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Traduction Gérard
Merdjanian – commentaires
De retour de sa tournée auprès des dirigeants de l’UE, le chef de l’Etat
a présenté les grandes lignes de sa politique, intérieure et extérieure, en vue
de futures élections législatives.
Concernant la normalisation des relations avec la Turquie, l’Arménie
est en stand-by attendant la bonne volonté d’Ankara de vouloir entériner les
Accords signés à Zurich le 10 Octobre 2009. Sur ce point, Erevan garde l’avantage,
car à l’inverse de la Turquie, aucune pré-condition n’est demandée. Pré-condition
renouvelée hier à Bakou par le Vice-Premier ministre turc, Bekir Bozdag : "Le Haut-Karabakh est une région
musulmane, une région de l’Azerbaïdjan occupée par l’Arménie. Tant que
l’Arménie ne se retirera pas du Haut-Karabagh, les relations turco-arméniennes
ne seront pas normalisées."
Mais pour Ankara, signer un document officiel, contraignant
ou pas, et refuser de le mettre en œuvre, arguant de pré-conditions, n’est pas
nouveau. On se souvient de la signature en 2005 de l’extension de l’accord
douanier aux dix nouveaux pays de l’UE et d’écarter illico les Chypriotes.
Quant au conflit du Karabakh, les choses sont claires pour
tout le monde, les divergences sont profondes et fossé politique n’est pas prêt
de se combler. Mais il est politiquement incorrect d’étaler au grand jour les
divergences, ce qui risque de conduire au pire, aussi tout le monde essaie de
positiver et de croire en la paix. Des trois principes de base proposés par les
médiateurs internationaux, aucun n’est réellement partagé :
-
La notion d’intégrité
territoriale signifie pour Bakou tous les territoires perdus en 1994. Alors
que pour Erevan, le Haut-Karabakh proprement dit n’en fait pas partie, car
séparé de la RSS d’Azerbaïdjan conformément aux lois soviétiques en vigueur en
1988.
-
La notion d’usage
de la force ou de sa menace n’est pas acceptée par Bakou, tout comme le
retrait des snippers de la ligne de contact.
-
La notion de droit à l’autodétermination des peuples est également ignorée par Bakou,
seule une grande autonomie est acceptable pour le Haut-Karabakh. Les districts environnants
redeviennent purement et simplement azerbaidjanais, peuplés par le ‘million’ de
réfugiés. A noter que les dirigeants azéris acceptent éventuellement de faire un
référendum une quinzaine d’année plus tard sur le statut définitif de la région
auprès de la population, c’est-à-dire auprès du million d’azerbaidjanais et des
150.000 Arméniens, s’il en reste d’ici là ! (Trouvez l’erreur).
Dans ces conditions aucune solution n’est envisageable à
court ou à moyen terme. Ce qui fait dire au président arménien que l’Artsakh ne
peut plus revenir sous administration azérie. Reste que des relations peuvent et
doivent s’établir entre les sociétés civiles, sous réserve que là encore les
dirigeants azéris n’insufflent pas le racisme et la haine de l’autre.
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Lors du 13e Congrès du parti républicain d'Arménie (HHK), dont
il est le président, le chef de l’Etat arménien a déclaré :
"Le
processus de reconnaissance internationale et la condamnation du génocide
arménien continuent grâce aux efforts conjoints de l'Arménie et de la Diaspora.
Nous avons un message clair à tous les Etats et nations du monde : le déni du
génocide perpétré au début du siècle dernier est le prolongement direct de ce
crime. Ce crime commis contre la nation arménienne se poursuit encore
aujourd'hui, il se poursuit à travers la négation de l'évidence. La nation
arménienne et l'humanité tout entière doivent mettre un terme à ce crime qui
est commis chaque jour, à chaque instant, juste devant nos yeux.
Nous n'allons
pas réduire notre vigilance dans le processus de paix sur le Haut-Karabakh. L’Artsakh
a été et continuera d'être arménien. La République d'Arménie a fourni et
continuera à fournir l'aide au développement politique et économique de
l'Artsakh. La reconnaissance internationale du droit du peuple de l'Artsakh à
l'autodétermination sera le fondement de la résolution pacifique du problème du
Haut-Karabakh. Nous allons poursuivre nos travaux dans les négociations en
cours visant à la participation de la RHK en tant que partie à part entière
dans ces négociations. Les efforts de l'Arménie, de l'Artsakh et de la diaspora
seront dirigés pour l'adoption par les organisations internationales de
décisions empêchant l'option militaire pour la résolution du conflit.
Notre initiative
[concernant la Turquie] ne s’est pas déroulée de manière souhaitable pour
l'Arménie et pour la communauté internationale, la frontière arméno-turque
demeure toujours fermée. Toutefois, la deuxième voie dans laquelle nous avons
travaillé était également importante, parce que : - Premièrement, ce que
les développements récents ont clairement montré, il a solidifié le processus
de la reconnaissance internationale du génocide arménien ; - Deuxièmement,
le monde entier a pu voir que le seul obstacle à l'établissement de relations
entre l'Arménie et la Turquie reste le fait d’une autre capitale, qui agit
comme un corps étranger ; - et Troisièmement, que la Turquie est contrainte par
la signature d’un document international, lequel exclut toute condition
préalable à l'établissement des relations.
Cet exemple
prouve que l'Arménie a conduit sa politique étrangère sur des principes
remarquables et calculés. Nous allons continuer dans la même voie. Nous allons
remplir de bonne foi nos engagements et les obligations internationales de
l'alliance, en utilisant chaque opportunité pour faire avancer nos objectifs
nationaux grâce à l'engagement international.
Il est tout à
fait compréhensible que déjouer les empiétements hostiles sur nos efforts
diplomatiques ne sont pas suffisants. Dans le processus, nous avons renforcé
notre capacité de Défense. Nous avons installé deux armements étrangers,
produits localement, et du matériel militaire. Sans entrer dans les détails, je
tiens à préciser que nous avons aujourd'hui les moyens adéquats et la puissance
nécessaire pour dissuader l'adversaire potentiel. Nous continuerons de
maintenir notre potentiel de Défense en conformité avec les normes modernes de
professionnalisme, avec discipline, transparence et contrôle. L'Armée va
devenir exemplaire aussi pour notre société. Toutes les études actuelles
témoignent que nous allons atteindre prochainement ces normes.
Les élections
ne sont qu'un moyen et non une fin. Nous sommes une nation et nous sommes un
Etat. Nous avons des objectifs. Les élections, le parlement et le gouvernement
sont des outils pour atteindre ces objectifs. Nous devons continuer à
travailler pour renforcer l’Arménie et son prestige dans la région et dans le
monde. Nous devons nous efforcer d'atteindre un plus grand poids politique.
De nos jours,
une guerre de propagande à part entière est menée contre l'Arménie et les
Arméniens disséminés à travers le monde. Cette guerre devient particulièrement vicieuse
quand on réussit dans des domaines différents ou sur l'évolution du processus
de la reconnaissance internationale et la condamnation du génocide arménien.
Nous ne menons pas une campagne contre un pays ou une nation, mais nous sommes
confrontés à des vagues d'hostilité. Dans le monde contemporain, seule une Arménie
démocratique peut résister à ces vagues. Face à ces vagues nous devons faire
ressortir l'image nouvelle de l'Arménie – une image plus libérale et donc une
Arménie plus forte," a conclu el président.
* Brèves France
Lors d'une réunion le 11 Mars à Villepinte dans le cadre de
la campagne présidentielle, le président Sarkozy a exprimé son soutien au
peuple arménien.
Se référant à une citation d'André Malraux (ministre de la
Culture du général de Gaulle), il a déclaré : «La France est la France quand elle
se bat pour les autres. La France doit être aux côtés des peuples, de la
liberté, de la justice. Aujourd’hui la France doit être avec le peuple syrien.
Les assassins doivent être tenus pour responsables. La France sera
intransigeante dans la défense de la sécurité d'Israël. Elle défendra le
principe d’un Etat palestinien. Elle défendra l'égalité des sexes, la liberté
religieuse, le droit des chrétiens d'Orient à vivre dans la paix. C'est pourquoi
je défends la mémoire blessée des Arméniens."
De nombreuses personnalités, dont le producteur Alain
Terzian, président de l'Académie César, soutiennent sa candidature.
(…)
Après la rencontre du 7 Mars à l'Elysée avec le président
Nicolas Sarkozy, qui s’était engagé à présenter un nouveau projet de loi s’il
était réélu, une délégation du Conseil de Coordination des organisations
Arméniennes de France (CCAF) a rencontré le challenger François Hollande à son
QG de campagne le 12 Mars.
La délégation conduite par Alexis Govciyan, président du
CCAF-national, était composée de Michael Cazarian (CCAF-Lyon), Pascal
Chamassian (CCAF-Marseille), Mourad Papazian et Ara Toranian (CCAF-Paris).
M. Hollande a réaffirmé sa volonté de pénaliser la négation
du génocide arménien. Le candidat PS à la présidentielle a également déclaré
que s'il était élu chef de l'Etat, la reconnaissance du génocide arménien par
la Turquie serait l'un des critères d'adhésion de la Turquie dans l'Union
européenne (en plus des critères de Copenhague).
François Hollande a également exprimé son soutien à la
création d'un musée-mémorial du génocide arménien à Paris prévue en 2015 dans
le cadre des initiatives du 100e anniversaire de ce crime contre l'humanité.
* Brève
Grande-Bretagne
L’Institut International d’Etudes Stratégiques de Londres a
publié le rapport sur "L’équilibre militaire 2012", dans lequel il
analyse l'état des armées arménienne et azerbaïdjanaise.
"Les forces armées arméniennes sont principalement
concentrées sur la défense de leurs propres territoires en raison du conflit
avec l'Azerbaïdjan. La doctrine militaire arménienne subit surtout l’influencée
russe, divers programmes étrangers les aident aussi à acquérir de l'expérience.
Les forces aériennes arméniennes, concernant les questions techniques et la
défense de l'espace aérien, s’appuient sur le savoir-faire de l’aviation russe par
le biais de la base aérienne de Gumri," indique le rapport des experts
britanniques.
Quant à l'armée azerbaïdjanaise, ils notent que : "même
si les dépenses militaires continuent de croître grâce aux recettes pétrolières
et que l'armée azerbaïdjanaise a acquis de nouveaux types d’armes, comme les
systèmes "C-300", ces actions n’ont pas d'incidence sur l'efficacité
des forces armées azerbaïdjanaises."
Les experts estiment que l'Armée azerbaïdjanaise doit se
défaire du système soviétique : "Malgré le fait que l'Azerbaïdjan a
des liens étroits avec l'Armée turque, il y a encore de nombreux problèmes à
surmonter."
* Brève Lituanie
La délégation du Parlement arménien dirigée par le
vice-président de l'Assemblée nationale d'Arménie, Edouard Charmazanov, a rencontré
à Vilnius le 8 Mars Evaldas Ignatavičius, Vice-ministre lituanien des Affaires
étrangères.
Concernant le règlement du conflit du Haut Karabakh, le Vice-ministre
a de nouveau confirmé la position officielle de la Lituanie sur la base des
trois principes - le droit des peuples à
l'autodétermination, l'intégrité territoriale et de non-usage de la force. La
partie arménienne a souligné que la reconnaissance internationale de l'Artsakh
n'a pas d'alternative. "L'Europe a pris conscience que le pétrole de
l'Azerbaïdjan ne peut pas être plus précieux que les Arméniens qui ont versé leur
sang pour gagner leur indépendance", a déclaré Charmazanov.
* Brève Turquie
Le ministre turc des Affaires avec l'UE, Egemen Bagis, a
fait une déclaration sur l'adhésion de la Turquie à l'UE et des observations
sur la loi de pénalisation française.
Selon les médias turcs, le ministre a indiqué lors des entretiens
avec l'UE que tous les obstacles mis par l'UE pour entraver l'adhésion de la
Turquie seront éliminés un jour. "La France et l'Allemagne soutenaient
l'adhésion de la Turquie à l'UE quand M. Schröder et Chirac étaient au pouvoir.
La situation dans l'UE peut de nouveau changer."
Le ministre turc a participé à une émission diffusée par la
chaîne TPT en langue arabe et a répondu à quelques questions.
Lorsque l'écrivain égyptien Saad Abdel Majeed, a demandé à
Bagis de commenter la question chypriote, le ministre turc a déclaré : "Bien
que la communauté internationale ne reconnaît pas la République turque de
Chypre Nord (RTCN), il y a deux Etats dans l'île avec chacun, son gouvernement,
son parlement, et ses institutions. Au cours des dernières années, des efforts ont
été faits pour réunir ces Etats. Bien que la RTCN ait été d'accord avec le plan
de l’ancien Secrétaire général de l’ONU, Kofi Annan, les Chypriotes grecs ont refusé
ce plan lors d’un référendum. S'appuyant sur cela, les citoyens de la partie
grecque de Chypre ont été autorisés à entrer en RTCN. Les citoyens des Etats
membres de l'UE ont été interdits de commercer avec la RTCN et même d'entrer dans
cet état, l'isolement de la RTCN n’a jamais été levé par l'UE."
Selon Bagis, le président Nicolas Sarkozy a soutenu le
projet de loi pénalisant la négation des génocides pour obtenir le vote des
opposant à l'islam : "Sarkozy sait très bien qu'il n’obtiendra pas
les votes des citoyens d'origine africaine. Par conséquent, il a soutenu le
projet de loi pour recueillir les votes de l'extrême-droite."
* Le coin des experts
* Richard
Guiragossian
"Au
cours de son troisième mandat présidentiel, Vladimir Poutine compte faire
pression sur l'Arménie en vue de mettre en œuvre son projet sur l’Union
économique eurasienne," a déclaré le président du Centre d'études
régionales, Richard Guiragossian.
Selon l’expert, le deuxième changement important portera sur
le Haut-Karabakh, non pas en termes de politique, mais en termes de processus.
"Sous
Dimitri Medvedev, la Russie a été très active au sein du Groupe de Minsk, en
réunissant à plusieurs reprises les présidents Sarkissian et Aliev. Le style de
Medvedev était de passer des heures et de donner beaucoup de son temps
personnel et de son capital politique à ces réunions. Poutine ne consacrera pas
autant de temps personnel à ces réunions. Poutine ne tiendra pas la main des
présidents Sarkissian et Aliev. Il s’emploiera à vaincre les résistances de
l’Azerbaïdjan et de l'Arménie. Cependant, ce genre de pression, en particulier
sur l'Arménie, ne fonctionnera pas. Dans l'ensemble, nous ne devrions pas nous
attendre à un sérieux changement dans le processus de paix au cours des 10-15
prochaines années. La solution du processus de paix ne se trouve pas à Moscou, ni
à Paris ou à Washington. Le problème est limité à Bakou. Même si l’Eurovision
se déroulait chaque année en Azerbaïdjan, Bakou ne serait pas en mesure de
renforcer sa position. Plus l’Azerbaïdjan menace de recourir à la guerre, plus
l'Azerbaïdjan devient gênant. Poutine, comme Medvedev, continuera à prendre
l'initiative diplomatique au sein du Groupe de Minsk, et les États-Unis et la
France seront heureux de lui laisser la conduite du processus."
Richard Guiragossian a fait remarquer que le premier
changement de politique après son retour aux Affaires, a été de suggérer le
rétablissement des relations diplomatiques avec la Géorgie, ce qui est un signe
positif.
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Extrait de Radiolour
et de PanArmenian