Aliev-Saakachvili montent le ‘projet du siècle'

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Traduction Gérard Merdjanian - commentaires

Ou comment gagner encore plus d'argent, faire profiter la Géorgie, qui en devenant plus redevable, sera donc plus malléable. Avec ses dix milliards $ de revenus par an, Ilham Aliev ne demanderait pas mieux que de se lancer dans une guerre contre le Karabakh, mais, si la victoire reste incertaine, les dégâts collatéraux sur ses pipelines, eux seraient plus que certains. Il ne peut pas jouer avec les intérêts des grandes puissances.

Aussi, au lieu de dépenser 2-3 milliards pour reloger correctement les centaines de milliers de réfugiés du Karabakh, instrumentalisés pour faire pression sur les organisations internationales, il préfère mettre son argent dans des projets hypothétiques qui dépassent le cadre régional. Quant au reste de la population, il a le droit de se taire.

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Les Présidents géorgien et azerbaïdjanais, suivant en cela les traces de leurs prédécesseurs, Heydar Aliev et Edouard Chevardnadze, se sont lancés dans le ‘projet du siècle', portant cette fois-ci sur le gaz. Lors d'une réunion à Bakou, les trois présidents, géorgien et azerbaïdjanais et le roumain, Traian Basescu, ont signé un accord de projet pour le transport de gaz liquéfié azerbaïdjanais vers l'Europe, via la Géorgie et la Roumanie : Azerbaïdjan-Georgia-Romania-Interconnexion (AGRI).

Ce projet est essentiellement politique, puisque le volet économique du projet risque fort d'être problématique. Selon Stratfor, en termes de technologie et de logistique, ce projet est très ambitieux, tellement ambitieux qu'il est tout simplement irréaliste. "Le coût estimatif du projet fluctue entre 2 et 5 milliards de dollars, chiffre pharamineux même pour l'Azerbaïdjan. Un autre aspect de la difficulté est son tracé. Le gazoduc, qui doit transporter le gaz d'Azerbaïdjan à travers la Géorgie, devra passer à proximité de l'Abkhazie (avant de plonger dans la mer Noire), ce qui inquiète grandement la Géorgie, vu que cette ‘région' est pratiquement sous contrôle russe. Les troupes russes y sont basées, et Moscou, si il le souhaite, peut faire échouer le projet," disent les experts de Stratfor.

Toutefois, la question, comme c'est toujours le cas dans le Caucase, est essentiellement politique. La Géorgie et la Roumanie ont des problèmes avec la Russie, l'Azerbaïdjan en a avec l'Arménie, de sorte que le pipeline, si jamais il est mise en œuvre, mettra l'Arménie, mais également la Russie dans une situation très inconfortable. Et si nous ajoutons à cela le ‘mécontentement' de l'Azerbaïdjan au sujet de la base militaire russe à Gyumri, ce qui se cache derrière l'accord de AGRI devient alors clair. D'autre part, le projet n'est pas du goût de la Turquie, qui compte utiliser le gaz azéri pour ses propres projets (Nabucco par exemple). En substance, Bakou, Tbilissi et plus récemment Bucarest, essaient de montrer leur "indépendance" en particulier dans le domaine énergétique. Mais la situation n'est pas aussi simple que cela, le projet ne pourra fonctionner qu'avec l'aval des États-Unis. Le problème, c'est que Washington n'est pas en situation de gaspiller des millions sur des projets non rentables, côté américain bien sûr. Ce projet n'est pas plus soutenu par la Russie, qui s'est récemment retiré du projet de pipeline Samsun-Ceyhan. Moscou estime le conduit Burgas-Alexandroúpolis plus intéressant, vu qu'il demandera beaucoup moins de travail et que la construction peut être lancée cette année.

Mais tout cela, répétons-le, est dirigé contre l'Arménie, la Russie et, dans une certaine mesure, contre l'Iran. L'Azerbaïdjan, la Géorgie et la Roumanie semblent oublier que la possession de moyens de transport et de pipelines n'implique pas que le pays est devenu une puissance. Afin d'atteindre cet objectif, ces pays doivent faire quelque chose de complètement différent. Toutefois, possédés par la mégalomanie et essayant d'être ‘indépendants', Saakachvili et Aliev ne remarquent pas, ou ne veulent pas prendre en compte, les intérêts des grandes puissances, notamment dans la région de la Caspienne. C'est l'une des raisons pour lesquelles le projet échouera.


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Pendant ce temps, la Géorgie a correctement rempli sa part du travail participant à l'isolement de l'Arménie, en essayant d'amadouer l'Azerbaïdjan et se lançant dans un autre projet abstrait : l'établissement d'une Confédération entre Azerbaïdjan et la Géorgie. La dernière chose que la Géorgie a réalisée en vue de ce projet, a été la fermeture du poste frontière russo-géorgien d'Upper-Lars. De source bien informée : 1- c'est de cette manière que Tbilissi a montré son mécontentement sur le fait que l'Arménie a voté contre la résolution géorgien à l'ONU ; 2- la Géorgie aurait fermé Upper-Lars à la demande de la Turquie, pour empêcher l'exportation les raisins arméniens vers les marchés russes. Ce comportement de la Géorgie s'inscrit clairement dans le cadre défini par le ministère géorgien des Affaires étrangères : l'Arménie a toujours voté contre la Géorgie dans les instances internationales, alors voici notre réponse.

Ce sont nos voisins Chrétiens, et que dire des Turcs musulmans, qui ne sont plus ‘une nation - deux Etats', mais plutôt ‘une nation - six Etats' !

Karine Ter-Sahakian – Panarmenian.net – Département Analyse