Conflit du Karabakh : Rencontre trilatérale à Sotchi


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Traduction Gérard Merdjanian - commentaires

Le 23 janvier 2012, deux événements majeurs se déroulaient simultanément à 3000 km de distance. Le premier sur le règlement du conflit du Haut-Karabakh à Sotchi (Russie), le second au Sénat français sur le vote du projet de loi pénalisant les dénis de génocide.  

Les trois présidents, Dimitri Medvedev, Serge Sarkissian et Ilham Aliev se sont rencontrés pour la septième fois et trouver un terrain d’entente afin de résoudre le conflit du Karabakh commencé il y a plus de vingt ans. Les positions principales sont restées inchangées : Bakou exigeant le retour des territoires perdus et refusant toute notion d’indépendance, Erevan mettant en avant le droit à l’autodétermination des peuples et refusant l’usage de la violence, verbale ou militaire. Les dirigeants politiques étant dans l’impasse, des espoirs peuvent exister côté de la société civile, des intellectuels/universitaires et des défenseurs des droits de l’homme. Un travail de longue haleine.

En attendant une quelconque avancée, il y a lieu de se féliciter que grâce aux médiateurs internationaux, Bakou ne s’est pas lancé dans une nouvelle guerre, se contentant de violer le cessez-le-feu sur la ligne de contact.

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Le malheur des uns fait le bonheur des autres, et vis et versa. Autant en Turquie tous les dirigeants ont critiqué et menacé la France, en vilipendant le président Sarkozy ; autant en Arménie, toute la classe politique en commençant par le Président et finissant par la population, en passant par les chefs religieux, ont chaleureusement remercié la France et les Français pour leur acte courageux malgré les conséquences. Tant et si bien que l’ambassadeur de France, Henri Raynaud, est sorti dans la rue serrer les mains des manifestants. Ce qui bien évidemment a été le contraire pour son collègue Laurent Bili à Ankara.

Après la violence des paroles et des menaces, reste à savoir ce que fera réellement la Turquie si la loi est promulguée. Les interdits lancés par les dirigeants turcs sur air, sur mer et sur terre, sont-ils réellement applicables ? N’oublions pas qu’en 2011 les échanges commerciaux s’élevaient à 12 Milliards, que les investissements de la France ont avoisinés les 15 Milliards. Souvenez-vous également qu’après le vote de la France reconnaissant le génocide arménien (2001), le commerce entre les deux pays a augmenté de 30% !

Sans doute que comme dans le processus arméno-azerbaidjanais, c’est la société civile, les intellectuels/universitaires et des défenseurs des droits de l’homme, qui vont faire avancer la compréhension des dirigeants.



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"La réunion des Présidents à Sotchi n’a marqué aucune rupture en tant que telle, ce qui était prévisible", a déclaré le président de l'ONG Intégration Européenne, le politologue Garen Bekarian. Il a toutefois relevé que la réunion avait souligné la nécessité d'établir un climat de confiance.

Selon l’analyste, il y a une perception de créer un climat de confiance, mais pour la rendre complète, il est nécessaire de travailler avec la société civile du Karabakh. Il a également indiqué un autre point de la déclaration, qui stipule la fin de l'insatisfaction de l'Azerbaïdjan sur le format du Groupe de Minsk et ses tentatives de refuser la médiation française dans le processus.

Un point noir récurent persiste, c'est que qu'aucune de ces déclarations n’est signée par les représentants du Haut-Karabakh.

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Selon le vice-président de l'Assemblée nationale d'Arménie, la déclaration de Sotchi est en conformité avec les positions de l'Arménie et du Karabakh.

"Si la partie arménienne promeut le règlement pacifique du conflit, les dirigeants de Bakou se gardent la possibilité d’une solution militaire. L'échec de l'Azerbaïdjan de vouloir changer le format des négociations sur le règlement du conflit du Karabakh, malgré l'entrée de Bakou au Conseil de Sécurité comme membre non-permanent, est un autre résultat positif de la réunion de Sotchi," a déclaré Edouard Sharmazanov, estimant que si l'Azerbaïdjan a accepté de cosigner la déclaration stipulant un règlement pacifique, c’était le résultat de pressions.

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"Le format du Groupe de Minsk de l’OSCE restera inchangé. Le changement de leader en Russie n’affectera pas le cours du processus de négociation. Il est peu probable que Moscou abandonne le statut de ‘premier parmi ses égaux’, " selon le politologue arménien Sergei Minassian

Revenant sur la déclaration de l'Azerbaïdjan affirmant que l'adoption du projet de loi par le Sénat, prouverait que la France a une position pro-arménienne sur la question du Haut-Karabakh, l’expert a cité en contrepartie l'accord signé par le président Aliev à Sotchi, de poursuivre le processus de négociation dans le cadre du groupe de Minsk de l'OSCE.

Quant à l’adoption proprement dit du projet de loi par le Sénat français, Sergueï Minassian, cela a mis en évidence l'échec de la politique de normalisation des relations entre la Turquie et l'Arménie. De plus, la décision de la France va jouer un rôle majeur dans le domaine juridique et politique de l'Europe, ainsi que sur les liens Turquie-Europe.

Pour lui, l'Europe et les États-Unis vont utilisent la question du génocide arménien comme un outil de pression sur la Turquie, afin de l’inciter à normaliser ses relations avec l'Arménie.

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"L'implication de l'Azerbaïdjan dans les pourparlers de paix sur le règlement du conflit du Haut-Karabakh a un caractère symbolique. L'Arménie va essayer de convaincre la communauté internationale que l'Azerbaïdjan cherche la guerre et non la paix, s’il ne participe pas aux réunions avec l'Arménie," a déclaré le député azéri et rédacteur en chef du journal l'Azerbaïdjan, Bakhtiyar Sadigov.

Le parlementaire a encore exprimé ses doutes sur l'activité effective du Groupe de Minsk de l'OSCE, qui selon lui, essaye simplement d'éviter la reprise de la guerre.

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Le vote du Sénat continue de susciter des commentaires

* En Israël

"Israël doit mettre un terme à cette mascarade et reconnaître pleinement le génocide arménien," a écrit le Dr. Israël Charny, directeur exécutif de l'Institut sur l'Holocauste et le génocide, dans un article intitulé «Une Israël morale doit reconnaître le génocide arménien» publié par le Jerusalem Post.

"Pour nous, les Juifs et les Israéliens, cela a d’autres significations : Un professeur israélien de l'Université Bar Ilan a considéré le génocide arménien comme une "Répétition générale avant l'Holocauste." Nous savons aussi qu’Hitler avait explicitement préparé le sien sur l’exemple du génocide arménien quand il s’en est pris à nous, les Juifs. Les faits sont bien connus : Le gouvernement turc a planifié et exécuté le génocide arménien – au cours duquel un million et demi d'Arméniens ont été massacrés," conclut l'auteur.

* Aux Etats-Unis

Le Président du Comité National Arménien d'Amérique (ANCA) pense qu’une normalisation définitive des relations arméno-turques est impossible.

Concernant l'adoption du projet de loi pénalisant la négation du génocide arménien, Ken Hachikian a indiqué que "c’est une grande victoire pour les Arméniens du monde entier, en particulier pour les militants du Hay Tad. L’adoption du projet de loi peut inciter d'autres Etats à suivre l’exemple de la France."

Quant aux menaces turques de détériorer les liens avec la France, Hachikian pense qu’après un court laps de temps de dégradations des relations bilatérales, la coopération reprendra de plus belle avec Paris.

* En Azerbaïdjan

Selon AZE.az, l'Azerbaïdjan est prêt "à soutenir la Turquie et à prendre des mesures adéquates" en réponse à l'adoption par le Sénat français du projet de loi.

"L'Azerbaïdjan soutiendra la Turquie et donnera une réponse pertinente à la France. Nous avons essayé de résister à l'adoption de ce projet de loi qui contrevient aux intérêts du peuple français, aux valeurs démocratiques ainsi qu’à la Constitution française," a déclaré la vice-présidente du Parlement azerbaïdjanais, Bakhar Mouradova.

* Brèves France

Extrait du site azéri APA
Plusieurs sénateurs de diverses tendances sous la conduite de la sénatrice Nathalie Goulet (Union Centriste), vice-présidente du Groupe sénatorial d’amitié France-Turquie, ont déclaré qu'ils feront appel au Conseil constitutionnel pour s'opposer à la décision du Sénat. Pour ce faire, les contestataires espèrent réunir une soixantaine de signatures.

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Le Président de l'Assemblée nationale française, Bernard Accoyer, a refusé de contester la légitimité du projet de loi devant le Conseil constitutionnel.

"La question est hors de discussion. Nous appelons toutes les parties intéressées à garder leur calme. Il est important que nos amis turcs se rendre compte que le projet de loi n'est pas dirigé contre eux, bien que leur point de vue soit différent."

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Extrait de Radiolour et de PanArmenian