Normalisation des relations arméno-turques (suite)


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Traduction Gérard Merdjanian - commentaires

Plus de deux après la signature en grande pompe des protocoles devant permettre à l’Arménie et à la Turquie de réchauffer leurs relations en vue d’une normalisation, de lever le blocus mis en place par Ankara, et d’ouverture la frontière turco-arménienne - pour ainsi dire jamais ouverte depuis 1920 –, les Etats-Unis s’évertuent en vain de relancer le dialogue au point mort depuis 18 mois.

La Turquie, suivant sa bonne habitude a mis une pré-condition à toute ratification des documents par son parlement : Que l’Azerbaïdjan récupère la totalité du Karabakh, Haut-Karabakh compris. Par bonne habitude, il faut entendre que la Turquie lorsqu’elle signe un document officiel, elle y ajoute un codicille qui lui est propre et qui lui permet de ne pas honorer sa signature.

Sa première action du genre a commencé dès la création de la République en 1923 au Traité de Lausanne, concernant la protection des minorités vivant sur son territoire ; Ankara a une manière bien à lui de les traiter, qu’elles soient musulmanes ou non, malgré les remontrances des Occidentaux. Plus récemment, on a le cas de l’extension de l’accord douanier avec les dix derniers pays entrés dans l’UE, sauf … Chypre. Il en est de même des négociations d’adhésion à l’UE avec la mise en garde par Ankara que : les choses pourraient mal aller si Chypre prend la présidence de l’UE en Juillet prochain sans que le problème chypriote soit réglé, c'est-à-dire que la RTCN soit reconnue.

Le premier ministre Erdogan, voulant sans doute imiter ses prédécesseurs - les Grands Vizirs, est persuadé de son bon droit, parce que ‘couvert’ par Washington et que ‘charbonnier est maitre chez lui’, fait fi des remarques et des propos de la communauté internationale. Comme dit le dicton populaire : ‘A force de jouer avec le feu, on finit par se brûler’.



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Les Etats-Unis vont continuer à parrainer les contacts entre la population arménienne et turque dans l'espoir de faciliter la normalisation éventuelle des relations entre les deux pays," a déclaré mercredi l'ambassadeur américain à Erevan, John Heffern, lors d'une conférence d'affaires turco-arménienne.

Le forum de deux jours, parrainé par l'USAID, a débuté à Erevan, devant 120 entrepreneurs dont une cinquantaine de diverses régions de Turquie (Istanbul, Ankara, Malatya, Igdir, Kars, Diyarbakir, etc.)

Il a également réaffirmé le fort soutien de Washington pour la mise en œuvre inconditionnelle des protocoles de normalisation, signés par Ankara et Erevan il y a deux ans. "Nous sommes engagés à promouvoir la réconciliation entre les deux pays dans tous les secteurs et continuerons de le faire aussi longtemps que nous le pourrons."

Heffern a parlé d'un "message politique" envoyé par le forum.  "Et le message politique est que la réconciliation entre la Turquie et l'Arménie est toujours notre objectif. Vous déclarez dans les deux pays, à beaucoup de gens, votre parrainage et votre soutien aux protocoles et que vous êtes pour la réconciliation et la normalisation des relations, l'ouverture de la frontière entre la Turquie et l'Arménie est essentielle pour que cela se produise", a-t-il souligné.

Il a indiqué que des contacts similaires entre les étudiants, journalistes, enseignants et autres professionnels, qui ont été, pendant des années, parrainé par le gouvernement américain, sont également importants pour la réconciliation turco-arménienne. Mais il a souligné que les protocoles turco-arméniens restent "le principal moyen" d'améliorer les relations tendues entre les deux nations.

"Les Etats-Unis soutiennent les protocoles, des protocoles inconditionnels, et qui ne sont liés à aucune autre question," a ajouté le diplomate.

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Le Président turc pense qu’il sera difficile de ‘réchauffer’ les relations turco-arméniennes.

"Les questions compliquées ne peuvent pas être résolues en une seule étape. Il y avait un moment opportun, et pourtant je crois que nous avons été incapables de coordonner certains points. Toutefois, il y a encore de l'espoir pour un rapprochement," a-t-il indiqué.

Concernant l'assassinat du rédacteur en chef du quotidien arméno-turc Agos, Hrant Dink, le Président a déclaré que la Cour suprême d'Appel a été sollicitée pour activer les révélations complètes sur l’assassinat.

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* Brève Turquie *

Le Premier ministre turc Recep Tayyip Erdogan a présenté ses excuses pour les massacres de Dersim (aujourd'hui Tunceli), au cours d'une réunion des responsables de l’AKP, à Ankara.

C’est le premier dirigeant turc à présenter des excuses au nom de la République turque. Ces excuses sont venues suite à la publication de documents montrant que les opérations militaires avaient tué plus de 13.000 kurdes dans la région du Dersim, de 1936 à 1939, en utilisant des bombardements aériens et des gaz toxiques. M. Erdogan a montré des documents lors de son discours, mettant en cause les dirigeants turcs dans les massacres.

Selon Agence de presse Anatolie, M. Erdogan a qualifié les événements de Dersim comme "l'incident le plus tragique de notre passé proche."

* Brève France *

Le sénateur PS Philippe Kaltenbach a présenté un projet de loi prévoyant la criminalisation de la négation du génocide arménien au Sénat.

Monsieur Kaltenbach a noté dans son blog que, le président Nicolas Sarkozy et le candidat du parti socialiste à l’élection présidentielle de 2012, François Hollande, ont promis tous deux de soutenir l'initiative.

Le projet de loi prévoit jusqu'à 5 ans d'emprisonnement et 45.000 euros d’amende pour les négationnistes du génocide arménien. Le projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale française le 12 Octobre 2006, est toujours en attente au Sénat.

Le président français Nicolas Sarkozy a clairement indiqué lors de sa visite en Arménie en octobre dernier que le projet de loi serait adopté si la Turquie refusait de reconnaître le génocide arménien.

Depuis les élections sénatoriales de Septembre dernier, la gauche détient la majorité au Sénat français, ce fait pourrait aider l'examen du projet de loi, refusé d’être débattu une première fois le 4 mai dernier par 196 voix contre 74.

* Brève UE *

"L'Union européenne continue de rechercher un règlement pacifique du conflit du Haut-Karabakh en soutenant le Groupe de Minsk de l'OSCE," a déclaré la porte-parole du Service ‘politique étrangère’ de l’UE, Maja Kocijancic.

Le service diplomatique commentait le récent rapport sur l'initiative du Parlement européen de remplacer le coprésident français du Groupe de Minsk par un représentant de l'UE. Le sujet avait été soulevé par l’eurodéputé bulgare et coprésident de l’Assemblée parlementaire d’Euronest, Kristian Vigenin.

Selon Mme Kocijancic, l'UE perçoit son rôle dans le règlement du conflit du Karabakh comme un complément au Groupe de Minsk de l'OSCE. "L'UE a exprimé à plusieurs reprises qu’elle était prête à soutenir la reconstruction et la réhabilitation des régions touchées par le conflit, après qu’un traité de paix soit conclu."

Elle a reconfirmé le caractère inacceptable du statu quo actuel dans le Haut-Karabakh, ainsi que l'engagement de l'UE pour la paix dans le Sud-Caucase.

Le premier projet doté d’un budget de deux millions d'euros est en cours d'achèvement, avec une possibilité d'entamer un projet semblable dans le futur.

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* Le coin des experts *

"Les tirs des snippers azéris sur la ligne de contact qui ont entraîné la mort de deux soldats arméniens, sont liés aux récents contacts entre l'Azerbaïdjan et la Russie, et plus particulier aux négociations sur la station radar de Gabala," a déclaré le politologue Hrant Melik-Chahnazarian, et d’ajouter que la communauté internationale et le Groupe de Minsk de l'OSCE n’ont pas réagi à ces incidents.

"Ces tirs sont destinées à créer la panique parmi les parents des soldats en cette période de conscription militaire. L’armée de Défense du Karabakh ne devrait pas rester inerte," a déclaré pour sa part l’expert militaire Artsrun Hovhannissian.

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