Relations Arménie-Turquie : L'envers du décor

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Traduction Gérard Merdjanian - commentaires

Les propos du ministre turc des Affaires étrangères associés à ceux du premier ministre, montrent à l'évidence que les rencontres turco-arméniennes et turco-américaines de Washington n'ont pas servi à grand chose ; si ce n'est confirmer ce que l'on connaissait déjà.

En fait pas tout à fait, car on a appris à l'occasion, que la Turquie faisait également partie du Sud-Caucase en plus de faire partie de l'Europe, de l'Asie, du Proche-Orient, etc ….

La diplomatie permet de tenir le plus sérieusement du monde des propos auxquels on ne croit absolument pas, et dire tout haut ce que l'on ne pense pas tout bas. Ainsi Ahmet Davutoglu veut faire croire, à qui veut l'entendre, Occidentaux de préférence, que la Turquie désire ardemment faire aboutir le processus de normalisation avec l'Arménie.

En pratique, les dirigeants turcs qui n'ont pas progressé d'un pouce sur le processus, font tout pour que l'Azerbaïdjan retrouve sa situation d'avant-guerre et se fichent royalement de nouer des relations avec l'Arménie et surtout avec ces Arméniens, descendants du travail inachevé de 1915.

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L'agence semi-officielle Anatolie rapporte cette semaine les observations formulées par le ministre des Affaires étrangères turc, Ahmet Davutoglu, suite aux réunions du Premier ministre Recep Tayyip Erdogan et de lui-même avec le président arménien Serge Sarkissian et son ministre des Affaires étrangères Edouard Nalbandian, en marge du Sommet de Washington sur la Sécurité nucléaire, des 11 et 12 Avril. Davutoglu a fait ces commentaires le 15 avril lors d'une conférence de presse à l'ambassade de Turquie à Washington. Au cours de la conférence de presse, le ministre turc a également abordé d'autres questions importantes, telles que le programme nucléaire de l'Iran ou les événements au Kirghizistan.

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Commentaires de l'hebdomadaire Armenianweekly.

Le texte fait ressortir trois problèmes principaux :

- Davutoglu s'est envolé pour l'Azerbaïdjan, immédiatement après sa visite au Brésil afin de tenir au courant le président azéri Ilham Aliev sur ses entretiens avec les dirigeants arméniens, américains et russes. "Nous aurons une discussion approfondie avec Aliev sur les entretiens que nous avons eues. Nous allons nous consulter sur les mesures nous prendre à partir de là." Il a déploré l'absence de l'Azerbaïdjan au Sommet de Washington, la qualifiant de grave ‘déficit'.

Ces deux observations suggèrent que des discussions de fond ont eu lieu à Washington.

- Davutoglu a exprimé la "volonté politique" en ce qui concerne les protocoles avec l'Arménie, mais a souligné le lien entre les accords avec le problème du Karabakh et a effectivement confirmé que les protocoles ne seront pas approuvés par l'Assemblée nationale turque avant le 24 avril.

Ce commentaire suggère qu'il n'y a eu pas de percée dans les pourparlers.

- Davutoglu a commenté les efforts visant à ‘tendre la main' à la diaspora ‘ottomane', un terme proposé par un journaliste concernant les activités des ambassades turques ainsi que "dans chaque Etat des Etats-Unis."

Ce sujet avait déjà été abordé, mais ce commentaire fournit plus de profondeur à ce qui a été rapporté dans la presse.

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Extraits du rapport relatifs à l'Arménie et à l'Azerbaïdjan.

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* Rencontre avec Clinton

Davutoglu a déclaré qu'il avait examiné trois questions au cours de sa rencontre avec la Secrétaire d'Etat américaine, Hillary Clinton.

"Le sujet primordial a été le processus de normalisation avec l'Arménie et l'évolution dans le Caucase. Actuellement, lors des récentes consultations que nous avons eues avec les Etats-Unis, nous avons observé l'évolution avec un point de vue partagé. Nous sommes déterminés à poursuivre le processus de normalisation. Nous avons exprimé notre détermination sur cette question à la fois aux présidents Obama et Sarkissian, ainsi qu'aux ministres Nalbandian et Clinton, avec lesquels j'ai eu des entretiens séparés. Telle est la position sincère de la Turquie : Préserver la validité des protocoles, qui ont été signés après un processus très long et vraiment pénible. De même que la normalisation des relations avec l'Arménie, comme prévue par ces protocoles, est très importante pour nous."

"Toutefois, nous attachons une importance égale à la résolution du conflit arméno-azerbaïdjanais. Nous voulons que tous ces processus aboutissent à l'établissement de la paix et à une stabilité durable dans le Caucase. Je suis heureux de dire que les États-Unis et M. Obama considèrent également les questions sous cet angle. La réunion de notre Premier ministre avec M. Medvedev a également procédé avec la même perspective."

"Par conséquent, je pense qu'il y a une dynamique sans cesse croissante vers l'établissement de la paix et de la stabilité dans le Sud-Caucase, une plus grande impulsion qui transformera le Sud-Caucase en une zone de prospérité."

Davutoglu a déclaré que l'un des résultats les plus importants de ce Sommet a été l'intensification des travaux sur cette question.

* Haut-Karabagh

Lorsqu'on lui a rappelé les commentaires de Sarkissian à propos du Karabakh, Davutoglu a déclaré : "Nous n'avons pas demandé à servir comme médiateur entre l'Azerbaïdjan et l'Arménie. Par conséquent, il n'est pas juste de conclure que la participation de la Turquie n'est pas souhaitée. Toutefois, indépendamment de savoir s'il existe un processus de normalisation, la Turquie est l'un des plus importants pays du Sud-Caucase. Par conséquent, nous nous sommes toujours intéressés à cette question, et nous continuerons à l'avenir. Ce qui importe plus dans ces processus, c'est de prendre des mesures qui peuvent contribuer à la paix et la stabilité avec de la bonne volonté et une volonté politique. Peu importe qui dit quoi, nous sommes déterminés sur cette question."

En réponse à une question de savoir si "l'Arménie a donné toutes les assurances sur le fait qu'elle comptait se retirer de certaines zones du Karabakh", Davutoglu a déclaré que toutes les questions ont été discutées entre les différents côtés et à plusieurs reprises, mais qu'aucune assurance n'a été donnée.

Répondant à une question sur l'absence de l'Azerbaïdjan au sommet, Davutoglu a déclaré : "l'absence de l'Azerbaïdjan a été un déficit important. Au cours des deux dernières semaines, nous avons évoqué cette question avec les États-Unis à tous les niveaux et nous avons dit que la participation de l'Azerbaïdjan était essentielle. Nous avons tout fait, mais finalement c'est la décision des États-Unis en tant qu'hôte du Sommet qui a prévalu. Néanmoins, ils ont expliqué ce qu'ils considèrent comme être la raison objective de cette décision.
Naturellement, la présence de la Turquie, de l'Arménie, et des coprésidents du Groupe de Minsk auraient été une occasion très importante. Si Aliev avait également été présent, je pense que les discussions positives que nous avons eues jusqu'à maintenant auraient pris une ampleur beaucoup plus grande. Une occasion importante a été manquée. Je le dis avec franchise et sincérité."

Davutoglu a rappelé que, avant son arrivée aux États-Unis, Le Sous-secrétaire du ministère des Affaires étrangères turc, Feridun Sinirlioglu, est allé à Bakou comme représentant spécial du Premier ministre Erdogan et a recueilli les positions les plus fondamentales d'Aliev, ses préoccupations et son point de vue sur la question. "Bien évidemment, où il y a un Turc il y a un Azéri et où il a un Azéri il y a un Turc », a déclaré Davutoglu.

Davutoglu s'est ‘directement rendu en Azerbaïdjan sans perdre de temps, et sans rencontrer sa famille' après ses entretiens au Brésil. "Nous n'avons pas perdu un seul jour. En ce sens, nos contacts avec l'Azerbaïdjan sont très intensifs. L'Azerbaïdjan n'a pas de problèmes en termes de représentation."

Répondant à une question sur les protocoles, Davutoglu a déclaré qu'il est important que le climat devienne propice en Turquie, en Arménie et dans la région en termes de psychologie politique.

Lorsqu'on lui a rapporté des rumeurs selon lesquelles les protocoles pourraient être approuvés par le Grande Assemblée nationale turque avant le 24 avril, Davutoglu a répondu : "Prêtez attention à ce que nous disons, et non aux rumeurs."

* Promotion de la Turquie

A une autre question, Davutoglu a déclaré qu'il est naturel de discuter du processus de normalisation avec l'Arménie dans une plate-forme composée de la Turquie, de l'Arménie, des États-Unis, de la France et de la Russie. Lorsqu'on lui a demandé si ouverture de la Turquie à tous les groupes aux États-Unis est ‘une ouverture ciblée vers la diaspora ottomane', Davutoglu a répondu qu'il a rencontré et rencontrera des ambassadeurs turcs non seulement aux États-Unis, mais aussi en Europe, en Amérique latine, et dans d'autres régions.

Il a poursuivi : "Ce que nous soulignons dans toutes ces réunions ... est la chose suivante : Augmentez vos communications avec tous les groupes et communautés qui ont une certaine forme de proximité culturelle avec la Turquie, qui soutiennent la Turquie, ou qui ont des contacts avec la Turquie. La promotion de la Turquie ne peut pas se faire que par des activités politiques, elle exige également des activités culturelles et économiques. Par conséquent, nos ambassadeurs sont toujours actifs sur ces questions et intensifieront leurs activités dans l'avenir. C'est ce que nous pensons. Toutefois, cela ne devrait pas être considérée comme envers seulement la ‘diaspora ottomane'.

"Ce matin, j'étais avec des universitaires en provenance du Pakistan. Le Pakistan est un des plus proches amis de la Turquie. Nous devons aller aussi vers eux. Nous devons construire des canaux par lesquels nous pouvons rejoindre tout le monde et promouvoir notre pays, notre histoire et notre expérience à tous. Nous allons augmenter nos moyens et nos capacités dans ce domaine, et nous allons entreprendre des activités dans chaque État des États-Unis pour atteindre chaque groupe."

Traduit du turc par Ara Arabian pour Armenianweekly

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* De l'ouverture des frontières

"Il est hors de question pour la Turquie d'ouvrir sa frontière sans la ratification des protocoles," a déclaré Ahmet Davutoğlu lors d'une conférence de presse conjointe avec le vice-président irakien Tariq al-Hashimi, après leur rencontre à Ankara ; rapporte le quotidien Hurriyet.

Et d'ajouter que la Turquie s'est engagée à la mise en œuvre des protocoles et du processus de normalisation, et que des ‘mesures intégrées' sont nécessaires pour aboutir à un accord mutuel. Et notamment, qu'Ankara menait des consultations étroites avec l'Azerbaïdjan sur les relations Arménie-Turquie.

"La Turquie a signé les protocoles, après ‘des considérations longues et minutieuses'. Nous restons positifs vis-à-vis du processus et nous avons pleinement confiance que, in fine, il nous mènera à un point," a déclaré Davutoğlu.

De son côté le Premier ministre turc, Recep Tayyip Erdogan, déclarait : "Nous avons fermé la frontière [turco-arménienne] en raison de l'occupation du sol azéri. Si l'occupation se termine alors la Turquie ouvrira facilement ses postes-frontières. Mais si l'occupation se poursuit, nous n'entamerons pas une telle démarche."

Les propos de M. Erdogan sont une indication supplémentaire que lui et le président arménien Serge Sarkissian n'ont pas fait de nouveaux progrès dans le processus de normalisation. L'absence de progrès rend plus probable un retrait unilatéral de l'Arménie des accords.

Extraits de la Radio Publique d'Arménie et d'Armenialiberty