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Traduction Gérard Merdjanian – commentaires
Plus le temps passe, et plus les dirigeants azerbaidjanais haussent le ton, alors que le président Aliev vitupérait contre l'Arménie et les Arméniens dans son discours à Goranboy, son ministre de la Défense confirmait les préparatifs d'une guerre contre le Karabakh.
Les déclarations des pays coprésidents du groupe de Minsk de l'OSCE, c'est-à-dire la Russie, les Etats-Unis et la France ne semblent avoir aucun impact sur le comportement des leaders azéris. Un seul objectif les anime : reconquérir coûte que coûte les territoires perdus en 1994 avec un unique slogan : l'intégrité territoriale.
La première question qui se pose est : est-ce de l'esbroufe ou une réelle intention ? Les deux probablement.
Il est nécessaire de calmer et rassurer l'opinion nationale en faisant agiter le spectre d'une Arménie agresseur, ce qui évite à la dite opinion de trop se focaliser sur les richesses du clan Aliev et une gouvernance loin d'être démocratique ;
Une forte envie d'utiliser les nouvelles armes acquises auprès de ceux qui prônent la paix, et notamment des engins à courtes et moyennes portées (<50 km), défensives et offensives.
La seconde : quand cela arrivera-il ?
Quand les stratèges azéris, conseillés par les militaires Turcs, se sentiront suffisamment forts pour attaquer en utilisant un prétexte quelconque et/ou futile. Cela peut arriver cette année, l'année prochaine, voire jamais.
Quoi qu'il en soit, ce double-jeu, n'empêchera pas les dirigeants azerbaidjanais de rencontrer leurs homologues arméniens sous l'égide des médiateurs de l'OSCE, histoire de donner le change à la communauté internationale.
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Sont-ils capables de gagner une guerre contre l'Arménie ?
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"L'Azerbaïdjan se prépare sérieusement à une guerre avec l'Arménie concernant la région contestée du Haut-Karabakh," a déclaré vendredi le ministre azéri de la défense [Safar Abiev] aux médiateurs internationaux [coprésidents du groupe de Minsk de l'OSCE] à Bakou.
Il est difficile de savoir s'il faut prendre au sérieux ce genre de déclaration, l'expression ‘la rhétorique belliqueuse de Bakou' est devenue désormais un cliché fermement ancré dans les médias du Caucase. Cependant, cette définition semble, pour moi, plus éculée que normale.
Une des parties les plus intéressantes du récent rapport de l'International Crisis Group (ICG), a été la spéculation sur ce qui se passerait dans une guerre entre l'Arménie et l'Azerbaïdjan. La conclusion a été que, bien que l'Azerbaïdjan a un avantage évident dans les dépenses militaires, un grand nombre d'autres facteurs pourrait donner un avantage à l'Arménie.
L'ancien Président Ter-Pétrossian, avait pris soin de ne pas présenter la guerre des années 1990 comme un conflit entre l'Arménie et l'Azerbaïdjan, afin de souligner le rôle des forces du Haut-Karabakh sur le champ de bataille et ainsi minimiser l'implication de l'armée arménienne. La direction actuelle arménienne n'a pas un tel souci. Une reprise des hostilités déclenchée par les forces arméniennes est peu probable, mais ne peut pas être exclue, vu que certains observateurs et responsables militaires arméniens, notamment dans le Haut-Karabakh, mettent en garde contre une ‘guerre préventive', si l'enclave est sous une menace imminente.
Les analystes militaires arméniens sont convaincus d'un avantage tactique, vu que leurs forces contrôlent la plupart des hauteurs entourant le Haut-Karabakh. Le Nord est naturellement bien protégé par des montagnes Murov, hautes de 3000 mètres, tandis que les plaines côté Est sont minées et fortifiée par plusieurs lignes de tranchées. Toute offensive au-delà de Fizuli et Djebraïl serait pour l'Azerbaïdjan, au propre comme au figuré, une bataille difficile sur un terrain montagneux rude, exigeant au moins le triple en hommes et en armes, ou disposer d'un avantage important dans des combats aériens, chose que Bakou n'a pas.
Le moral et la préparation au combat de l'armée arménienne sont également et généralement considérés comme supérieurs à ceux de l'Azerbaïdjan, qui souffre de défaites passées, d'une corruption généralisée et d'une chaîne de commandement rigide. Les analystes arméniens constatent qu'il y a un plus grand nombre de victimes azerbaïdjanaises dans la plupart des accrochages sur la ligne de contact. Les suicides et les bizutages dans les forces azerbaïdjanaises sont également régulièrement signalés. Cependant, une récente vague de bizutages mortels et autres décès non liés au combat, en particulier dans les unités du Haut-Karabakh, tempère la supériorité annoncée du moral dans les troupes arméniennes.
Si la guerre commençait, les civils azerbaïdjanais seraient les plus vulnérables, à cause des villes et des nouveaux camps de réfugiés installés à faible distance de la ligne de contact. Les principales villes et villages arméniens du Karabakh sont plus profondément enfoncés dans les territoires sous contrôle, et les troupes sont pour la plupart déployées dans des zones peu peuplées.
Comme c'est habituellement le cas avec l'ICG, l'ensemble du rapport mérite d'être lu. Il traite également de ce que la Turquie et la Russie feraient en cas de guerre (il conclut qu'il n'y aurait pas d'intervention directe de leur part), du renforcement militaire des deux côtés, des pressions politiques exercées sur les deux présidents qui rendent la guerre plus probable, et du torpillage du processus de paix - - et encore, c'était avant qu'Abiev déclare aux médiateurs que Bakou se préparait sérieusement pour la guerre.
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Joshua Kucera – Eurasianet.org