Bruxelles vs Bakou : condamnation ‘oui’, sanctions ‘non’

 


 

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Commentaires et Traductions de Gérard Merdjanian

 

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Commentaires

 

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Mardi 3 octobre, L’Arménie comptabilisait 100.617 personnes déplacées de force du Karabakh. Mais attention, si le couloir de Latchine a été ouvert quelques jours avant, il ne l’est pas pour tout le monde, pas plus qu’il ne l’est dans les deux sens. Rien à voir avec l’accord tripartite de cessez-le-feu du 9 novembre 2020.

 

Dans le sens Est-Ouest, c'est-à-dire Stépanaguerd vers Goris, les Arméniens chassés de leur domicile sont filtrés par les soldats azerbaidjanais au point de contrôle du pont Hakari. Si la majorité des véhicules passent sans encombre, toute personne présentant un semblant de danger, ou susceptible d’être un ancien combattant, ou pire un ex-dirigeant, est capturée et envoyée vers Bakou.

 

Dans le sens Ouest-Est, seuls les quelques rares véhicules du CICR ou ceux des soldats russes de la paix, peuvent encore emprunter le corridor ; et encore. On retrouve la situation d’avant le 19 septembre, jour de l’assaut azéri sur le Haut-Karabakh qui a fait 200 morts, 400 blessés côté arménien.

 

Ilham Aliev est coutumier du fait. Souvenez-vous. N’avait-il pas déclaré en novembre 2020 : "j'avais dit qu'on chasserait les Arméniens de nos terres comme des chiens, et nous l'avons fait".

 

De la générosité de la famille Corleone pardon Aliev.


En 2013, Ilham Aliev a ordonné à l’armée azerbaidjanaise la
destruction totale du cimetière arménien du Vieux Jugha et ses milliers de pierres-croix (Khatchkars) datant du moyen âge et situé au Nakhitchevan. Après les récriminations de l’Arménie, l’UNESCO devait envoyer une mission d’observation sur place. Elle n’a jamais pu se rendre sur place. Le site est devenu zone militaire. Comme par hasard au même moment, Mme Mehriban Alieva, la femme du président Ilham Aliev, a versé un million de dollars aux œuvres de l’UNESCO.

 

Au début des années 2010, éclate un scandale de corruption au sein du Conseil de l’Europe. Plusieurs membres influents de l’institution ont touché des millions d'euros de la part de l'Azerbaïdjan. Il y a des déplacements qui sont offerts, des cadeaux, et bien évidemment des enveloppes de cash voire des transferts d'argent. C’est la "diplomatie du caviar».

 

Quelques jours avant l’attaque du 19 septembre dernier, l’Azerbaïdjan a fait un don de un million de dollars à l’ONU avant que la Mission ne parte au Haut-Karabakh. Sans doute une coïncidence.

 

A lire dans le ‘Point’ les activités du clan Aliev en Europe

 

De la mascarade onusienne


Sous la direction du coordonnateur résident de l'ONU en Azerbaïdjan, Ghulam M. Isaczai , l'équipe qui s’est rendue au Haut-Karabakh était composée de Ramesh Rajasingham, directeur de la Division de coordination du Bureau des Nations Unies pour la coordination des affaires humanitaires, ainsi que des représentants de l'Organisation des Nations Unies pour l'alimentation et l'agriculture, l'Agence des Nations Unies pour les réfugiés, l'UNICEF et l'Organisation mondiale de la santé, ainsi que une équipe technique du Bureau des Nations Unies pour la coordination des affaires humanitaires, du Bureau du Coordonnateur résident des Nations Unies et du Département de la sûreté et de la sécurité des Nations Unies.

 

Un déplacement inutile vu que le nettoyage ethnique était terminé. Les pays participants à la mission de l’ONU au Haut-Karabakh ont été triés sur le volet par Bakou, qui a refusé la participation d’observateurs occidentaux, les considérants comme ‘hostiles’. On trouve ainsi, des Russes, des Albanais, des Pakistanais, des Turcs et des Hongrois. Des pays turcophiles, quoi.

 

Le compte-rendu de la Mission est d’une partialité à couper le souffle, on croirait lire un compte-rendu touristique ! (Cf. § ONU). Un déplacement sécurisé, piloté par Bakou.

 

 

De la rencontre de Grenade


Nigol Pachinian a participé au troisième Sommet de la Communauté politique européenne à Grenade, mais surtout à la réunion quadripartite en marge du Sommet - entre l’UE, la France, l’Allemagne et Arménie, l’Azerbaïdjan ayant refusé d’y participer.

 

Comme il fallait s’y attendre, en dehors de l’aide humanitaire d’urgence, les Européens ont appelé au strict respect des normes internationales et à faire la paix en respectant la souveraineté de chacun des belligérants.

 

Là où on attendait de l’exécutif de l’UE un début de commencement de prises de position un peu plus dures envers l’agresseur, Charles Michel a joué sa partition habituelle en fustigeant le moins possible Bakou, mettant les antagonistes dos à dos. Pas question évidemment d’une quelconque sanction malgré la Résolution du Parlement européen adoptée le jour même (5 octobre) par 491 voix pour, 9 contre et 36 abstentions.

 

Quid de la position allemande ? La présence du Chancelier signifie avant tout l’identité de vue du couple franco-allemand compte-tenu de leur poids politique au sein de Bruxelles. On se rappelle que lors de la visite du Président arménien à Berlin, Olaf Scholz avait parlé du droit à l’autodétermination des peuples pour les Karabakhis.

 

Seule la France a dépêché à Erevan son ministre des Affaires étrangères, promettant une livraison d’armes défensives pour sécuriser le territoire arménien. Il faut reconnaître que c’est le seul pays européen qui depuis des années, tire le signal d’alarme sur le comportement de l’Azerbaïdjan envers les Arméniens et prend fait et cause à leur côté.

 

Ilham Aliev ne s’y est pas trompé, et a annulé son déplacement à Grenade. Il suffit de lire sa dernière déclaration pour une nouvelle réunion avec Nigol Pachinian, avec la seule présence du président Charles Michel, voire de son homme lige, Josep Borrell.

 

Il connait pertinemment la docilité de Bruxelles concernant l’Azerbaïdjan. Il les tient par … ses atouts énergétiques et ses largesses financières.

 

Le parlement arménien vient de ratifier le Traité de Rome. Le Statut de Rome (les 59 alinéas de l'article 81) régit les compétences de la Cour pénale internationale (CPI) pour poursuivre des violations graves du droit international humanitaire. Un espoir de voir Ilham Aliev enfin puni pour ses actes.

 

 

 

 

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Traduction

 

Extrait de Radiolour, de PanArmenian, de News.am de APA, de Azertag du Parlement européen, de l’Union européenne. et de  ONU-Droits-de-l’homme.


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Arménie

 


« L'Azerbaïdjan pourrait lancer une invasion de l'Arménie si l'Occident ne parvient pas à réagir vigoureusement à sa prise de contrôle du Haut-Karabakh. Il est trop tard pour empêcher un exode des Arméniens de souche du Haut-Karabakh qui sont encore sur place. De solides garanties de sécurité ne suffiront pas à protéger les quelques personnes qui restent et à éviter une nouvelle guerre,, »
a déclaré l'ambassadeur d'Arménie au Royaume-Uni, Varoujan Nercessian.

 

« Maintenant qu'ils voient que la réaction de la communauté internationale est strictement humanitaire et financière … il n'est pas exclu qu'ils soient tentés de mener une nouvelle attaque contre la République d'Arménie.

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ONU

 


Une mission de l'ONU dirigée par le coordonnateur résident de l'ONU en Azerbaïdjan, Ghulam M. Isaczai , accompagné d'autres hauts responsables de l'Agence, s'est rendu au Haut-Karabakh après l'offensive dévastatrice de l'Azerbaïdjan, mais n'a constaté aucun « dommage aux infrastructures publiques, notamment aux hôpitaux, aux écoles, aux logements, pas plus qu’aux infrastructures agricoles ou au bétail. Concernant les structures culturelles et cultuelles, malgré une pléthore de photos prouvant le contraire, la mission n’a rien remarqué.

 

« Il ne reste plus qu’un millier d’Arméniens de souche dans le Haut-Karabakh après que l'exode de ces derniers jours chiffré à plus de 100.000 personnes. La mission a été frappée par la manière soudaine avec laquelle la population locale a quitté ses maisons et par les souffrances que cette expérience a dû causer.

 

L'équipe n'a pas entendu parler – ni de la part des habitants interrogés ni d'autres personnes – d'incidents de violence contre des civils à la suite du dernier cessez-le-feu, » a indiqué lundi le communiqué de l’unique mission de l'ONU dans la région depuis 30 ans.

 

Au cours de leur visite, la mission s'est rendue à Stepanakert en suivant la route de Latchine où elle n'a pas rencontré de véhicules civils se dirigeant vers l'Arménie. 

 

À partir des conversations qu'elle a eu, la mission a déclaré qu'« il est difficile de déterminer à ce stade si la population locale a l'intention de revenir ».

 

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Union européenne

 


Le président du Conseil européen Charles Michel, le président Emmanuel Macron et le chancelier Olaf Scholz ont rencontré à Grenade le Premier ministre arménien, Nigol Pachinian.

 

Les dirigeants européens ont souligné leur soutien indéfectible à l'indépendance, à la souveraineté, à l'intégrité territoriale et à l'inviolabilité des frontières de l'Arménie.

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Etats-Unis

 


Le porte-parole du Département d'État, Matthew Miller, a déclaré lors d'un point de presse le lundi 2 octobre qu'il existe d'autres questions, au-delà du statut du Haut-Karabakh, qui font l'objet d'un différend entre l'Arménie et l'Azerbaïdjan. Et d’ajouter :
« Nous les encourageons à reprendre les pourparlers de paix pour discuter et finalement parvenir à une résolution sur ces questions. »

 

En poursuivant :

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Russie

 


«Le projet de restauration de la route de transport qui relie l'Azerbaïdjan à la République autonome du Nakhitchevan en passant par le territoire arménien est à l'étude. Nous voyons un potentiel de progrès remarquable dans la mise en œuvre de ce projet vers la normalisation des relations entre Erevan et Bakou. Bien entendu, tout dépend de la volonté politique des pays et de leur volonté de parvenir à des accords concrets »,
a déclaré la porte-parole du ministère russe des Affaires étrangères, Maria Zakharova.

 

Quant à la position de Bakou concernant la rencontre de Grenade du 5 octobre, elle a ajouté : « Bakou avait le droit souverain de refuser la réunion prévue avec la participation des pays de l'Union européenne et de l'Arménie. »

 

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Turquie-Azerbaïdjan

 


L’Azerbaïdjan célébrait mercredi 4 octobre, la victoire contre l’Arménie lors de la guerre de 2020, dans le Haut-Karabakh. A cette occasion, le président Ilham Aliev a déclaré qu’il n’irait pas à Grenade à la réunion de la Communauté Politique Européenne. Cette décision est du à un "climat anti-azerbaïdjanais" entretenu par certains participants à la réunion pointant, outre la France, des propos tenus par Charles Michel. Le président azerbaïdjanais souhaitait en outre que la Turquie soit représente aux discussions mais la France et l'Allemagne ont refusé.

 

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Azertac
, un organe du pouvoir azerbaïdjanais, écrit :  

 

« Les déclarations faites récemment par la ministre française de l’Europe et des Affaires étrangères lors de sa visite en Arménie, notamment la signature de l’accord d’assistance militaire avec l’Arménie, et ses points de vue sur le renforcement du mandat de la mission de l’Union européenne, montrent que Paris est intéressé par amener la concurrence géopolitique dans la région du Caucase du Sud, pousse l’Arménie au militarisme et au revanchisme. Nous croyons que la politique française dans le Caucase du Sud, fondée sur le sectarisme religieux, l’azerbaïdjanophobie et l’islamophobie, après les défaites honteuses de la France en Afrique, échouera aussi.

 

()… Une atmosphère anti-azerbaïdjanaise s'est formée dans le format à cinq proposé à l'Azerbaïdjan. Bakou ne voit pas la nécessité de discuter des problèmes de la région avec des pays éloignés de la région et estime que ces questions peuvent être discutées dans le cadre régional. L'Azerbaïdjan peut participer à la réunion si le format tripartite précédent UE-Azerbaïdjan-Arménie, c’est-à-dire sans la France et l’Allemagne, se présente ».

 

 

 

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Extrait de Radiolour, de PanArmenian, de News.am,  de APA, de Azertag,  du Parlement européen, de l’Union européenne. et de  ONU-Droits-de-l’homme.