Karabakh : un incident fâcheux

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Traduction Gérard Merdjanian - commentaires

A quoi cela servirait-il d'acheter et de stoker du matériel militaire et des armements de toutes sortes si l'on ne peut pas s'en servir ?

C'est la réflexion qu'ont eu les dirigeants azéris, car à faire systématiquement survoler leur propre territoire par des drones, ne riment à rien, et finit par lasser. Donc autant l'utiliser dans les conditions réelles, c'est-à-dire en survolant le territoire ennemi, en l'occurrence l'Artsakh. Cela permet en premier lieu de récolter des informations, mais aussi de vérifier par la même occasion la réaction et les capacités de l'adversaire.

Ce n'est pas tant la perte financière qui est inquiétante pour Bakou, mais le fait que ces appareils risquent fort de servir à pas grand-chose en cas d'accrochage plus sérieux avec le Karabakh, vu l'efficacité de la réaction.

Le démenti de Bakou ne trompe personne, car on voit mal qui dans la région a besoin d'aller espionner les zones militaires du Haut-Karabakh. Ce n'est pas pour autant que l'OSCE ou les pays coprésidents du groupe de Minsk – Etats-Unis, Russie et France – vont tancer l'Azerbaïdjan, tout au plus se fendront-ils d'une déclaration laconique généraliste.

Vidéo du drone abattu

* Brève azérie *

"Il est grand temps que l'Assemblée Parlementaire de l'OSCE exprime une position claire sur le conflit du Haut-Karabakh. Malheureusement, l'OSCE n'a pas encore adopté de résolution sur cette question. La délégation de notre pays à l'AP-OSCE attache une grande importance à l'adoption d'un tel document," a déclaré Eldar Ibrahimov, un membre de la délégation azerbaïdjanaise.

Quelque temps avant, la vice-présidente du Parlement azerbaïdjanais, Mouradova Bahar, avait déclaré que le conflit du Haut-Karabakh pourrait être discuté à la session d'hiver de l'AP-OSCE.
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L'armée de Défense de la RHK a annoncé mercredi que ses forces avaient abattu lundi vers 7h30 un drone de reconnaissance ‘anonyme' azerbaïdjanais qui survolait le district de Mardouni près du village de Vaskenachene, à l'Est du Karabakh.

"Avant tout, cela casse le moral de l'agresseur [l'Azerbaïdjan], car cette destruction montre aussi l'étendue de notre sophistication technique. Cela aura certainement un impact et fera réfléchir Bakou sur ses comportements futurs," a déclaré l'attaché de presse du président Sahakian, David Babayan et d'ajouter : "C'est une preuve physique de violation de la trêve. La Mission d'Observation de l'OSCE devrait envisager d'élargir sa surveillance du régime du cessez-le dans la zone de conflit du Karabakh, après cet incident."

Jeudi soir, le ministère de la Défense azerbaïdjanais a nié toute implication, déclarant : "L'Azerbaïdjan n'a rien à voir avec le drone qui s'est écrasé au Haut-Karabakh, occupé par les Arméniens."

A noter que cet incident se produit six mois après l'accord Israélo-Azerbaidjanais d'assemblage de drones en Azerbaïdjan. De plus, l'armée azérie achète ce type d'appareil à Israël et à la Turquie.

Selon le colonel Nikolaï Babayan, commandant des forces aériennes arméniennes, l'armée du Karabakh est équipé de matériel spécifique pour d'abattre des avions espions : "Il est très difficile de toucher et même de détecter des drones (UAV), car ils sont construits avec des matériaux composites spéciaux. Les drones azéris effectuent régulièrement des vols de reconnaissance à proximité de la ligne de contact, mais cette fois-ci, le drone a franchi la frontière du Karabakh, et a été abattu par notre défense anti-aérienne."


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Le quotidien Asbarez indique que c'est une entreprise des Etats-Unis qui fabrique certaines parties de l'appareil. Un examen approfondi d'une vidéo de l'épave du drone, révèle que c'est la société Pueblo West, Colorado Source GPS Inc, qui a fabriqué et vendu les organes de guidage (diviseur GPS) composant le drone abattu. Le séparateur GPS permet qu'une seule antenne GPS puisse être partagée entre plusieurs récepteurs GPS. La compagnie canadienne, Novatel, est le fabricant de l'antenne GPS utilisée sur le drone.

Le Comité National Arménien d'Amérique (ANCA) a écrit au Département d'Etat de bien vouloir examiner la vidéo de l'épave de l'UAV azerbaidjanais, qui montre un composant construit par Novatel, une entreprise canadienne ayant des bureaux aux Etats-Unis, ce qui justifie une enquête sur des violations potentielles des lois américaines sur les exportations d'armes.

Selon le spécialiste militaire Artsroun Hovannissian, Bakou a été clairement choqué de voir que son drone a été abattu : "Attendons de voir la réaction de la communauté internationale, si elle est ‘impartiale' cet acte sera condamné. Au vue des preuves, Bakou ne sera pas en mesure de trouver des excuses."

Selon lui, c'est un fait assez rare, car il est généralement difficile de lutter contre les drones, en particulier ceux qui volent à 5000 mètres ou plus : "Ceci est un cas exceptionnel. C'est un puissant engin aérien de type "Hermes 450" de production israélienne. Un autre de ce type, avait été abattu par un chasseur russe en Abkhazie en 2008. A noter que le drone abattu a un coût beaucoup moins élevé que celui abattu par la Russie en 2008, ce qui pourrait éventuellement créer un nouveau précédent dans l'histoire des drones."

Aussi, ce devrait être un choc non seulement pour les azerbaïdjanais, mais aussi pour la société de production israélienne.

Quant à la situation sur la ligne de contact, l'expert a ajouté : "Le calme relatif sur la ligne de contact de ces derniers temps n'est pas du à la générosité de Bakou mais aux contre-mesures adéquates prises par Stépanaguerd."

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* Francis Ricciardone confirmé *


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Le candidat controversé du président Obama nommé comme ambassadeur des Etats-Unis en Turquie, Francis Ricciardone, a été finalement confirmé dans son poste par la Commission des Affaires étrangères du Sénat, indique le Comité National Arménien d'Amérique (ANCA).

"Nous tenons à remercier le sénateur Menendez pour son leadership sur le sujet en attirant l'attention sur les réponses offensantes et inacceptables de M. Ricciardone aux questions traitant du sort des chrétiens en Turquie. En votant contre, le sénateur Menendez en compagnie des sénateurs Boxer et Risch ont envoyé un puissant message à M. Ricciardone et aux responsables du département d'État - que le peuple américain mérite d'avoir un émissaire américain qui va se battre pour les valeurs et les intérêts des Etats-Unis – et ne va pas succomber à la machine de propagande de la Turquie," a déclaré le directeur exécutif de l'ANCA, Aram Hamparian.
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Monsieur l'ambassadeur a, malheureusement, fait sienne le récit d'Ankara niant le génocide, au-dessus et au-delà même du Président et de son administration à savoir : - la complicité de notre gouvernement composant avec les mensonges du gouvernement turc lesquels sont facilement vérifiables sur la situation des quelques églises arméniennes, ou chrétiennes en générale, encore en activité dans les frontières de l'actuelle Turquie. En cette période critique des relations USA-Turquie, nous ne pouvons pas nous permettre d'avoir simplement une politique d'apaisement," a souligné Hamparian.

A noter qu'à l'inverse, l'ambassadeur John Heffern, nommé en Arménie, a été confirmé à son poste par un vote unanime de la Commission.

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* L'OSCE toujours optimiste *


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"Nous sommes préoccupés par la situation sur la ligne de contact. Seulement cette année il y a eu plus de 20 accidents mortels. Les rapports sur les pertes civiles sont particulièrement inquiétants," a déclaré le directeur du Centre de prévention des conflits de l'OSCE, Adam Kobieracki, commentant le processus de règlement du conflit du Karabakh.

"Lors de ses visites en Arménie et en Azerbaïdjan, le Président de l'OSCE en exercice a appelé les parties à retirer les snipers de la ligne de contact. Je regrette que les parties n'aient pas réussi à mettre en œuvre l'accord de Sotchi sur les enquêtes à mener sur les accidents le long de la ligne de contact. Je crois qu'il est très important de maintenir la pression sur les deux côtés et nous félicitons la participation personnelle du président russe pour la promotion de la négociation entre l'Azerbaïdjan et l'Arménie. Je pense qu'il y a une possibilité de parvenir à une solution de compromis dans le cadre du format actuel des négociations à savoir celui du le Groupe de Minsk," a déclaré Adam Kobieracki.

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* Le coin des experts des génocides *

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L'Allemand Wolfgang Efenberger lie les positions des Etats-Unis sur la négation du génocide arménien aux développements géopolitiques. Lors de sa conférence intitulée ‘Génocide : vivre et surmonter', à l'Académie des Sciences de Erevan, il a cité Zbigniew Brzezinski qui disait : "Qui gouverne l'Europe de l'Est commande le cœur ; Qui gouverne le cœur commande l'île du monde ; Qui gouverne l'île du monde commande le monde." Wolfgang Efenberger considère la Turquie comme un "joker dans le grand jeu."

Dans ses écrits, Efenberger note que c'est douloureux pour lui, en tant que ressortissant allemand, que son pays ait également coopéré avec la Turquie dans sa politique d'annihilation des Arméniens. Selon l'expert, la lutte pour le commandement de l'Eurasie continue jusqu'à maintenant, et il ne voit pas de changements notables dans la politique de l'Allemagne. "Comme acte de sagesse, elle aurait pu reconnaître le génocide arménien," a-t-il souligné.

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Taner Akçam, professeur agrégé d'histoire à l'Université Clark, a appelé à des changements nécessaires dans la politique de la Turquie pour espérer jouer un plus grande rôle régional.
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"Les crimes contre l'humanité sont une très importante norme juridique internationale. En terme juridique, il a été utilisé pour la première fois le 24 Avril 1915 dans le cadre du génocide arménien, et portait sur un fond moral et juridique pour les procès de Nuremberg, ainsi que plus récemment en Yougoslavie, au Rwanda et dans d'autres poursuites internationales des crimes de guerre. Bien que de notoriété publique, mais peu connue, l'expression a d'abord été rédigée en tant que crimes contre le christianisme."

"Afin de changer cette perception, l'AKP doit faire face à l'Histoire et prendre une position claire concernant les crimes qui ont été commis contre les chrétiens. L'AKP cependant, est très loin de cela et c'est pour cette raison qu'il continuera à être perçu comme un acteur potentiel susceptible de répétition de 1915 envers les chrétiens de la région. Là réside l'ironie. La Turquie, qui veut s'impliquer dans la région comme un intervenant au nom de la liberté et de la démocratie, se voit rappeler ses crimes passés contre l'humanité."

"D'où l'importance d'inclure l'Arménie dans ses discours à la nation. Si l'AKP veut défendre la liberté et la démocratie dans la région et désire marcher sur le chemin des valeurs universelles de l'homme à travers des sensibilités islamiques, il doit apprendre à regarder le passé récent de l'islam avec un œil plus critique."

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"Les archives turques ont été nettoyées périodiquement des documents liés au génocide. A partir des années 1980, les autorités turques sont devenues encore plus sensibles sur la question du génocide arménien, vu que le sujet était débattu plus largement dans différentes structures internationales," a déclaré la turcologue, Anouche Hovannessian.

"Bien que les autorités turques n'aient laissé que des documents, qui à leur avis ne contredisent pas leur position sur les événements de 1915, si les experts examinaient minutieusement ces documents, ils trouveraient des preuves du génocide."

Elle a également indiqué que des documents peuvent également se trouver dans les archives anglaises ou allemandes. "En outre en 1931, les autorités ottomanes ont vendu beaucoup de documents à la Bulgarie comme déchets de papier. Le Vatican a récupéré une partie de ces documents se trouvant en Bulgarie, et de récents rapports suggèrent que certains d'entre eux seront publiés en 2012. Enfin, il existe également des documents dans les archives de l'Etat-major turc."

L'experte a exprimé sa confiance sur les rapports publiés par Wikileaks pour réduire au silence des autorités turques qui insistent sur l'examen de leurs archives pour prouver l'inexistence du génocide arménien dans l'Empire ottoman. Génocide qui pourtant est incontestable, au vue de nombreuses autres preuves.

Mme Hovannessian a confirmé que la purge des archives ottomanes date de longtemps, bien avant que Wikileaks fasse des révélations sur les correspondances.

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Extrait de la Radio Publique d'Arménie et de PanARmenian.net