Karabakh : Les leçons de la réunion trilatérale de Kazan

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Traduction Gérard Merdjanian - commentaires

Depuis 2010, les réunions tripartites débouchent sinon sur un échec, du moins sur un statu quo. Situation désagréable pour tout le monde : - pour les médiateurs qui peinent à faire progresser les négociations, - pour les Arméniens qui subissent les violations permanentes du cessez-le-feu sur la ligne de contact, - pour les azerbaidjanais qui en profitent pour renchérir sur leurs exigences accompagnées de propos belliqueux et d'achats massifs d'armements.

La déclaration à l'issue de la rencontre de Kazan est un magnifique exemple pour dire sous forme diplomatique que l'on fait du sur place.

Maintenant que les médiateurs ont pris l'habitude de passer par Stépanaguerd dans le cadre de leur navette diplomatique, les dirigeants du Haut-Karabakh demandent officiellement à participer aux négociations du groupe de Minsk de l'OSCE. N'oublions pas, qu'en tout état de cause, c'est in fine, la population du Karabakh qui va subir directement les décisions qui seront prises, et qu'il n'est pas question pour elle de retourner sous le joug de Bakou.

Les déclarations des pays coprésidents du groupe de Minsk, ainsi que les propos des dirigeants d'organismes internationaux, ne cessent d'insister sur le non usage de la force ou de sa menace, en totale contradiction avec ceux du président Aliev.

Il faudra effectivement revoir, tôt ou tard, le format des négociations avant que les ‘faucons' de Bakou ne commettent l'irréparable et mettent en péril l'approvisionnement de l'Europe en hydrocarbures et gaz. Ce jour là, la Russie, la France et les Etats-Unis cesseront surement d'être simplement des médiateurs et reprendront leur habit de grande puissance.

** Brève **

"La Commission de la Knesset israélienne a discuté du génocide arménien mercredi dernier pour instaurer une journée de commémoration du génocide et a décidé que c'est sa Commission d'Education et de la Culture qui débattrait de cette nouvelle mesure et ferait des recommandations à la Knesset," a déclaré le représentant du Comité National Arménien de Jérusalem, Hagop Sevan ; rapporte Asbarez.com.

La Knesset a voté par 25 voix contre une pour envoyer l'examen de la proposition à la Commission d'Education et de la Culture. La voix contre, provenait du député d'origine azérie. La résolution a été introduite par le député Arie Eldad. Cette deuxième résolution prévoyait des programmes éducatifs sur le génocide arménien, à enseigner le 24 avril.

Le représentant du gouvernement israélien et ministre des infrastructures nationales, Uzi Landau, a indiqué que, si le gouvernement estime que c'est à l'Arménie et à la Turquie de débattre de cette question entre elles, le gouvernement n'était pas opposé à la discussion du projet par la Commission ad hoc de la Knesset.

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"Nous avons fait des concessions avant 1995 et en 1998, et il n'est pas logique d'en faire de nouvelles aujourd'hui, et attendre que l'Azerbaïdjan change sa position," a déclaré le Représentant du Président Sarkissian à l'Assemblée nationale, Karnig Issagulian.

"Le fait que nous ne reconnaissons pas le Haut-Karabakh est une autre concession de l'Arménie. L'Arménie a fait ces concessions étape par étape, après la conclusion de l'accord de cessez-le-feu de 1994. Maintenant il nous faut démontrer à la communauté internationale que l'Arménie n'est pas prête à en faire de nouvelles, puisque celles déjà faites n'ont pas adouci la position de l'Azerbaïdjan, ni sa rhétorique militaire."

"Nous attendons des changements dans le format de négociation, sinon le règlement du conflit deviendra impossible. Toutes les réunions, conférences et visites auront un caractère consultatif, sauf si le Haut-Karabakh retourne à la table de négociation en tant que partie prenante, à part entière."

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Le Directeur du Centre Arménien d'Etudes Nationales et Internationales, Manvel Sarkissian, est sûr que la réunion de Kazan n'a pas été la dernière chance pour résoudre le conflit du Karabakh.

"Même après la parade militaire de l'Azerbaïdjan et les déclarations belliqueuses du président azéri Ilham Aliev, aucun dirigeant azerbaïdjanais n'a déclare que les négociations étaient rompues. Tout le monde se dit prêt à poursuivre les pourparlers. Tout le monde est très prudent, y compris l'Azerbaïdjan."

Il conseille de ne pas oublier le facteur ‘iranien' dans les négociations et de faire attention à la dernière déclaration de l'ambassadeur américain en Azerbaïdjan, Matthew Bryza, où il est dit que les Etats-Unis sont prêts à assurer la sécurité énergétique de l'Azerbaïdjan.

Sarkissian n'a pas exclu la possibilité d'un changement, soit dans le format du Groupe de Minsk, soit dans le concept pour résoudre le problème Artsakh. Ainsi, des idées et des préceptes entièrement nouveaux doivent être fixés en tant que bases pour le règlement de ce conflit. "Je ne serai pas surpris si le Groupe de Minsk était dissout et le processus de paix transféré vers une structure d'intégration européenne. Un rôle énorme semble être donné à l'Union européenne, et je crois que l'avenir va bientôt nous montrer que les circonstances changent et qu'une nouvelle phase commence. À certains moments l'Arménie souligne l'inopportunité de la modification du format, mais à d'autres, elle déclare qu'une nouvelle étape est impossible sans la participation du Haut-Karabakh."

Il a également émis l'hypothèse que dans la nouvelle étape, l'Artsakh va agir comme une partie distincte du conflit et que cela va affaiblir la position de l'Azerbaïdjan, en particulier à la lumière de la Déclaration de Deauville, qui exclut clairement l'usage de la force. Le politologue a conclu que, la situation actuelle qui semble maintenant avoir atteint une impasse, pourrait annoncer la perspective de nouvelles approches.

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"La réunion de Kazan n'a pas été la dernière occasion de résoudre le conflit du Karabakh. Il semble plutôt que le processus basé sur le Groupe de Minsk de l'OSCE va changer. L'UE fait de gros efforts pour s'impliquer dans le processus actuel. L'UE ne veut pas remplacer le Groupe de Minsk, mais plutôt l'aider," a déclaré le directeur du Centre d'Etudes Régionales (RSC), Richard Guiragossian. Il a ajouté que certains représentants de l'UE souhaiteraient modifier la composition du Groupe de Minsk et remplacer la France par l'UE.

Selon Guiragossian, en cas de changement, on pourrait voir de nouveaux acteurs rentrer dans le processus, tel le Haut-Karabakh, voire un représentant des réfugiés azerbaïdjanais du Haut-Karabakh.

"A Kazan, l'Azerbaïdjan a essayé de mettre l'accent non pas tant sur les documents présents à la table des négociations que sur son défilé militaire du 26 Juin, avec l'intention de démontrer le résultat de sa coopération militaire avec la Russie, en particulier avec les systèmes S-300 de défense aérienne, qui sont essentiellement une arme défensive.

Depuis de nombreuses années l'Azerbaïdjan menait une ‘guerre de la diplomatie', qui aujourd'hui a été remplacée par une ‘diplomatie de la guerre', qui consiste à faire pression sur la communauté internationale et, en premier lieu, sur le Groupe de Minsk. La menace de guerre est réelle dans la mesure où nous avons à faire à un adversaire faible et imprévisible", a déclaré Giragosian.

Il a également noté que psychologiquement, l'Azerbaïdjan ne réalise toujours pas qu'il est vaincu et qu'il a définitivement perdu le Karabakh. "En menaçant constamment de se lancer dans une nouvelle guerre et en exigeant le maximum, l'Azerbaïdjan s'est piégé lui-même et tente maintenant de trouver une bonne excuse pour s'en sortir et renoncer au Karabakh ‘avec dignité'."

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Extraits de la Radio Publique d'Arménie