Les propos de Serge Sarkissian chauffent les esprits turcs

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Traduction Gérard Merdjanian - commentaires
Rien de mieux pour rapprocher des dirigeants que d'avoir un adversaire commun. Rien de mieux pour rapprocher les Turcs ottomans et les Turcs azéris que de s'en prendre aux Arméniens. Chez les uns et les autres, la sensibilité est à fleur de peau.
Il ne faut surtout pas leur parler du passé et des exactions qu'ils ont commis. Dire à la Turquie, héritière de l'empire ottoman, qu'elle s'est accaparée des biens et des terres des Arméniens après les avoir massacrés, est un crime de lèse-majesté. Dire à l'Azerbaïdjan que les Arméniens du Haut-Karabakh, après des années d'abandon, se sont défendus parce que les troupes de Bakou leur ont donné l'assaut met Monsieur Aliev hors de lui.
Lors de la conférence de presse commune à Bakou, après avoir une fois de plus déclaré que le Karabakh était azéri et le resterait, que la frontière resterait fermée, une seule question fut posée par un journaliste turc aux deux dirigeants : Que pensent-ils des propos du président arménien Serge Sarkissian parlant des terres arméniennes perdues ? Il n'en fallait pas plus pour que ces derniers montrent leur vrai visage.
Monsieur Erdogan a traité le président arménien d'irresponsable qui incite la jeunesse à aller guerroyer contre la Turquie, quant à Monsieur Aliev, il a traité son homologue d'attardé mental. Belle image de dirigeants qui se veulent puissance régionale.
La paix et la compréhension mutuelle dans le Sud-Caucase n'est pas encore pour demain.

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Le Premier ministre turc Recep Tayyip Erdogan a demandé mercredi soir que le président Serge Sarkissian retire ses propos et s'excuse pour des revendications territoriales arméniennes en Turquie.
"Sarkissian a commis une grave erreur. Il a confirmé lui-même sa gaffe historique. Il doit s'excuser et corriger son erreur", a-t-il déclaré mercredi lors d'une conférence de presse conjointe avec le président Azerbaïdjanais Ilham Aliev.
Selon M. Erdogan, les propos de M. Sarkissian signifient que jeunes Arméniens doivent être prêts pour une future guerre avec la Turquie. "Ce que Serge Sarkissian a fait est une provocation, une tentative d'instiller le dépit et la haine chez les jeunes de son pays."
En début de semaine, le ministère turc des Affaires étrangères avait condamné les remarques du président arménien en termes tout aussi forts.

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Le président azéri Ilham Aliev lors de la conférence de presse a déclaré pour sa part que :
"Je suis bien informé sur sa façon de penser [de Sarkissian]. Cela démontre effectivement l'essence agressive de l'Arménie. Pour avoir des revendications territoriales envers la Turquie, cela signifie simplement qu'il manque quelque chose dans la tête de ces gens." Et d'ajouter : "l'Azerbaïdjan finira par reprendre le contrôle du Karabakh par tous les moyens, pacifiques ou militaires."
Erevan n'a pas tardé à rejeter cette demande et accuser le gouvernement turc de fausser l'essence des déclarations faites par M. Sarkissian.
Le vice-ministre arménien Chavarche Kotcharian avait réfuté les attaques d'Ankara, affirmant que les Turcs n'ont pas lu la réponse du leader arménien en totalité et "disent tout simplement ce qu'ils ont envie de dire. "L'hystérie qui agite la Turquie a un caractère ostentatoire et artificiel. Je crois que les Turcs n'ont pas lu le texte intégral, et interprètent les paroles du président hors de leur contexte. La déclaration de Serge Sarkissian est sérieuse et raisonnée. La seule raison pour laquelle la Turquie refuse de donner un sens à ces propos, c'est parce que le pays n'en a pas besoin," a-t-il déclaré, commentant les propos du Premier ministre turc.
Lors d'une rencontre le 23 Juillet avec des étudiants d'Arménie et de la diaspora dans la ville balnéaire de Tsakhgadzor, l'un des participants a demandé au président Sarkissian si les Arméniens seront un jour capable de récupérer le Mont Ararat avec les terres qui se trouvent en Turquie orientale, c'est-à-dire "Arménie occidentale" ?
"Cela dépend de vous et de votre génération. Je crois que ma génération a rempli sa tâche au début des années 90, quand il a été nécessaire de défendre une partie de notre patrie – le Karabakh, attaquée par l'ennemi, nous l'avons fait Si vous, garçons et filles de votre génération, ne ménagez aucun effort, si ceux plus âgés et plus jeunes que vous, agissent de la même façon, nous aurons l'un des meilleurs pays au monde," a répondu M. Sarkissian.
Sarkissian a souligné en même temps que la réputation internationale d'un pays est souvent "peu conditionnée par son territoire. Un pays doit être moderne, il doit être sûr et prospère, et ce sont les conditions qui permettent à toute nation de s'asseoir, dans les organisations internationales, à côté des nations du monde, respectables, puissantes et réputées. Nous devons tout simplement remplir notre devoir, être actifs, travailleurs, et être capable de créer des richesses. Et nous pouvons faire cela, nous pouvons très facilement faire cela, et nous l'avons fait plus d'une fois dans notre histoire. Je suis certain à ce sujet, et je veux que vous en soyez aussi certains. Nous sommes une nation qui renait toujours de ses cendres, comme le phénix - encore et encore."
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* Rencontre Sarkissian- Komorowski

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Suite aux propos d'Aliev, Sarkissian a riposté jeudi en mettant en doute la santé mentale de son homologue. "Était-ce une déclaration faite par une personne normale, encore moins par un chef d'Etat ? " a-t-il déclaré lors d'une conférence de presses commune avec le président de la Pologne en visite en Arménie, Bronislaw Komorowski.
Cet échange amer pourrait compliquer davantage les efforts des médiateurs internationaux pour sauver le processus de paix du Haut-Karabakh.
Se référant au conflit du Karabakh, le chef de l'Etat a déclaré : "La démocratie est une valeur exceptionnelle et toute assistance de l'Union européenne au Haut-Karabakh et qui contribuera au développement de la démocratie, est la bienvenue."
"Je ne dirais pas que la réunion de Kazan fut un fiasco, même si, comme je le disais, la communauté internationale et nous-mêmes attendions beaucoup de cette réunion. Nous étions en effet très proches d'un accord à Kazan. Il est juste arrivé ce qui devait arriver. Tout d'abord, il manquait une atmosphère appropriée. Cette atmosphère doit être améliorée en premier lieu. Ainsi, vous ne pouvez pas empoisonner en permanence vos concitoyens et ce à tous les niveaux," a-t-il ajouté, se référant à la rhétorique guerrière des dirigeants azerbaïdjanais concernant le conflit.
Serge Sarkissian a rappelé que les réformes démocratiques ont été mises en œuvre dans le Haut-Karabakh depuis 17 ans, qu'il y a eu trois élections présidentielles, et que le pouvoir n'a jamais été ‘hérité'.
Le président polonais Bronislaw Komorowski a déclaré que son pays avait toujours soutenu une résolution de ces problèmes basée sur les principes de l'intégrité territoriale et sur le droit des peuples à l'autodétermination. Il a souligné que tous les conflits en Europe devraient être résolus sur la base de ces deux principes.
S'exprimant sur les aspects positifs du processus de paix, le Président Komorowski a souligné la mise en œuvre de réformes dans le Haut-Karabakh et le maintien de la paix.
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* Les propos d'Erdogan décriés par Israël

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"Israël peut se consoler car ce n'est pas le seul pays au monde auquel le Premier ministre turc Recep Tayyip Erdogan exige des excuses : mercredi il l'a exigé de l'Arménie," écrit Herb Keinon dans un article publié dans le Jerusalem Post.
Le site turc Today's Zaman, rapporte les propos de M. Erdogan à Bakou, déclarant que : "le président arménien Serge Sarkissian doit s'excuser pour l'appel adressé aux étudiants arméniens d'aller occuper l'Est de la Turquie."
"La déclaration a mis la Turquie en fureur. Selon le site Web, M. Erdogan a déclaré que le comportement de Sarkissian était une provocation et une tentative de remplir de haine la jeunesse, qui selon lui, projettent la jeunesse arménienne dans "l'obscurité"," écrit le Jerusalem Post, ajoutant :" Qui va demander à Erdogan de s'excuser pour avoir occupé le Nord de Chypre ?"
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* Un élu turc sort de ses gonds

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Sinan Ogan, député d'Igdir à la Grande Assemblée Nationale de Turquie [Parlement] et président du Centre d'Etudes Stratégiques de la Turquie, a qualifié la déclaration du président Serge Sarkissian de : "revendications territoriales envers la Turquie et qui équivalent à une déclaration de guerre."
Ogan pense qu'en réponse, les dirigeants turcs doivent prendre des mesures drastiques comprenant de nouvelles sanctions. Ogan suggère notamment une nouvelle initiative internationale pour "libérer les terres azéries", en clair une nouvelle guerre au Karabakh ; rapporte Azer Tac.
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* Les Etats-Unis inquiets sur la résolution du conflit
L'administration de Barack Obama insiste sur le fait que l'OSCE joue un rôle direct dans la résolution des conflits ‘gelés' dans l'espace postsoviétique.

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"OSCE doit continuer de jouer un rôle direct dans la résolution des conflits ‘prolongés' en Géorgie, en Moldavie et au Haut-Karabakh. Les conflits ont un potentiel dommageable, capable de déstabiliser la sécurité dans les régions de l'OSCE. La tâche de surmonter ces conflits doit rester prioritaire pour l'OSCE et pour tous ses Etats-membres," a déclaré le secrétaire d'Etat adjoint chargé des Affaires européennes et eurasiennes, Philip Gordon.
"Un pas en arrière s'est produit dans les efforts de maintien de la paix. La tentative d'assurer ‘une percée' dans les négociations le 24 Juin à Kazan, n'a pas réussi, tandis que les tensions le long de la ligne de contact vont croissants. L'Arménie et l'Azerbaïdjan sont toujours incapables de se coordonner sur les principes de base du règlement du conflit et nous restons dans une situation non-constructive et dangereuse," a déclaré Alexander Vershbow, le secrétaire d'Etat adjoint à la Défense, parlant de la question du Karabakh.
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Extrait de Armenialiberty, de Radiolour et de PanArmenian.net