Les relations arméno-turques après la victoire de l'AKP

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Traduction Gérard Merdjanian - commentaires

* L'UNESCO aux ordres

La Turquie et l'Azerbaïdjan utilisent toutes les opportunités pour faire progresser leur version douteuse de la vérité sur l'Arménie ou sur tout ce qui lui est lié. Le dernier événement en date s'est déroulé à Paris, lors de l'exposition de Khatchkars à l'UNESCO.

Le 15 Juin, une exposition de photos intitulée ‘Connaissance des Khatchkars' s'est ouverte à Paris dans les locaux de l'UNESCO, dans le cadre des conférences scientifiques.

Le jour d'ouverture en présence de l'ambassadeur d'Arménie en France, Vigen Tchitedjian, et de la Vice-ministre arménien de la Culture, les invités ont eu une désagréable surprise. Les textes indiquant le lieu d'origine de chaque Khatchkar (Croix-de-pierre) avaient été enlevés, seules les dates restaient sous les photos. Les Organisations arméniennes de France et de Suisse ont vigoureusement protesté contre les tentatives de nier l'héritage culturel de l'Arménie.

Ainsi, le Bureau Français de la Cause Arménienne (BFCA) a exprimé son indignation soulignant le ‘vandalisme civilisé' de l'UNECSO, incompatible avec la mission de l'Organisation. Qu'une telle attitude aura des conséquences dans la communauté. "L'incident prouve l'implication de l'Azerbaïdjan et de la Turquie. En cédant à la pression politique, l'UNESCO a entaché son nom," souligne le communiqué.

Cet incident est l'œuvre des voisins de l'Arménie, qui se vengent ainsi de la décision de l'UNESCO d'inscrire en Novembre 2010 les Khatchkars arméniens au patrimoine culturel immatériel de l'humanité. On se souvient que l'Azerbaïdjan avait protesté contre cette décision et affirmé que les Katchkars "ne sont pas arméniens."

On pensait que l'UNESCO avait tourné la page et qu'elle ne cèderait plus aux pressions des Azéris. C'est mal connaître certains dirigeants de l'honorable Organisation qui sont très sensibles aux largesses de Mahriban Aliev, la première Dame de l'Azerbaïdjan, envers ... l'Organisation.

Tout le monde a encore en mémoire, le comportement indigne et lamentable de l'honorable Organisation lorsque le gouvernement azéri a fait détruire par ses militaires en décembre 2005 les milliers de Katchkars du cimetière arménien médiéval de Djougha au Nakhitchevan, pour le remplacer par un terrain militaire.

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* Ruben Safrastian *

Deux Résolutions ont été introduites à la Chambre des Représentants américaine concernant la Turquie. La première appelle Ankara à restituer les biens volés aux églises chrétiennes, et la seconde appelle le président Obama à reconnaître officiellement le génocide arménien.

"Les Résolutions arméniennes seront toujours sur l'agenda de la politique américaine. Comme il arrive souvent en politique, deux choses se chevauchent ici. D'une part, les Etats-Unis veulent faire pression sur M. Erdogan, pour que ce dernier n'entreprenne pas des actions qui iraient à l'encontre des intérêts américains. D'autre part, de nombreux universitaires et de politiciens américains acceptent la réalité du génocide arménien, alors qu'elle n'est pas acceptée par le Congrès et l'Administration du Président. Par conséquent, il existe parmi le public américain une controverse sur la question. C'est pourquoi les Résolutions seront toujours sur l'agenda et qu'il y aura une chance pour elles d'être adoptées," a déclaré le directeur de l'Institut Etudes Orientales, Ruben Safrastian.
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Concerne la Turquie, il a ajouté : "elle est en train de prendre des mesures envers la Syrie dans le cadre de sa politique néo-ottomane."

Selon lui, d'une main elle ouvre ses portes aux réfugiés syriens, de l'autre elle déploie des troupes à la frontière. Aussi, l'expert n'exclut pas que la Turquie essayera de prendre pied en Syrie en portant au pouvoir des forces qui lui sont favorables.

Ainsi, "La politique étrangère de M. Erdogan, coincée avec les problèmes complexes de l'Est, peut rendre la Turquie plus forte mais aussi rendre son jeu plus imprévisible, ce qui aboutira à l'isolement des autorités de ce pays. Dans son premier discours postélectoral, dans lequel il promet de prendre en considération les aspirations de toutes les couches de la société, démontre sa volonté de trouver un compromis avec les autres forces," a souligné Safrastian, ajoutant : "les députés kurdes sont les candidats les plus probables pour le dialogue. Ces dernier aborderont la question du respect des droits des Kurdes et des autres minorités ethniques, et notamment des problèmes indirectement liés à la communauté arménienne."

Et de conclure : "Dans son discours, Erdogan a décrit Bakou comme un frère. Cela nous donne à penser que la Turquie ne changera pas son approche sur la normalisation des relations arméno-turques, et continuera à l'associer avec le règlement du conflit du Karabakh."

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* Tigrane Sarkissian *

Le Premier ministre arménien Tigrane Sarkissian a déclaré que son pays était prêt à établir des relations diplomatiques avec la Turquie sans conditions préalables.
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"Nous espérons que la Turquie se conformera à la normalisation des relations arméno-turques. Je veux dire aux protocoles signés qu'elle a signés, qui se résument à ce que les deux pays voisins ont l'intention d'établir des relations normales sans conditions préalables."

"La position de l'Arménie n'a pas changé au cours des 20 dernières années. Nous sommes prêts à établir des relations diplomatiques avec la Turquie sans conditions préalables. Et les accords qui ont été conclus avec la partie turque étaient basés sur cette compréhension fondamentale de la situation."

"Nous serons heureux si nos collègues turcs arrivent à cette conclusion, qu'avoir des frontières fermées au 21e siècle est une absurdité.".

"Les dirigeants arméniens ont la volonté politique de passer un accord et nous nous rendons compte que ce n'est pas facile, mais nous espérons aussi que nos homologues azerbaïdjanais feront preuve de la même volonté politique," a déclaré le Premier ministre dans une interview à la CNN.

Commentant la normalisation des relations avec la Turquie, il a noté que dans les vingt dernières années l'Arménie a eu une position politique très claire sur cette question.

"Nous sommes prêts à normaliser les relations avec notre voisin sans conditions préalables. Hélas, depuis la signature des protocoles les événements montrent que la Turquie n'est pas prête à faire de même."

Selon Tigrane Sarkissian, le poids politique de la Turquie est plombé par des problèmes que le pays continue d'avoir avec ses voisins. "La Turquie doit continuer à mener les réformes démocratiques en vue d'une adhésion à l'UE, auquel cas nous serons en mesure de construire facilement des relations durables avec notre voisin," a-t-il souligné.

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* Le PE fait le point sur le conflit du Karabakh *


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La Commission des Affaires étrangères du Parlement européen s'est réunie pour faire le point sur le conflit du Haut-Karabakh.

Les coprésidents du Groupe de Minsk de l'OSCE, Robert Bradtke et Bernard Fassier, le Représentant personnel du Président de l'OSCE, Andrzej Kasprzyk, le directeur du Service des Affaires étrangères européennes et des questions d'Asie Centrale, Miroslav Laichak, et le Représentant spécial de l'UE pour le Sud-Caucase, Peter Semneby, ont été entendus.

"Malgré le cessez-le-feu, les tensions sont toujours élevées, il y a des actes de violence et beaucoup craignent que les militaires azerbaïdjanais remettent en cause le statu quo," peut-on lire dans le compte-rendu du PE.

Lors d'une récente visite dans la région, le Président du PE, Jerzy Buzek, avait déclaré : "L'UE soutient fermement les efforts internationaux pour résoudre le conflit du Haut-Karabakh dans le cadre du Groupe de Minsk de l'OSCE."

Lors de l'audience du 15 Juin 2011, les coprésidents français et américains du Groupe de Minsk ont exprimé l'espoir qu'au sommet trilatéral de Kazan, un accord-cadre sur les Principes de base soit signé.

Tous les intervenants ont insisté que toute utilisation de la force militaire ou des menaces militaires sont inacceptables et contraires au droit international.

Le coprésident Robert Bradtke, a déclaré que les efforts internationaux pour résoudre le conflit vont entrer dans "la phase de mise en œuvre" et a préconisé que l'UE joue un plus grand rôle dans le processus de paix.

Son collègue français, Robert Fassier, a dénoncé le réarmement de la région, et l'Ambassadeur a été très explicite en désignant l'Azerbaïdjan et la façon dont il compte aujourd'hui utiliser la technologie de drones, et indiqué que cela allait dans le mauvais sens. Avis partagé par le Secrétaire général des Amis Européens de l'Arménie (EuFoA), le Dr Michael Kambeck.

"Le rôle de l'UE consiste essentiellement à préparer les sociétés pour la paix et, une fois qu'un accord de paix existe, aide à la mise en œuvre. Nous saluons vivement qu'au 1er Septembre un nouveau Représentant spécial pour la région et ses conflits [en remplacement de Mr Semneby] sera nommé, ce qui permettra d'améliorer le rôle de l'UE," a indiqué le secrétaire général de l'EuFoA.

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Extrait de la Radio Publique d'Arménie et de PanArmenian.net