Qui ne bénéficiera pas d'une guerre au Karabakh ?

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Traduction Gérard Merdjanian - commentaires

Au bout de seize ans, il devient de plus en plus clair que les positions de chacun varieront très peu :

- Les puissances médiatrices ne feront pas plus qu'elles n'ont fait jusqu'à présent. Elles ont suffisamment à faire avec la crise mondiale et les guerres en cours pour ‘s'encombrer' d'un nouveau problème ;

- La Turquie aura beau jeu de maintenir son blocus, le prétexte ‘Karabakh' pouvant être, si besoin est, remplacé par celui ‘génocide' ;
- L'Azerbaïdjan ne ‘lâchera' jamais le Karabakh, quitte pour cela à s'engager dans un harcèlement permanent sur la ligne de front avec le Karabakh, tout en évitant une guerre ouverte avec l'Arménie. Il faut bien protéger ses sources de revenus ;

- Et l'Arménie gardera ses positions jusqu'à ce que Bakou accepte le principe d'autodétermination du Haut-Karabakh, et donc, son détachement éventuel du giron azéri.

Reste le rapport de force entre Washington et Moscou sur la région, le tout sous-tendu par les intérêts énergétiques de la mer Caspienne. Aussi les Résolutions, si Résolutions il y a, iront rejoindre ceux sur Israël ou sur Chypre dans la rubrique ‘lettres mortes'.

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Les récents développements sur le front du Karabakh, entre autres choses, ont confirmé une chose très importante, ou plutôt une vérité : la communauté internationale n'est pas préoccupée par les conflits dans l'ex-Union soviétique et se contentera de formuler des déclarations générales et de "condamner". Ils n'essayeront pas d'empêcher l'évolution du conflit vers une phase ‘plus chaude'. Les grandes puissances et les coprésidents du groupe de Minsk de l'OSCE n'interviendront que lorsque leurs propres intérêts dans la région seront affectés.

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Permettez-moi un commentaire sur la visite du ministre turc des Affaires étrangères au Kazakhstan, qui serait passé inaperçue s'il n'y avait eu des pourparlers pour résoudre le conflit ethnique. Au passage, Davutoglu et Saudabayev pour une raison quelconque ont abordé le conflit du Karabakh, qui, dans l'ensemble, ne relève pas de l'activité de ces deux pays. Toutefois, tout comme le président de l'OSCE, le Ministre des Affaires étrangères du Kazakhstan croit sans doute qu'il se doit d'intervenir dans tous les conflits. Tout cela dans la mesure où les grandes puissances le permettent.

En ce qui concerne le Groupe de Minsk de l'OSCE, les coprésidents ont une fois de plus rappelé la déclaration, qui depuis plusieurs années est toujours la même. Comme d'habitude, ils ont exprimé leurs graves préoccupations sur l'utilisation de la force et la perte insensée de vies humaines dans la zone de conflit. "Ces incidents sont une violation inacceptable de l'accord de cessez-le de 1994 et en contradiction avec l'engagement des parties de s'abstenir de recourir à la force ou d'utiliser la menace." Soit dit en passant, selon la pratique internationale, le terme "inacceptable" signifie : "Hélas, nous ne pouvons pas rien faire et nous sommes d'accord avec tout le monde …."

Et, naturellement, les coprésidents vont exhorter les parties à faire preuve de retenue dans leurs actions et leurs déclarations publiques, et de préparer leur société, non pour la guerre mais pour la paix, soulignant qu'il n'y a pas d'alternative au règlement pacifique du conflit et que la guerre ne peut jamais être une solution. "Nous appelons à coopérer avec le Représentant personnel du Président de l'OSCE et à ne prendre aucune mesure qui pourrait entraver le suivi de la situation dans la zone de conflit."

Personne n'avance que les médiateurs vont faire une déclaration, mais pas aussi fade et inutile que toutes les précédentes. Ils pourraient, au moins par respect de justice, désigner l'auteur de l'incident afin de ne pas donner à Bakou l'occasion de blâmer à nouveau le Karabakh pour tous les maux. Mais encore une fois les médiateurs ont décidé, comme ils disent : "ne pas ajouter de l'huile sur le feu". Il est également vrai que si la guerre reprend au Karabakh, l'OSCE aura sa part de responsabilités, avec ses déclarations générales et sa « navette diplomatique », qui n'a jamais désigné les auteurs de violences et encore moins les livrer à la justice. Et la guerre hypothétique peut se transformer en une vraie guerre, comme si personne n'avait besoin que le Sud-Caucase soit pacifique, en particulier les États-Unis et la Russie. Les assurances d'un désir de paix ne doivent pas se contenter, en quelque sorte, de suppositions. Maintenant, à savoir si Ilham Aliev partagera ou pas le sort de Mikhaïl Saakachvili, reste encore incertain. Quant à la partie arménienne, elle doit toujours se tenir prête et répondre de manière adéquate aux ‘provocations' et, si besoin, envoyer des commandos. En outre, ce qui s'est passé le 18 Juin n'est pas une provocation, mais belle et bien une opération planifiée. Simplement, comme toujours, Bakou avait surestimé sa force, dans l'espoir qu'après le tout premier tir, les Karabakhis se rendraient.

Il y a encore beaucoup de zones d'ombre dans cette longue histoire. Est-ce que Medvedev savait ce qu'Aliev avait préparé au sortir des pourparlers ? Ceci, combiné avec l'offre de Gazprom d'acheter 2 milliards de mètres cubes de gaz azerbaïdjanais, et ce immédiatement après l'incident du 18 juin, devrait mettre la partie arménienne sur ses gardes. Dans ce contexte, la fermeture à Bakou d'un petit bureau de la ‘British Petroleum' est presque passée inaperçue. Il est encore trop tôt pour parler de désengagement de la BP en Azerbaïdjan, mais étant donné l'état désastreux de la société après l'accident de ‘Deepwater Horizon' et les énormes amendes que la société va devoir payer, on peut supposer que c'est une probabilité non nulle. Après tout, ce n'est pas par plaisir que l'Azerbaïdjan passe progressivement de l'approvisionnement en pétrole à celui de gaz naturel.

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Karine Der-Sahakian – PanArmenian.net – Département Analyse