Rencontre Sarkissian-Medvedev

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Traduction Gérard Merdjanian - commentaires

On savait que les relations entre la Russie et l'Arménie étaient plus que bonnes, et celles entre la Russie et la Turquie en nette amélioration. On sait également que la Russie est le premier partenaire économique d'Erevan, et que des pans entiers de l'industrie et des infrastructures du pays appartiennent à des compagnies russes.

Que Moscou désire assurer et sécuriser ses exportations énergétiques, c'est tout à fait compréhensible, mais la question qui reste toujours en suspend est de savoir à quel point Moscou soutient, ou pas, son alliée stratégique dans la région sur le dossier du Karabakh, et quel sera le prix à payer ?

Quel poids Moscou pèse-t-il auprès des dirigeants de Bakou ? Contrebalance-t-il celui des Occidentaux dans le conflit du Karabakh ? Le poids de la Turquie et ses visées régionales, depuis qu'elle a accédé au club des puissances émergeantes (Conseil de sécurité, G20,…), ne va-t-il pas modifier la donne ?

Une série de questions dont le manque de réponses débouche sur des supputations, des prévisions erronées, ou pire encore sur des options dangereuses.

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Les présidents arménien et russe, Serge Sarkissian et Dimitri Medvedev, se sont rencontrés à Rostov-s/Don pour discuter de questions économiques et régionales.

Le bureau a annoncé lundi que S. Sarkissian avait été invité par son homologue russe à effectuer deux jours de "visites de travail" à Rostov-s/Don.

Les entretiens ont coïncidé avec la deuxième et dernière journée d'un Sommet UE-Russie, qui s'est déroulé dans la même ville, à peine trois semaines après la visite du président russe en Turquie.

En début de réunion M. Medvedev a déclaré qu'ils se pencheront sur les liens économiques russo-arméniens et sur des "questions régionales" d'intérêt commun. "J'ai eu plusieurs voyages importants [à l'étranger] au cours desquels - je ne vous le cacherai pas - nous avons également discuté des relations turco-arméniennes ainsi que d'autres questions", indique le communiqué du Kremlin.

« J'ai eu des contacts avec des collègues européens. Donc, j'ai des choses à vous dire, et à partager avec vous," a précisé Medvedev.

De son côté, Sarkissian a indiqué : "Les réunions de travail sont très importantes. Je pense que c'est un très bon format."

Ni le Kremlin, ni Erevan n'ont publié les détails des entretiens qui ont suivi. Le service de presse de Sarkissian a seulement indiqué que le président Medvedev avait accepté de se rendre en Arménie au mois d'août.

Medvedev a effectivement discuté avec les dirigeants turcs, lors de sa visite à Ankara le mois dernier, du processus de normalisation des relations Turquie-Arménie qui sont actuellement dans l'impasse. Il a réitéré le soutien de Moscou au processus, et a souhaité la réussite de cet effort, fortement appuyé en cela par l'Occident.

Medvedev a également semblé éluder implicitement la demande turque pour une plus forte pression de la Russie sur l'Arménie, ce qui selon d'Ankara est essentiel pour parvenir à un règlement du conflit du Haut-Karabakh et, partant de là, débloquer les négociations, suspendues, avec Erevan. Toutefois, Moscou se concerte avec les Turcs sur sa diplomatie concernant le Karabakh, ce qui préoccupe les milieux politiques arméniens.

Les partis d'opposition et certains analystes arméniens craignent que les dirigeants russes fassent pression sur l'Arménie pour davantage de concessions à l'Azerbaïdjan suite aux rapports de plus en plus chauds et profonds entre la Russie et la Turquie. Les dirigeants arméniens rejettent cette spéculation. Ils excluent toute participation de la Turquie dans les négociations arméno-azerbaïdjanaises conduites par les pays médiateurs - États-Unis, Russie et France.

Aussi bien la Russie que l'UE ont rejeté le lien entre les deux processus, et se sont prononcées pour l'établissement inconditionnelle de relations diplomatiques entre les deux pays voisins et l'ouverture de la frontière turco-arménienne.

Medvedev et Sarkissian avaient déjà discuté de la normalisation turco-arménienne et du conflit du Karabakh lors de leurs face-à-face précédents, dont le dernier s'est tenu fin avril à Moscou. C'est-à-dire la semaine suivant le déplacement de Sarkissian à Washington pour le Sommet sur la sécurité nucléaire.

"En tant que partenaires privilégiés et alliés stratégiques - je choisi un terme plus précis -, nous devons nous voir souvent," a indiqué Medvedev. Il a remercié le président arménien pour avoir assisté à Moscou aux célébrations du 65e anniversaire de la victoire sur l'Allemagne nazie.

"J'en ai été très heureux. Et, bien sûr, cela démontre l'étendue de la proximité de nos Etats et leur désir de développer des liens stratégiques à l'avenir," a-t-il ajouté.


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Selon Richard Guiragossian, le directeur du Centre Arménien des Etudes Nationales et Internationales (ACNIS), avec la réunion de Rostov-s/Don, Moscou a cherché à envoyer un message clair à l'Occident et aux États-Unis en particulier. "Il s'agit d'une réponse de la diplomatie russe au Sommet d'Avril à Washington, au cours de laquelle le président arménien a rencontré le Premier ministre turc. Ceci est un exemple de l'exercice de la Russie, la preuve de son importance diplomatique et de l'importance en termes de relations arméno-turques," a-t-il déclaré à RFE/RL.


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Pour un autre analyste, Tevan Boghossian du Centre International pour le Développement Humain, les entretiens ont été l'occasion pour Sarkissian d'obtenir de plus amples informations sur la diplomatie arménienne vis-à-vis de la Russie et des autres puissances. "Je crois que des partenaires stratégiques se doivent de saisir toutes les occasions de revoir leurs relations," a-t-il indiqué à RFE/RL

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