors qu’elle signe des Accords officiels avec l’UE, elle refuse de les mettre en œuvre avec Chypre. Alors qu’elle signe des protocoles avec l’Arménie, sous l’égide des grandes puissances, pour normaliser ses relations, elle refuse de les ratifier sortant subrepticement des conditions préalables.

Si économiquement, voire militairement, la Turquie remplit peu ou prou les critères pour faire partie du G20, il ne suffit pas de faire des élections conformes aux normes internationales pour prétendre adhérer à l’UE. Ses classements 2012
-      dans le domaine de la presse (Reporters sans frontières : 148ème sur 179 pays)
-      ou dans celui de la démocratie (Index The Economist : 88ème sur 167 pays)
devraient inciter Monsieur Erdogan à embaucher un régiment de techniciens de surface pour balayer devant sa Sublime Porte.



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Le 11 Avril, le Catholicos de la Grande Maison de Cilicie, Sa Sainteté Aram Ier, a reçu une lettre du ministre des Affaires étrangères de la République de Chypre, Mme. Erato Kozakou-Marcoullis, l'informant que "le régime illégal de la zone de Chypre occupée par la Turquie avait placé l’évêque de Karpasia, Mgr. Christoforos, sur sa liste noire. Un acte qui nie le droit fondamental à la liberté de mouvement et le droit des citoyens chypriotes grecs dans l'enclave occupée, à vivre dans la dignité et pratiquer leur foi chrétienne (Déclaration universelle des droits de l'homme, respectivement articles 13 et 18)."

Dans la lettre, la ministre affirme également que "cette nouvelle décision qui empêche les chrétiens orthodoxes grecs de célébrer la Divine Liturgie le dimanche de Pâques à Karpasia est un autre exemple de la violation constante par la Turquie des droits fondamentaux de l'homme et en violation flagrante du jugement rendu par la Cour européenne des Droits de l'Homme en 2001." À la fin de la lettre, le Dr Erato Kozakou-Marcoullis demande à Sa Sainteté Aram Ier de condamner publiquement cet acte.

En réponse à la lettre du ministre, le catholicos Aram Ier a écrit : "Comme Chef spirituel de la communauté arménienne de Chypre, qui possède des églises et un monastère dans la partie illégalement occupée, je suis au courant de toutes les violations des dispositions de la Déclaration universelle des droits de l'homme, depuis 1974. Cette démarche avec l'occupation illégale de nos propriétés par la Turquie, est la continuation de la politique de déni des autorités passées et présentes de la Turquie."

Et de poursuivre : "En ne permettant pas aux grecs orthodoxes de la région de Karpesia de célébrer les cérémonies religieuses, en dépit du jugement de la Cour européenne des Droits de l'Homme contre la Turquie (10 mai 2001) et en limitant le nombre des prêtres orthodoxes dans l'enclave sous occupation (Cf : le rapport de la visite du Rapporteur spécial des Nations unies sur la liberté de religion ou de conviction, M. Heiner Bielfeldt, du 5 Avril 2012), la Turquie a une nouvelle fois démontré sa politique du double langage. D'une part, les autorités turques se présentent comme des défenseurs des droits humains dans le monde arabe par leur Décision du 28 Août 2011, de vouloir indemniser les minorités non-musulmanes (grecques, juives et arméniennes) et de restituer les biens confisqués depuis 1936 à ces communautés. D'autre part, elles nient publiquement toute responsabilité pour le génocide arménien et de ses conséquences, et ignorent toutes les déclarations internationales et les décisions judiciaires concernant les droits des citoyens chypriotes grecs et grecs orthodoxes sous leur régime d'occupation illégale."

À la fin de sa lettre, Sa Sainteté informe la ministre des Affaires étrangères qu'il a écrit aux secrétaires généraux du Conseil œcuménique des Eglises et au Conseil des Eglises du Moyen-Orient, ainsi qu’aux dirigeants des communautés arméniennes du Moyen-Orient, d'Europe et d’Amérique du Nord en leur demandant de condamner la négation de la Turquie quant aux droits fondamentaux de l'homme pour les Chypriotes grecs dans le cadre du régime illégal dans la partie occupée du Nord de Chypre.

* Brève Pays-Bas *

Le président turc, Abdullah Gül, se rendra aux Pays-Bas à l'occasion du 400e anniversaire de l'établissement des relations diplomatiques entre l'Empire ottoman et les Pays-Bas.

Une manifestation est prévue le 18 Avril à La Haye, contre la visite du président turc aux Pays-Bas. Quelques jours auparavant, les organisations arméniennes avaient publié une lettre ouverte adressée au parlement hollandais pour protester contre la célébration de cette date.

Inge Drost, coordinateur de la Fédération des Organisations Arméniennes des Pays-Bas (FAON) a précisé que les Kurdes, les Assyriens et des Turcs participeront également à la manifestation.

Les thèmes des banderoles porteront sur la condamnation de la politique turque à l'égard des minorités nationales, sur le déni du génocide, les violations des droits de l'homme, ainsi que sur la liberté d'expression.

* Brève ONU *

Le 12 Avril, des discussions sur la prévention du génocide ont eu lieu au siège de l'ONU, initiées par la Représentation arménienne.

Le Représentant permanent de l'Arménie à l'ONU, Karen Nazarian, a prononcé le discours d'ouverture, dans lequel en tant que rescapé du génocide il a souligné l'engagement moral de la nation arménienne à promouvoir l'activité sur la prévention des génocides. Il a indiqué que l'Arménie se félicite des efforts des gouvernements, des parlements, des organisations internationales et non-gouvernementales, des experts du génocide, ainsi que d’intellectuels turcs, qui soutiennent l'activité de l'Arménie concernant la reconnaissance internationale de l'atrocité.

Durand les débats, le documentaire de Michael Hagopian, "River Ran Red", a été projeté puis suivi des commentaires des professeurs Dennis R. Papazian (Université Dearborn du Michigan), et Ervin Staub (Université du Massachusetts), ainsi que de la présidente de la Fondation du Film Arménien, la réalisatrice Carla Garabédian.

Du 3 au 26 Avril, la Galerie Bergen du Collège Communautaire Bergen (New Jersey), en coopération avec le Centre pour la Paix, la Justice et la Réconciliation, accueille l'exposition intitulée "Fracture de l’Histoire, Reconstruction de l'Identité : Niveaux d'occidentalisation de la peinture arménienne et autres médias."

La commissaire de l'exposition, Vicki Sokhag Hovannessian, est une collectionneuse passionnée de l'art occidental et arménien depuis plus de 30 ans.

Peter Balakian prendra la parole à la cérémonie de clôture, le 26 Avril.

Peter Balakian, auteur et chercheur, est professeur de Sciences humaines et le directeur de la création littéraire au Département Anglais de l'Université Colgate. Il a remporté le Prix PEN/Albrand pour ses mémoires, "Black Dog of Fate", qui lui a valu les honneurs du New York Times Littéraire, et en 2005 le prix Raphael Lemkin pour son livre, "Le Tigre de feu : Le génocide arménien et la réaction de l’Amérique".

* Brève Karabakh *

Environ 300 cas de violation du cessez-le-feu par les forces azéries, représentant près de 1400 tirs de diverses armes de gros calibres, ont été enregistrés la semaine dernière sur la ligne de contact entre le Haut-Karabakh et l'Azerbaïdjan.

Par ailleurs, plusieurs vols en formation de l'aviation azérie le long de la ligne de contact ont été effectués. L’armée de défense de l'Artsakh a enregistré ces violations qui fort heureusement n’ont entrainé ni incidents ni accidents.

* Brève Macédoine *

"L'Arménie et la Macédoine ont plusieurs objectifs communs. Le monopole d'un monde unipolaire dirigé par les États-Unis régresse de plus e plus, avec l’apparition de la Russie, de la Chine, de l'UE et de la Ligue arabe. L'Arménie et la Macédoine sont divisées géographiquement par la Turquie, alors que le problème du facteur turc les unit stratégiquement. Le néo-ottomanisme et le panturquisme d’Ankara suscitent les préoccupations de deux de ses voisins, des Balkans, de la Serbie et de la Grèce," a déclaré le Consul honoraire de Macédoine en Arménie, Arayik Sarkissian, lors d'une conférence de presse. Et d’ajouter : "la menace commune peut jeter les bases d’une consolidation des liens et inciter à conjuguer les efforts pour former une force antagoniste."

* Brève Etats-Unis *

Le Prof. Taner Akçam a donné le 5 Avril des conférences dans l’auditorium Persson Hall, bondé, à l'Université Colgate de New York, pour le lancement de son nouveau livre "Le crime contre l'humanité des Jeunes Turcs : le génocide arménien et le nettoyage ethnique dans l'Empire ottoman", qui vient d'être publié par la Presse Universitaire de Princeton.

Akçam a parlé de l'importance des nouveaux documents d'archives qu'il a découverts dans les archives du ministère de l'intérieur à Istanbul. Il a étudié la politique des Jeunes Turcs sur les conversions forcées et l'adoption planifiée d'enfants orphelins arméniens comme une dimension du processus génocidaire à travers laquelle l'identité arménienne a été effacée par la planification centrale du gouvernement ottoman en 1915. Akçam a également parlé de l'importance des instructions de Talât Pacha pour massacrer environ 200.000 Arméniens dans le désert syrien de Der-el-Zor, à l'été 1916. La conférence a été suivie par une séance animée de questions-réponses et clôturée par une réception.

Dans son introduction, l’invité du Prof. Akçam, le professeur Peter Balakian, a indiqué : "Le travail d’Akçam reste révolutionnaire, vitalisant, essentiel. Non seulement il a ouvert un espace à l'intérieur de la Turquie pour une évaluation honnête du génocide des Arméniens, mais aussi il a donné du courage à toute une génération de jeunes chercheurs turcs pour lutter contre cette histoire de la prémisse de la sincère reconnaissance de la définition de Lemkin du génocide."

La conférence a été parrainée par le Doyen et le Principal de l’université Colgate, dans le cadre du Programme d'études Paix et Conflits, intégré au programme de base, dans lequel Balakian dirige le cours sur le génocide moderne.

Pour sa part, Taner Akçam est titulaire de la Chaire d’études Kaloustian et Mugar sur le génocide arménien, à l'Université Clark.

* Le coin des experts *

* Lévon Chirinian

"Les Kurdes montreront si les tendances de destruction de l'Empire ottoman sont un processus continu ou non", a déclaré Lévon Chirinian.

Selon le politologue arménien, la chute de l'Empire ottoman a commencé après sa défaite à la bataille de Vienne (1529). L’expert a indiqué, qu’à partir de là, l’empire ottoman, et donc la Turquie, a cessé son expansionnisme et a diminué progressivement de taille.

"Si la tendance continue, la formation d'un Etat kurde indépendant et la perte d'une autre partie du pays pourrait devenir la prochaine étape. L'élite turque doit se rendre compte qu’après l'extermination des Arméniens, la Turquie va perdre les Kurdes, qui menacent de jouer un rôle majeur dans la détermination de l'avenir de l'Etat turc. Les dispositions du Traité de Sèvres relatives aux Arméniens et aux Kurdes ont été les seules qui n'ont pas été mises en œuvre," a-t-il souligné.

"Les Kurdes attachent une grande importance au traité qui fixe comme objectif la construction de leur propre Etat, et espèrent récupérer les territoires confisqués. Les autorités et les politiciens turcs considèrent encore ce traité comme ‘une épine dans le pied’," a poursuivi l'expert, ajoutant que l'Arménie doit être prête à retourner, le cas échéant, Surmalu et Kars comme un minimum.

Il a insisté sur la nécessité de développer de bonnes relations avec les Kurdes, en raison qu’ils sont une force motrice pour déstabiliser la situation en Turquie : "La lutte pour l'indépendance a déjà été lancée par le Kurdistan irakien."

Ainsi, l'élite politique a déjà été formée à Erbil (Kurdistan irakien), ce qui entraîne automatiquement des tentatives de rupture avec les autorités centrales.

"Les gens du Kurdistan sont ‘armés jusqu'aux dents’. La formation d'un Etat kurde est tout à fait possible dans un avenir proche avec l’émergence d'un chef puissant."

L’ancien président de l'Irak, Saddam Hussein, avait transformé Bagdad en une ville universitaire, essayant d'établir la base la plus puissante de la région dans les domaines scientifiques et techniques.

"Plusieurs forces extérieures visent à diviser l'Irak. Une des raisons d’attaquer l'Irak a été la tentative des États-Unis de saper le renforcement du pays. Israël et les Etats-Unis poursuivent le même objectif. La stratégie d'Israël consiste à affaiblir tous les pays de la région par l'organisation de coups d'État, de révolutions et de guerres civiles. Ainsi, les groupes qui étudient la question kurde et les possibilités d'étendre l'assistance nécessaire au Kurdistan, opèrent actuellement en Israël," a-t-il précisé.

* Karnik Assadourian

Karnik Assadourian, expert des questions iraniennes et kurdes, a déclaré que les Kurdes posaient des préalables pour établir leur Etat, mais que ces déclarations sont fomentées par des États-Unis

"Toutefois, la Turquie ne permettra pas la création d'un Etat kurde sur son territoire. L’idée d'organiser un référendum pour se couper de l'Irak a récemment émergé dans le nord du pays, habités par des Kurdes. La politique américaine active poursuivie au Kurdistan est tout à fait claire, et l'on peut facilement deviner qu'elle pousse les Kurdes vers la libération. Dans le cas où ils parviendraient à établir un Etat indépendant en Irak, cela provoquera une réaction en chaîne en Turquie, en Syrie et en Iran. Il est fort probable que ces pays réagiront par des actions appropriées, mettant en œuvre des dispositions pour prévenir les tendances séparatistes ; et notamment par l’usage de la force, comme ce fut le cas dans le nord de la Syrie ou à la frontière turco-irakienne," a souligné l'expert.

Et de continuer en précisant : "Il n'y a pas une nation unique kurde, il y a des tribus kurdes séparées. Les Kurdes de Turquie diffèrent des Kurdes irakiens en raison de la différence de langue, ce qui rend l'unification des Kurdes assez problématique. Les Etats-Unis ont investi des ressources importantes dans le Kurdistan irakien. La Turquie admet poursuivre la mise en œuvre d’une politique consistant à chasser les dirigeants du mouvement kurde vers l'Irak, et d’agiter les Kurdes irakiens contre leurs frères  turcs."

L’expert a donné quelques chiffres sur la population kurde. Ainsi, ceux vivant en Irak seraient de l’ordre de 4 millions, environ 3,5 millions résideraient en Iran, la Syrie n’en compterait que 2 millions, et la plus forte communauté, 9 millions, se trouve dans les provinces anatoliennes de Turquie.


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Extrait de PanArmenian