L'Arménie reste confiante dans l'avenir

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Traduction Gérard Merdjanian - commentaires
Les propos des deux présidents arméniens, l'actuel et son prédécesseur, restent optimistes quant à l'évolution du processus de paix sur le Haut-Karabakh, malgré l'intransigeance de la partie adverse. La dernière rencontre Medvedev-Aliev, n'a pas profité à ce dernier qui a décidé de bouder le Sommet des dirigeants de la CEI qui vient de se tenir à Douchanbé au Tadjikistan.
Concernant le processus de normalisation des relations arméno-turques, personne n'est dupe, mais personne ne veut faire le premier pas ... vers la sortie. Les Etats-Unis qui sont les plus fervents partisans d'une poursuite du processus de ratification, en sont pour leurs frais. La Turquie, qui dès le premier jour a annoncé la couleur en liant la ratification des protocoles à la résolution du conflit du Karabakh conformément aux attentes de Bakou, vient de reporter l'étude de la question par son parlement, à date ultérieure. Quant à l'Arménie, elle attend le bon vouloir d'Ankara ; et comme on dit familièrement, elle peut toujours attendre.
La récente crise turco-israélienne, n'arrange pas les affaires de Washington. C'est toujours désagréable d'avoir un bras droit qui ne s'entend pas avec le gauche, surtout si l'on vise des actions militaires dans la région.
Est-ce que cette situation changera quelque chose pour l'Arménie ? Ce n'est pas pour autant que la Knesset reconnaitra le génocide arménien ou qu'Israël appuiera, indirectement, sa reconnaissance par les Etats-Unis, pas plus qu'il cessera de vendre des armes à l'Azerbaïdjan.
Si l'on prend en compte le motif pour lequel il y a embrouille entre les deux pays, que l'on se souvienne qu'Erdogan avait demandé à Serge Sarkissian de présenter des excuses pour les propos tenus devant des étudiants, et vu qu'il n'a pas de relations diplomatiques, d'accords de quel que type que ce soit, que la frontière est hermétiquement close, on peut se demander ce qui attend l'Arménie ?
Comme il avait menacé l'an dernier, il expulsera peut-être les nationaux arméniens travaillant en Turquie. Quand on a sur les mains le sang de 1,5 million d'Arméniens, que l'on occupe militairement un tiers du pays voisin, et que l'on se fiche royalement des engagements contractés, on ne s'arrête pas à ce genre de ‘détail'.
* Brève Turquie *
Le gouvernement de Recep Tayyip Erdogan a décidé vendredi 2 septembre d'expulser l'Ambassadeur israélien Gab Levy et de suspendre sine die ses accords militaires avec l'État hébreu. Deux mesures qui jettent un froid sur des relations diplomatiques quasiment au point mort depuis l'assaut de la marine israélienne sur la « flottille de la liberté » en mai 2010. Principal point de discorde entre les deux ex-alliés : les excuses publiques refusées par Israël et le dédommagement des familles des victimes et des blessés de l'assaut.
* Brève UE *
Le nouveau Représentant spécial de l'Union européenne pour le Caucase du Sud et la crise en Géorgie, l'ambassadeur Philippe Lefort, sera en Arménie le 7 Septembre dans le cadre de sa première visite dans la région.
Durant son séjour à Erevan, le successeur de Peter Semnebi a prévu de rencontrer le Président de la République, le ministre des Affaires étrangères, le secrétaire du Conseil national de sécurité, le Président du Parlement et le Président de la Commission des Affaires étrangères de l'Assemblée nationale.
Philippe Lefort est un diplomate français d'expérience. Il a travaillé une grande partie de sa carrière dans le Caucase et en Russie. Il a été ambassadeur de France en Géorgie (2004-2007), chef de mission adjoint à l'ambassade de France en Russie (2007-2010), et était le directeur de l'Europe continentale à Direction Générale au sein du ministère français des Affaires étrangères et européennes jusqu'à Aout 2011.

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* Robert Kotcharian *

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Selon l'ex-Président Robert Kotcharian, le temps joue pour l'Arménie et l'indépendance du Haut-Karabakh sera finalement reconnue par la communauté internationale : "Une chose est claire, dans l'histoire moderne, ces genres de problèmes ont tous été résolus en faveur de l'autodétermination des peuples."
Dans son interview télévisée, Robert Kotcharian a donné des exemples d'Etats nouvellement indépendants, comme le Timor oriental, le Kosovo et le Sud-Soudan qui ont gagné la reconnaissance internationale dans leurs conflits sécessionnistes. Il a également souligné les cas de l'Abkhazie et de l'Ossétie du Sud, soutenues par la Russie dans leur sécession de la Géorgie, et a indiqué que la poussée palestinienne pour sa reconnaissance internationale aboutira prochainement.
"Mais il ne faut pas croire qu'après la reconnaissance de l'indépendance du Karabakh la vie va changer radicalement. Il faudra vivre comme si ce qui si cela s'était passé il y a longtemps. En fait, nous n'avons pas besoin de l'approbation de quelqu'un pour reconnaitre notre indépendance. C'est un fait accompli. Nous devons vivre et travailler en pleine confiance et renforcer la République du Haut-Karabakh. Le reste viendra en temps voulu."
Kotcharian a passé une grande partie de l'interview sur le 20e anniversaire de la déclaration d'indépendance du Karabakh qui a été officiellement célébrée vendredi. Il a discuté des événements du début des années 1990 et son rôle personnel durant la guerre du Karabakh (1992-1994).
Kotcharian, qui fêtait ses 57 ans le mercredi, a parlé de "progrès sérieux", mais a averti les dirigeants actuels de la RHK contre la complaisance. "Je n'ai aucun doute que tout finira bien, mais nous n'avons pas le droit d'être satisfaits de la situation existante."
Il a rappelé son désaccord avec son prédécesseur Lévon Ter-Pétrossian pour lequel un développement durable de l'Arménie ne pouvait se faire qu'avec un règlement du conflit du Karabakh et qu'Erevan devrait donc faire davantage de concessions à Bakou. Ter-Pétrossian a d'ailleurs réaffirmé ce point de vue après lors de son retour fracassant sur la scène politique fin 2007.
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* Serge Sarkissian *

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Le président Serge Sarkissian a pris la parole devant un parterre de diplomates et de Représentants arméniens et a réitéré la position de l'Arménie sur les deux processus, avec l'Azerbaïdjan sur le Haut-Karabakh et avec la Turquie sur la normalisation des relations.
"Cette année, nous avons été témoins de l'indépendance du Sud-Soudan, gagnée après des décennies de lutte et basée sur la mise en œuvre du droit des peuples à l'autodétermination. Un tel résultat arrivera inévitablement dans le cas de l'Artsakh, bien qu'il soit difficile de parler aujourd'hui d'assouplissement de la position de l'Azerbaïdjan dans le processus de négociation."
"Quand nous disons que les approches de la communauté internationale sur la question du Karabakh coïncident avec la position officielle de l'Arménie, ce n'est pas un coup de propagande. Nous avons clairement exprimé notre volonté d'assumer nos responsabilités, et la communauté internationale a fini par accepter que notre approche était effectivement plus réaliste et plus pacifique. Ceci est prouvé par les récentes déclarations des pays coprésidents [du Groupe de Minsk de l'OSCE] sur le Haut-Karabakh. Il est également clair qui est le destinataire des messages qu'ils adressent quand on voit leur contenu."
"Cet été, nous avions atteint un point, lorsque les pays médiateurs et la communauté internationale ont cru que les parties étaient proches de parvenir à un accord, tout du moins sur les principes de base. À cet égard, la réunion de Kazan a été une pierre de touche unique qui a permis d'évaluer la sincérité et la détermination des parties à résoudre le problème de façon pacifique et le plus tôt possible. Comme nous l'avons vu à Kazan, l'Azerbaïdjan a fait un pas en arrière, en dressant de nouveaux obstacles en vue d'un autre accord."
"Indépendamment de la position non constructive de l'Azerbaïdjan, l'Arménie va continuer ses efforts pour une résolution pacifique du conflit du Karabakh, fondée sur le droit international et sur les principes contenus dans la Charte de l'ONU. Nous avons une ligne rouge, que nous ne franchiront jamais."
"Je suis sûr que beaucoup d'entre vous partagent l'idée que Bakou n'est pas prêt pour la paix, car il est impossible d'établir la paix en propageant des idées de guerre, de réconcilier les sociétés en propageant la haine des Arméniens, de bâtir la confiance en incitant à une course aux armements. Un tel comportement de l'Azerbaïdjan est inacceptable, et notre démarche sera à la hauteur de l'enjeu. Soyez assurés que dans le cas d'une nouvelle aventure militaire, l'Arménie n'hésitera pas à imposer la paix à son rival," a déclaré le Président.
S'exprimant au sujet du gel du processus arméno-turc, Serge Sarkissian a noté : "nombre de personnes vont probablement dire que nous nous n'aurions jamais du initier le processus de normalisation des relations arméno-turques, puisque la Turquie a refusé ses responsabilités et que l'Arménie a perdu un immense capital politique. Cette initiative a au contraire amélioré la réputation internationale de l'Arménie et dissous l'illusion d'une Turquie nouvelle et moderne."
"Néanmoins, nous tenons à normaliser les relations avec notre voisine sans conditions préalables. La Turquie doit trouver la force en elle-même de respecter ses propres engagements. Il faut qu'elle comprenne que les protocoles ne sont pas une opportunité ouverte et perpétuelle. Beaucoup de nos démons nous conseillaient d'attendre les élections législatives en Turquie. Nous verrons au cours des prochains mois, s'il y a des changements en Turquie, bien que les deux derniers mois n'inspirent pas l'optimisme. Ce n'est qu'ensuite que nous déciderons de nos démarches futures," a conclu le président Sarkissian.
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* Réactions azéries *

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Un des principaux collaborateurs du président Ilham Aliev a critiqué les propos du président arménien, qui faisait un parallèle entre le conflit du Haut-Karabakh et celui du Sud-Soudan. Novruz Mammadov a également rejeté le nouvel avertissement de Sarkissian que l'Azerbaïdjan va souffrir d'une autre défaite militaire si elle tente de reprendre le contrôle par la force le territoire peuplé d'Arméniens.
"Dans les conditions géopolitiques actuelles, l'Arménie ne sera pas capable de préserver son avantage [militaire] à long terme", a-t-il déclaré.

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"L'Azerbaïdjan n'abandonnera pas les négociations pour résoudre le conflit du Haut-Karabakh," a déclaré de son côté le ministre des Affaires étrangères, Elmar Mammadyarov.
"Je n'ai aucune information sur la prochaine réunion des Présidents arménien et azerbaïdjanais. Je ne peux que confirmer que l'Azerbaïdjan est prêt à poursuivre les pourparlers sur le Haut-Karabakh. Le conflit doit être résolu de manière progressive, sur la base des principes de Madrid."
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Extrait de Armenialiberty et de la Radio publique d'Arménie