Génocide arménien : La dernière cartouche d’Ankara


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Traduction Gérard Merdjanian – commentaires

Sous la conduite de Jacques Mézard - président du groupe du Rassemblement Démocratique et Social européen (RDSE) et membre de la Commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale - 72 sénateurs (il en fallait au moins 60) viennent de déposer un recours auprès du Conseil constitutionnel pour faire invalider le texte pénalisant les dénis de génocides reconnus par la France, en l’occurrence le génocide juif et le génocide arménien. A noter que seule la Shoah était punie grâce à la loi Gayssot.

Le 23 Janvier le Sénat par 126 voix pour et 86 contre, avait voté le projet de loi. 236 sénateurs sur un effectif global de 347 avaient pris part au vote.

Il est clair que dès que l’Assemblée nationale a voté le projet de loi le 22 Décembre dernier, la Turquie en plus de ses menaces verbales s’est activée pour faire échec au projet de loi. Un mois plus tard, après la validation par le Sénat, elle a mis les bouchées doubles en jetant dans la bataille tous ses moyens étatiques et en intervenant directement et individuellement auprès des sénateurs ayant contre le projet de loi.

A voir le profil et la couleur des détracteurs, Ankara n’a pas eu à beaucoup forcer les Radicaux de Gauche de Jean-Pierre Baylet ou les écologistes de Jean-Vincent Placé, grands défenseurs de l’entrée de la Turquie en Europe.

Comme quoi aux prochaines élections, jouer Placé n’est pas forcément jouer gagnant !






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* Brèves d’Arménie *

"La réunion de Sotchi a été très importante et productive, ce que reflète la déclaration trilatérale adoptée à l’issue de la réunion. Les présidents ont indiqué que des progrès avaient été enregistrés sur la coordination des principes de base, suite aux négociations intensives. Appréciant hautement le travail effectué jusqu'à présent, les présidents de l'Arménie et l'Azerbaïdjan ont exprimé l'espoir que les pays coprésidents - États-Unis, Russie et France – poursuivent leurs efforts dans le même format. Si la Turquie veut vraiment contribuer au règlement de la question du Karabakh, elle doit rester aussi loin que possible du processus", a déclaré le ministre des Affaires étrangères arménien, Edouard Nalbandian.

Quant à la déclaration de son homologue turc, Ahmet Davutoglu, sur le fait que la France devrait se retirer du Groupe de Misnk de l'OSCE, car elle ne peut plus être impartiale, Edouard Nalbandian a déclaré :

"Ce sont des déclarations insensées. Le projet de loi adopté par le Sénat français n'est pas dirigé contre un pays en particulier. Plus la Turquie niera le génocide, et plus le nombre de pays reconnaissant le génocide arménien augmentera. Quand la Turquie affirme que les Arméniens ne parlent que de génocide, cela revient au même que de dire que les Juifs ne parlent que de l'Holocauste. A ce jour, plus de vingt pays et organisations internationales ont reconnu le génocide.

Comment la loi française sur le déni des génocides peut-elle affecter les relations arméno-turques ? Une chose est claire. La Turquie ne peut pas maintenir sa frontière éternellement fermée, elle ne peut pas signer des accords et refuser ensuite de les ratifier. Notez que le principe du pacta sunt servanda est l'un des plus importants dans les relations internationales, c’est à dire que les accords signés doivent être respectés."

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L’Ambassadeur Philippe Lefort, Représentant spécial pour le Caucase du Sud et pour la crise Géorgienne, est arrivé à Erevan.

Il va rencontrer le président Serge Sarkissian, le Président de l'Assemblée nationale Samuel Nikoyan, le ministre des Affaires étrangères, Edouard Nalbandian, le ministre de la Défense, Seyran Ohanian, ainsi que le Secrétaire du Conseil national de sécurité, Arthur Baghdassarian.

Avec Edouard Nalbandian, Philippe Lefort a abordé le règlement de la question du Haut-Karabakh, ainsi que les résultats de la réunion trilatérale qui s'est tenue à Sotchi la semaine dernière.

Au cours de la réunion un large éventail de questions liées à la coopération UE-Arménie a été discuté. Dans le contexte du Partenariat oriental, les parties ont échangé leurs visions sur les négociations sur l'accord d'association, le régime de facilitation des visas et le lancement des négociations sur la création d'une Zone de libre-échange approfondi et global.


Le président Serge Sarkissian a reçu à son tour l’ambassadeur Philippe Lefort. Les interlocuteurs ont discuté de questions liées au développement de la coopération Arménie-UE. L’état d’avancement de la résolution du conflit du Karabakh ainsi que les problèmes régionaux ont également été abordés.

Philippe Lefort a réitéré son message "qu’il n'y a pas d'alternative à la résolution pacifique de la question du Karabakh dans le cadre du Groupe de Minsk de l'OSCE, et que le changement du format des négociations ne sera pas plus efficace."



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Edouard Nalbandian a également reçu le nouveau chef du Bureau de l'OSCE à Erevan, Andrei Sorokin.

Le ministre arménien a félicité ce dernier et a exprimé son espoir que le Bureau de l'OSCE continuera la mise en œuvre de ses programmes. Il a également salué l'efficacité des 10 ans d'activité du Bureau d’Erevan et a assuré que son ministère continuera de participer aux activités du Bureau.

L’Ambassadeur Sorokin a fait remarquer que les relations de l'OSCE et de l'Arménie ont toujours été multiformes, et que l'Arménie a toujours participé activement aux trois directions de l'activité de l'OSCE.

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Le vice-président de l'Assemblée nationale arménienne, Edouard Charmazanov a déclaré pour sa part : "L'Azerbaïdjan, comme un animal obstiné, se met de nouveau dans une situation ridicule. Il suffit de lire la déclaration de Sotchi du 23 Janvier, signé par Aliev, qui indique que le conflit doit être résolu d'une manière pacifique, et que les pays coprésidents - Russie, Etats-Unis et France - continueront à jouer un rôle actif dans le processus de règlement jusqu'à la mise en place d’un accord de paix final et la stabilité dans la région. Une fois encore l'Azerbaïdjan se met dans une situation délicate. A vouloir en faire plus, on finit par échouer, comme toujours."

* Brève de Turquie *

Le négociateur en chef de la Turquie pour l'UE, Egemen Bagis, a publiquement nié le génocide arménien, après avoir participé au Forum économique mondial de Davos.

Selon Ilhas, à Zurich Bagis a commenté le projet de loi récemment adopté par le Sénat français pénalisant le déni des génocides et a rappelé que la Suisse a également adopté une loi similaire il y a plusieurs années. "Je suis en Suisse et je dis qu'il n'y avait pas eu de génocide. Venez donc m'arrêter. Cette décision n'a pas d'importance pour nous et je crois que la Cour constitutionnelle française l'abolira tôt ou tard," a-t-il déclaré.

* Brève d’Azerbaïdjan *

Le parlement azéri (Milli Majlis) a émis une protestation contre l'adoption par le Sénat français du projet de loi pénalisant la négation des génocides, a indiqué la Vice-présidente du Parlement, Bahar Mouradova.

"Le message a été délivré au niveau parlementaire pour empêcher le vote du projet de loi, d'ailleurs, nous travaillons activement pour lui faire échec. Malgré tout cela, le projet de loi a été adopté. Cependant, nous n'abandonnerons pas nos efforts et prendrons des mesures appropriées, conjointement avec la Turquie. Toute mesure contre la Turquie est également dirigée contre l'Azerbaïdjan," a-t-elle souligné.

* Brève britannique *

L'ambassadeur du Royaume-Uni nouvellement nommé en Arménie, Catherine Jane Leach, et le directeur du Bureau du Conseil Britannique d’Arménie, Arevik Saribekian, ont donné une conférence de presse pour le dixième anniversaire de la création du Bureau.

Pendant la séance de l'APCE, le Premier ministre britannique avait déclaré attacher beaucoup d’importance à l'adhésion de la Turquie à l'UE. Est-ce que la reconnaissance du génocide arménien par la Turquie est une condition préalable pour ce faire ?

"Le Royaume-Uni a toujours fortement soutenu l'intégration de la Turquie dans l'Union européenne, dans le but d'une éventuelle adhésion. Je suis sûre que vous êtes conscients que l'une des conditions de l'adhésion est d’avoir des relations amicales avec ses voisins. Ainsi, la normalisation des relations entre la Turquie et l'Arménie est une priorité essentielle pour nous," a déclaré Catherine Leach, et d’ajouter : "Nous saluons l'engagement du Président à vouloir tenir des élections libres et équitables. L'UE et l'OSCE travaillent très dur pour s'assurer que ces élections soient les plus libres et les plus belles. C'est un moment vraiment important pour la population vers la démocratie et l'intégration avec l'Europe."

* Le coin des experts *

* Artak Zakarian

Commentant la suspension de l'activité de la sous-commission de l'APCE sur le Haut-Karabakh, le député Artak Zakarian a déclaré : "L'Assemblée parlementaire a fini par admettre qu’il y a des questions très sensibles. L’APCE a pris une décision rationnelle, consciente qu'il y a des questions avec lesquelles il vaut mieux ne pas interférer car cela pourrait avoir une influence négative."

Selon lui, cela ne signifie pas que la Turquie a perdu ou a gagné avec la création de la sous-commission, et d’ajouter : "les organisations internationales ont certaines obligations, et elles comprennent que les coprésidents du Groupe de Minsk sont mandatés pour servir de médiateurs sur le conflit du Karabakh, qu’ils accomplissent correctement leur rôle de médiateurs depuis 18 ans, et comme preuve de cela, la région a été épargnée de tout conflit militaire durant cette période."

La visite le 26 Janvier du ministre turc des Affaires étrangères Ahmet Davutoglu en Russie n'a aucune incidence sur le règlement du conflit du Haut Karabakh : "Suite à la position affaiblie de la Turquie, la Russie et les États-Unis essaient de négocier avec les dirigeants d'Ankara avec des conditions plus favorables, ce qui toutefois, ne signifie pas l'implication de la Turquie dans le règlement du conflit. La Russie s'efforce de prévenir la participation de la Turquie ou de sa médiation dans les conflits Sud-Caucase."


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Extrait de Radiolour et de PanArmenian