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Commentaires et Traductions de Gérard Merdjanian
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Commentaires
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« Méfiez-vous de l'eau qui dort » dit le proverbe. Dans le cas de l'Arménie, si la surface paraissait calme, le travail se faisait en eau profonde. Conséquence directe de la rencontre du Premier ministre Nigol Pachinian et du président Recep Tayyip Erdoğan à Istanbul le 20 juin, suivie par celle avec le président Ilham Aliev à Abu Dhabi le 10 juillet.
Le résultat n’est pas tout à fait au bénéfice de l’Arménie. On reconnaît là, la manière de négocier du dirigeant arménien, qui consiste à faire des concessions, en échange de… rien. À croire qu'il a une méconnaissance du mode d'action de ses interlocuteurs turco-azéris et du respect de leurs engagements. Cela est dû sans doute au fait que pour lui, l'histoire de l'Arménie, et des Arméniens en général, se limite à l'Arménie actuelle – dite "réelle", et que tout ce qui s'est passé au siècle dernier appartient au passé, génocide compris.
Les États-Unis, qui jusqu'à présent se contentaient de sortir des généralités sur ce qu'il y a lieu de faire, ou de ne pas faire, ont mis les pieds dans le plat pour pousser l'Arménie à l'ouverture d'un couloir à travers le Syunik.
Sur les conseils de son alliée turque, l'ambassadeur des États-Unis de Turquie, Thomas Barrack, a déclaré le 11 juillet à New-York, c'est-à-dire au lendemain de la rencontre Pachinian-Erdoğan : « OK, on va s'en occuper. Donnez-nous les 32 kilomètres de parcours avec un bail de cent ans. Comme ça, vous pourrez tous utiliser le couloir ». À la suite de quoi, Washington compte 'louer' à l'Arménie la liaison entre l'Azerbaïdjan de l'Est et l'Azerbaïdjan de l'Ouest – le Nakhitchevan, en clair mettre la main sur le « couloir de Zanguézour ». Au bénéfice avant tout du tandem turco-azerbaïdjanais. Et pour l'Arménie, quelques dizaines de millions par an de frais de « location ».
L'ouverture d'une route à travers le Syunik pour relier les deux parties de l'Azerbaïdjan était prévue depuis le 9 novembre 2020, date de la signature du cessez-le-feu entre l'Arménie, l'Azerbaïdjan et la Russie, comme stipulée par l'article 9 (*) de l'accord tripartite.
Ce qui frappe tout de suite dans cette annonce américaine, c'est l'absence totale de la Russie dans toutes les étapes de la mise en œuvre du projet, pire, elle est remplacée par des consortiums américains associés à des européens. Il faut dire que l'Arménie boude le grand frère russe depuis la guerre des 44 jours de 2020 avec l'Azerbaïdjan, auquel il faut ajouter la non-intervention de l'OTSC en 2021 lorsque Bakou a occupé, et occupe toujours, une partie du territoire de l'Arménie – 208 km² à ce jour. Sans oublier, l'inaction patente des 2.000 soldats russes de la paix déployés au Haut-Karabakh pour protéger la population arménienne et le couloir de Latchine. Résultat : Le nettoyage ethnique en septembre 2023, effectué par le potentat azéri, des 110.000 Arméniens qui vivaient sur leur terre.
En pratique, qui seront les grands bénéficiaires de cette ouverture ?
En premier lieu la Turquie qui rêve depuis des décennies d'avoir une liaison terrestre avec le monde turcique de l'Asie centrale dans le cadre du néo-ottomanisme prôné par l'AKP avec à sa tête le sultan ottoman, Recep Tayyip Erdoğan. Les pourparlers arméno-turcs, menés par Ruben Rubinian et Sedar Kilic, n'ont débouché sur rien de concret, sinon des promesses, en attendant la signature de l'accord de paix Erevan-Bakou. Dans ce domaine, Ankara est piloté par Bakou.
Premier ex æquo, l'Azerbaïdjan qui rêve, depuis les années 1920, de récupérer les ¾ de l'Arménie – Erevan comprenant, l'appelant jusqu'à présent « l'Azerbaïdjan occidental », ou plus prosaïquement « le Zanguézour ». Il en veut à Moscou de ne pas avoir donné à l'Azerbaïdjan ces territoires lors de la soviétisation de la région, alors que le Nakhitchevan (peuplé à 50% d'Arméniens) et le Haut-Karabakh (peuplé à 95% d'Arméniens) lui ont été octroyés par le camarade Staline.
En conséquence, toute l'activité du dictateur sous-tend ce but. La présence d'étrangers sur ces territoires lui est insupportable, qu'ils soient Russes ou Occidentaux. Même s'il sait pertinemment que personne n'interviendra pour aider l'Arménie en cas d'agression, il ne veut pas de témoins pour mettre en œuvre ses objectifs. Dans son esprit, les observateurs de l'EUMA, par exemple, sont des espions, vu que leur présence empêche la soldatesque azérie de se défouler sur les villages frontaliers arméniens.
La dernière prise de parole de l'autocrate à Stépanaguerd, lors du 3e Forum mondial de Chouchi sur le thème « Transitions numériques : renforcer la résilience de l'information et des médias à l'ère de l'intelligence » artificielle, est on ne peut plus claire. Selon Aliev, l'Arménie ne doit avoir aucun droit de regard sur le couloir de Zanguézour, à l'instar d'une continuité territoriale. (Cf. § Turquie-Azerbaïdjan).
De très nombreuses questions restent en suspens :
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Quid de la nature du bail ?
- Quid du contrôle sur le va-et-vient des biens et des hommes ?
- Quid de la police et des douaniers arméniens ?
- Quid de la sécurisation ?
- Quid du comportement de l'Iran qui n'aura plus d'accès vers le nord à travers un pays ami, l'Azerbaïdjan étant l'allié d'Israël ?
Pour plus de détails sur les locataires et les aboutissants liés à l'ouverture prochaine du couloir de Zanguézour, lire les articles en profondeur de JAM
(*) : Toutes les liaisons économiques et de transport de la région seront débloquées. La République d'Arménie garantit la sécurité des liaisons de transport entre les régions occidentales de la République d'Azerbaïdjan et la République autonome du Nakhitchevan en vue d'organiser la libre circulation des citoyens, des véhicules et des marchandises dans les deux sens. Le contrôle des communications de transport est exercé par les organes des services de garde-frontières de la FSS de Russie.
Les parties conviennent que la construction de nouvelles communications de transport qui relieront la République autonome du Nakhitchevan aux régions occidentales de l'Azerbaïdjan, sera assurée.
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Traduction
Extrait de Radiolour , de PanArmenian , de News.am , et de APA
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Arménie
Le Premier ministre Nigol Pachinian était aux Émirats arabes unis pour une visite de travail.
Le 10 juillet, il a rencontré le président des Émirats arabes unis, le Cheikh Mohammed bin Zayed Al Nahyan, à Abou Dhabi.
Dans le cadre du processus de paix entre l'Arménie et l'Azerbaïdjan, une réunion bilatérale a eu lieu avec le président de l'Azerbaïdjan, Ilham Aliev. Ils ont discuté de différents aspects du programme de normalisation interétatique entre
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États-Unis
La porte-parole du Département d'État Andrea Bruce, répondant au commentaire du secrétaire d'État Marco Rubio sur la possibilité d'un « résultat positif » dans le processus de paix entre l'Arménie et l'Azerbaïdjan, n'a pas nié l'implication des États-Unis dans les efforts de médiation.
« C'est une bonne question, et nous vous en dirons plus ultérieurement, mais elle était suffisamment importante pour que le secrétaire d'État la mentionne personnellement. Nous sommes heureux d'avoir participé à plusieurs accords, accords de cessez-le-feu et modifications confirmées. Le secrétaire d'État a tenu à le souligner, et dès que nous aurons
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Russie
« Nous considérons l'interdiction d'entrée des citoyens russes comme une mesure hostile qui contredit le caractère allié des relations russo-arméniennes », a déclaré Maria Zakharova , porte-parole du ministère russe des Affaires étrangères, lors d'un point de presse le 9 juillet.
« Nous en discutons non seulement à huis clos, mais aussi publiquement. Le sujet des listes d'exclusion dans les relations avec l'Arménie est souvent évoqué. Nous avons exhorté à plusieurs reprises nos partenaires arméniens à mettre fin à
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Turquie-Azerbaïdjan
Le président Recep Tayyip Erdoğan a déclaré :
« Nous considérons le corridor de Zanguézour comme extrêmement important en raison de son importance géoéconomique. Elle communiquera des pays extérieurs à notre région et stimulera les échanges commerciaux. Nous espérons qu'elle deviendra un symbole de consensus plutôt qu'une source de conflit. Ainsi, cette région deviendra une zone prospère où la coopération prévaudra. En tant que pays de la région, nous pouvons résoudre ce problème par
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Extrait de Radiolour , de PanArmenian , de News.am , et de APA
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