La Turquie ne peut avoir un rôle réel dans la région, sans relations normales avec l'Arménie

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Traduction Gérard Merdjanian - commentaires

La Turquie depuis qu'elle fait partie du G20 se sent pousser des ailes. Il faut reconnaître que c'est le seul de la région à en faire partie, si l'on excepte l'Arabie Saoudite qui n'a aucune visée ou ambition régionale.

Vouloir à priori avoir ‘zéro problème' avec ses voisins est très louable sur le principe. Le problème, c'est que pour réussir il faut partir avec peu de différends et de préférence pas trop profonds. Hors la Turquie traine derrière elle de lourds contentieux hérités de l'empire ottoman que ce soit envers les Arméniens ou envers les Grecs, insulaires ou pas.

Pour arriver au ‘zéro problème' à ses voisins, il faut également faire quelques efforts sur les ‘voisins' de l'intérieur, c'est-à-dire avec ses minorités. Quant on voit les droits qui sont accordés aux Kurdes, aux Grecs, aux Arméniens ou aux Juifs est très loin du compte.

Tant qu'Ankara n'aura pas chassé ses vieux démons et reconnu ses crimes passés, le ‘zéro problème' restera un vœu pieux et un rêve inaccessible.

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L'approche proactive de la politique étrangère de l'AKP, au pouvoir en Turquie, a changé la dynamique traditionnelle et a placé la Turquie au cours des dernières années à un niveau totalement différent concernant l'influence et le pouvoir sur son voisinage, selon l'article "politique étrangère turque ? Où sera la prochaine", signé Demir Murat et Seyrek Amanda Paul dans neurope.eu. [1]

Aujourd'hui la Turquie a développé une politique étrangère beaucoup plus indépendante qu'auparavant. Tout en conservant des liens étroits avec l'Occident, en tant que membre de longue date de l'OTAN, Ankara a commencé à placer ses intérêts nationaux en première place, ce qui n'était pas toujours le cas dans le passé.

La Turquie saisira probablement l'occasion de rouvrir les discussions de rapprochement avec l'Arménie, qui se sont arrêtées l'année dernière, principalement en raison de la décision de la Turquie, suite aux pressions de Bakou, de lier la ratification des protocoles aux progrès sur le conflit du Haut Karabakh entre l'Arménie et l'Azerbaïdjan, clause non prévue par l'accord négocié entre Erevan et Ankara. Étant donné que M. Erdogan a déjà souligné l'importance de l'Azerbaïdjan pour la Turquie, il est peu probable qu'il va risquer d'irriter de nouveau Bakou. Pour que la Turquie puisse jouer un rôle réel dans la région, Ankara doit d'abord se concentrer sur la mise en œuvre de la politique du "zéro problème" avec ses voisins. Par conséquent, tant que la Turquie n'aura pas normalisé ses relations avec l'Arménie, Ankara sera incapable de jouer un tel rôle.


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Alors que la nouvelle politique étrangère de la Turquie vise devenir un acteur régional important, Ankara a également envie d'aller au-delà et le ministre turc des Affaires étrangères, Ahmet Davutoglu, a pris plusieurs initiatives pour différentes régions du monde, au cours des deux dernières années. Ainsi, il continue de renforcer ses liens avec la Russie, l'Ukraine et la Chine, tout en se déplaçant rapidement vers l'Afrique et même l'Amérique du Sud.

Bien qu'il n'y ait pas de doute à ce sujet, Ankara doit faire attention à ne pas trop s'éparpiller en essayant d'être partout à la fois. Les développements régionaux vont pousser la Turquie à se concentrer sur quelques questions stratégiques, lesquelles peuvent l'impacter directement et donc l'équilibre régional. Par ailleurs, alors que la Turquie se positionne comme un acteur actif régional, elle n'a pas réussi à résoudre les problèmes les plus épineux régionaux : Chypre, la question arménienne, la question de la mer Egée, la question du nucléaire iranien ou le conflit du Moyen-Orient. Même si ce ne sont pas des solutions définitives, au moins certaines améliorations concrètes sur quelques-unes de ces questions seront nécessaires afin de préserver la cohérence et la validité du "zéro problème avec les voisins" et de "la politique étrangère proactive" prônés par l'AKP ; concluent-ils.

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Extrait de PanArmenian.net




[1] Demir Murat Seyrek est Consultant Management chez ‘Global Communications' ; Amanda Paul est Analyste Politique au ‘Centre Politique Européenne' à Bruxelles.