Après Chypre, le Président Serge Sarkissian s'est rendu en Grèce

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Traduction Gérard Merdjanian - commentaires

Est-ce l'auditoire (chypriote et grec) ou est-ce plus simplement le ras-le-bol qui a poussé le président Sarkissian à dire tout haut ce que nombre de personnes, Arméniens ou non, pensent tout bas.

Depuis que sous l'impulsion de Barack Obama, la Turquie a bien voulu faire semblant de normaliser ses relations avec l'Arménie voisine, d'abord en assistant en septembre 2008 au match allez pour la qualification de la coupe du Monde de football, puis en signant en grande pompe devant un parterre de diplomates un an plus tard avec l'Arménie les protocoles de normalisations, la situation s'est lentement mais sûrement détériorée.

D'abord Ankara n'a cessé de critiquer tous les faits et gestes que faisait Erevan pour avancer en vue de la ratification des protocoles par le parlement arménien, mais surtout il a instauré dès le début une condition préalable à toute avancée, liée au conflit du Karabakh. Ce qui avait été prédit par nombre d'observateurs et toute la diaspora s'est produit : La Turquie a utilisé cet Accord pour faire échec à la reconnaissance du génocide arménien, et notamment aux Etats-Unis.

Que les dirigeants turcs disent à l'unisson vouloir normaliser leurs relations avec l'Arménie avec une condition aussi irréaliste, ne fait que confirmer leur mauvaise volonté et surtout leur mauvaise foi. Mais une fois n'est pas coutume, toutes les anciennes et nouvelles minorités ayant vécu ou vivant sous le joug ottoman en savent quelque chose.

Comme je l'ai souvent répété, les Occidentaux continuent de se voiler la face et faire des courbettes à la Sublime Porte, qui d'ailleurs a perdu sa sublimité depuis longtemps ; les Européens pour des raisons géoéconomiques et les Américains pour des raisons géopolitiques pour ne pas dire géostratégiques.

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Quittant Chypre le président Serge Sarkissian a atterri à Athènes pour rencontrer son homologue Karolos Papoulias.


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Dans son discours, Serge Sarkissian a déclaré, parlant du passé : "Nous avons été massacrés par les mêmes barbares" ; rapporte l'agence AFP.

Papoulias a ajouté que "beaucoup de choses ont changé" depuis le début du 20e siècle depuis les massacres des Arméniens et des Grecs de la mer Noire qui ont eu lieu dans l'Empire ottoman, et il a critiqué la course aux armements depuis des décennies avec Ankara qui a coûté des milliards d'euros à Athènes.

"Si nous n'avions pas le fardeau économique de l'équilibre militaire, nous n'aurions pas besoin du Fonds Monétaire International (FMI). La plus forte dépense est pour l'armement de l'OTAN, ce qui est injuste pour un peuple pacifique," a-t-il souligné.

Le président arménien a de nouveau blâmé Ankara pour l'impasse des accords turco-arméniens, soutenus par l'Occident, qui prévoyaient la normalisation des relations bilatérales. Toutefois, les mots ont été moins durs que la veille devant le parlement chypriote-grec.

"L'Arménie a essayé de faire un pas vers l'établissement de relations avec la Turquie comme il sied à deux pays voisins, mais nous n'avons pas trouvé la volonté politique nécessaire côté turc. Je suis heureux d'entendre que nos partenaires ne sont pas contre l'entrée de la Turquie dans l'Union européenne, mais que ce chemin doit passer par revoir son propre passé et forger un partenariat civilisé avec les pays voisins. Quand la Turquie répondra aux normes européennes, nous aurons un voisin plus prévisible," a déclaré le Président Sarkissian lors de la conférence de presse conjointe avec son homologue grec.

S'exprimant sur les derniers développements dans le processus de règlement du conflit du Karabakh, Serge Sarkissian a rappelé que "malgré les menaces constantes de Bakou, l'Arménie reste attachée à la politique de règlement du conflit du Karabakh dans le cadre du Groupe de Minsk de l'OSCE."

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L'un des accords signés à l'issue de la visite appelle à une coopération continue entre les ministères de la Défense grec et arménien. Sarkissian a souligné l'importance de cet accord lors de la conférence de presse conjointe.

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** Les experts s'expriment **

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* Ruben Safrastian *


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"Le discours du président Sarkissian au Parlement de Chypre et de la déclaration commune sont de première importance du point de vue de la priorité du droit des peuples à l'autodétermination dans le règlement du conflit du Karabakh et donnent une appréciation précise sur les relations arméno-turques," a déclaré le turcologue Ruben Safrastian. Il est persuadé que la politique néo-ottomane de la Turquie n'a pas d'avenir.

"Face au principe de l'intégrité territoriale, et pour la première fois, Chypre a confirmé dans un document écrit que le droit à l'autodétermination ou la libre expression de la volonté doit avoir un caractère obligatoire dans le conflit du Karabakh. Ce qui est très important, si l'on tient compte du fait que Chypre est membre de l'Union européenne.

À Chypre le Président Sarkissian a déclaré d'un ton ‘haut et fort' le ressenti de l'Arménie. Pour la première fois le Président a déclaré que la politique de la Turquie est fondée sur le chantage et a très clairement indiqué que le problème du génocide pourrait servir de condition préalable à des questions importantes ; notamment à l'établissement de relations arméno-turques.

Est-ce à dire que la ‘diplomatie du football' a échoué ? Le processus est depuis longtemps dans une impasse et c'est la faute de la Turquie," a souligné Safrastian.

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* Lernik Alexanian et Hmayak Hovannissian *


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"Avec son discours au Parlement de Chypre le président Serge Sarkissian a donné une évaluation claire des relations bilatérales et de la situation en Arménie. En ce qui concerne la partie du discours du Président consacrée aux relations arméno-turques, les approches du Président sur la question avaient été très claires dès le début. Ainsi, la partie arménienne a toujours insisté sur la nécessité de mener des négociations sans conditions préalables, et à cet égard la position du président n'a jamais changé," a déclaré Lernik Alexanian, députée du parti Républicain.

Selon le président de l'Union des politologues, Hmayak Hovhannisyan, le nouveau dans le discours présidentiel porte sur un durcissement de sa position.

"Ses appréciations ont été très critiques, puisque le processus arméno-turc est terminé. Elles l'ont été non pas seulement à cause du lieu [où elles ont été émises], mais aussi avec la réalité actuelle," a-t-il ajouté.

Selon le politologue, la Turquie s'est retirée le jour même où la ‘fusion' des relations arméno-turques a commencé. "La diplomatie déployée par les ministres des Affaires étrangères Edouard Nalbandian et Ahmet Davutoglu n'a pas abouti, aussi, le président Serge Sarkissian n'a fait qu'exprimer cette nouvelle réalité."

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* Sabine Freizer *


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"Il n'y aura pas de progrès dans les relations arméno-turques avant les élections législatives en Turquie," a déclaré le directeur du programme Europe à l'International Crisis Group (ICG)- basée à Istanbul, Sabine Freizer

"Le gouvernement turc veut empêcher les partis nationalistes opposés farouchement à la normalisation des relations avec l'Arménie de s'exprimer au cours de leur campagne électorale. Pendant ce temps, les contacts entre des hommes d'affaires arméniens et turcs, des journalistes et des représentants de la jeunesse se poursuivent," a-t-elle ajouté.

"Bien que la Turquie continue de garder sa frontière avec l'Arménie fermée, les contacts entre les sociétés civiles ne doivent pas s'arrêter. L'amélioration des relations entre les deux pays peuvent promouvoir la paix et la stabilité dans la région," a conclu Freizer ; rapporte l'agence Trend.

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Extrait de Armenialiberty, de Radiolour et de PanArmenian.net