Ankara et Bakou s'ingénient à lier les processus arméno-turcs et arméno-azerbaidjanais

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Traduction Gérard Merdjanian - commentaires

Que l'on soit simple observateur, expert ou responsable politique, force est de constater que :

- La politique menée par la Turquie à travers les contacts inter-états ou dans les organismes internationaux, consiste essentiellement à saper les avancées de l'Arménie, à discréditer ses actions concernant le conflit du Karabakh, en clair à l'isoler politiquement et économiquement.

- La politique menée par Bakou, en parallèle et de concert avec Ankara, consiste à ne pas respecter ses engagements envers les pays coprésidents du groupe de Minsk de l'OSCE en développant son armement en vue d'une guerre prochaine, se lancer dans des discours haineux et vengeurs, et abattre tout ce qui bouge sur la ligne de front.

Le tout sous l'œil indifférent des grandes puissances, intéressées avant tout par les problèmes économiques et le développement de leur marché, se contentant de rappeler périodiquement le droit et les normes internationaux.

Et si le volet politique est abordé, c'est pour renvoyer les parties dos à dos. Parler des valeurs telles la liberté, la démocratie ou les droits de l'homme, c'est bien tant qu'il s'agit de faire un état des lieux et donner des leçons, au mieux constater les dérapages, le tout avec moult diplomatie. Mais faire le nécessaire pour éviter que cela se répète, là tout le monde se cache derrière son petit doigt, tirant un voile pudique sur leur hypocrisie.

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Ils ont dit

* Uzeyir Jafarov *


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"L'achat massif d'armes de l'Azerbaïdjan vise à faire comprendre à l'Arménie la détermination de Bakou pour restaurer son ‘intégrité territoriale. Si l'Azerbaïdjan ne parvient pas à déclencher une nouvelle guerre, l'armement pourra être avantageusement revendu à d'autres pays. Ainsi, dans un cas comme dans l'autre, les pétrodollars azéris seront mis à profit," a déclaré le lieutenant-colonel Uzeyir Jafarov.

En d'autres termes, l'Azerbaïdjan tente d'intimider l'Arménie avec des armes, sans penser qu'équiper une armée sans expérience revient à acheter du métal inutile. Probablement, que les programmes de formation ‘sniper' des écoliers azerbaïdjanais servent le même but : intimider l'Arménie.

Bakou ne tient pas compte qu'une incessante rhétorique militaire dans le but d'intimider l'Arménie, risque au contraire de l'exacerber. Il faudrait qu'il commence à se réconcilier avec l'idée que le Karabakh ne sera pas jeté en pâture aux loups, et que la meilleure solution serait de commencer à revendre son stock d'armement.

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* Levon Hovsepian *


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Récemment, la Turquie a dépensé des sommes énormes en armement. Selon le turcologue Levon Hovsepian cela prouve que la Turquie n'est pas sincère dans sa politique de "zéro problème avec les voisins." La militarisation de la Turquie est une menace pour l'Arménie et un casse-tête pour l'Europe.

Il existe une contradiction entre l'extrême militarisation de la Turquie et ses multiples "zéro problème avec les voisins."

Selon Hovsepian : "La Turquie prépare effectivement quelque chose. Aujourd'hui, elle est entrain de mettre en œuvre une nouvelle politique, elle agit sur le marché des armements non seulement en tant que consommateur, mais aussi en tant que fournisseur. Elle en fournit aux pays mitoyens en crise - la Géorgie et l'Azerbaïdjan."

"Ankara est dangereux. Pour preuve, pendant le conflit russo-géorgien de 2008, la Turquie a été le deuxième fournisseur d'armes à la Géorgie. Avec ce type de démarche, la Turquie a l'intention de militariser la région. Je veux dire le Sud-Caucase, et notamment l'Azerbaïdjan. Il est clair qu'elle soutient effectivement les aspirations militaires de l'Azerbaïdjan."

L'expert suppose que Bakou a également choisi le modèle de la Turquie, en essayant d'acquérir des compétences dans la production d'armes tout en développant sa propre industrie de défense.

Aussi, les aspirations à long terme de la Turquie de vouloir créer de l'instabilité dans la région, déboucheront sur un grave casse-tête pour l'Europe et pour le Moyen-Orient.

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* Chahan Kandaharian *


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Récemment, les relations entre la Syrie et la Turquie se sont refroidies suite à la position d'Ankara sur les émeutes en Syrie, selon le rédacteur en chef du quotodien Aztag de Beyrouth.

Selon Chahan Kandaharian, la Turquie tente d'interférer dans les Affaires intérieures de la Syrie, en appuyant les accusations de l'Occident sur Bashar Al-Assad.

"La situation ne nuit pas à la coopération militaire entre les pays. La confrontation politique, cependant, est de plus en plus évidente, avec des rapports critiques voyant le jour des deux côtés. Les événements récents prouvent que le rôle de la Turquie en Syrie va changer, et qu'Ankara sera davantage critiqué par Damas."

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* Garen Nazarian *


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Le représentant permanent de l'Arménie à l'ONU, Garen Nazarian, a adressé une lettre au Secrétaire général Ban Ki-moon, en réponse à la lettre du représentant de l'Azerbaïdjan.

L'ambassadeur Nazarian explicite les tentatives de l'Azerbaïdjan et la diffusion de fausses informations en utilisant de manière profondément immorale la vie d'un enfant comme un outil de propagande.

"Plutôt que d'utiliser de telles tentatives, l'Azerbaïdjan devrait cesser sa pratique de provocations sur la ligne de contact, ce qui pose un réel danger pour la sécurité et la stabilité régionales. Ces actions sont une grave violation de l'accord de cessez-le-feu signé entre l'Azerbaïdjan, le Haut-Karabakh et l'Arménie en 1994."

L'ambassadeur indique en outre que l'Azerbaïdjan se doit de respecter la demande du Secrétaire général des Nations-Unis et des coprésidents du Groupe de Minsk de l'OSCE, de retirer les tireurs d'élite de la ligne de contact.

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* Chavarche Kotcharian *


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"Des progrès dans les négociations sur le règlement du conflit du Karabakh sont possibles, si l'Azerbaïdjan cesse d'utiliser le processus de paix comme une couverture pour poursuivre son hystérie anti-arménienne, qu'il témoigne de la volonté pour relancer les négociations avec la République du Haut-Karabakh, qu'il cesse ses menaces et commence à mettre en œuvre les documents qu'il a signés," a déclaré le Vice-ministre arménien des Affaires étrangères, Chavarche Kotcharian.

"Peu importe la manière utilisée par l'Azerbaïdjan pour essayer de présenter le problème du Karabakh comme un différend territorial avec l'Arménie, il devra assumer la responsabilité de sa politique de nettoyage ethnique et d'avoir lancé une agression militaire contre la République du Haut-Karabakh."

Il a rappelé une fois de plus que l'Arménie a été et reste le garant de la sécurité de la RHK et de son peuple, elle a construit de fait ses relations avec la RHK comme avec un Etat à part entière. "Bien que la question reste à l'ordre du jour, l'Arménie s'abstient de reconnaître de jure la RHK, attachée qu'elle est au règlement pacifique du conflit par le biais des pourparlers de paix dans le cadre du Groupe de Minsk de l'OSCE. Si l'Azerbaïdjan continue sa politique non-constructive, la reconnaissance internationale de la RHK suivra," a souligné le Vice-ministre.

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* Kiro Manoyan *


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"Le processus de normalisation des relations arméno-turcs est depuis longtemps dans une impasse, avec la condition mise par la Turquie de résoudre préalablement le conflit du Karabakh," a déclaré le directeur du Bureau du Hay Tad et des Affaires politiques de la Fédération Révolutionnaire Arménienne (FRA-D), Kiro Manoyan.

"Au lieu d'attendre la réponse de la Turquie, l'Arménie doit se retirer de la signature des protocoles. La Turquie est la seule à tirer profit de la situation actuelle des protocoles, contrairement à l'Arménie. Les protocoles contiennent deux clauses interprétées par plusieurs pays de la même manière que la Turquie, tels les États-Unis, la Grande-Bretagne et la Suède qui partagent la même idée sur la création d'une Sous-commission d'historiens."

Il a également ajouté que les clauses en question permettent à la Turquie de mettre en avant la condition préalable liée au conflit du Karabakh.

Manoyan est convaincu que les protocoles dans leur forme actuelle sont un jouet dans les mains de l'Azerbaïdjan. "Tout d'abord, la communauté internationale est convaincue que la Sous-commission d'historiens doit être créée pour étudier le génocide arménien, et non pour traiter de ses conséquences. Deuxièmement, on a l'impression que les protocoles vont servir à ratifier la frontière actuelle entre l'Arménie et la Turquie, alors que le Président Sarkissian avait indiqué qu'il y avait suffisamment de documents pour soulever la question des frontières, question qui devrait être résolue sur la base du droit international. Par conséquent, il est temps pour les autorités arméniennes de retirer leur signature des protocoles."

Concernant les négociations de paix dans le conflit du Karabakh, la communauté internationale et en particulier les coprésidents du Groupe de Minsk de l'OSCE devraient réagir fortement aux actes de provocation de l'Azerbaïdjan et des violations du cessez-le-feu.

"Les coprésidents ne parviennent pas à réagir de manière appropriée, en essayant de maintenir la parité entre les parties, et cela incite l'Azerbaïdjan à de nouvelles violations."

Selon lui, l'augmentation du nombre de violations du cessez-le-feu par l'Azerbaïdjan prouve que Bakou est mécontent du processus de négociation.

(…)

Avant de terminer son intervention, le responsable du Bureau Hay Tad a abordé le vote du Sénat français sur la pénalisation du déni de génocide, en précisant : "La France est contre l'adhésion de la Turquie à l'Union européenne, et elle ne tient pas à aggraver encore plus ses relations avec la Turquie. Par ailleurs, dans le cadre du rapport 2006 du Commissaire européen des droits de l'homme, cela aurait limité la liberté d'expression."

Ainsi, selon Manoyan, le refus de discuter du projet de loi au Sénat n'est pas une victoire du lobby turc, mais plutôt la démonstration de la position des autorités françaises.

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Extraits de la Radio Publique d'Arménie et de PanArmenian.net