La Turquie et l'UE

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Traduction Gérard Merdjanian - commentaires

Le chemin de l'adhésion est d'autant plus long que l'on traîne en route. Et si en plus on ajoute de la mauvaise volonté, l'adhésion devra se calculer en décennies et non plus en années. On se souvient qu'au moment de l'ouverture des négociations d'adhésion avec l'UE en Octobre 2005, le délai envisagé tournait autour de 12-14 ans pour être en conformité avec les 35 chapitres.

Après peu plus de cinq ans de négociations, 13 chapitres ont été ouverts, et seulement un seul fermé. On est effectivement loin du compte, malgré les milliards dépensés et l'optimisme affiché du négociateur en chef de la Turquie, Egemen Bagis, qui prévoit une adhésion complète pour 2014. (Cf. Article du 7 Janvier)

Il y a ce que les dirigeants turcs veulent et ce que la population désire, il y a la volonté déclarée et les réalisations effectives sur le terrain. Et quand de surcroit les propos et la stratégie du Premier ministre laissent à penser que son cœur penche de plus en plus vers l'Est et le Sud plutôt que vers le Nord et l'Ouest, on comprend la portée des déclarations du Premier ministre belge Yves Leterme.

Ajoutons à ce tableau pas très idyllique, les deux contentieux qui assombrissent et plombent l'horizon d'Ankara : Le problème chypriote et les relations avec l'Arménie.

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** Il reste encore beaucoup de conditions à remplir **


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"La Turquie doit remplir de nombreuses exigences pour devenir un membre à part entière de l'Union européenne," a déclaré le Premier ministre belge, Yves Leterme.

Cependant, il a souligné la Turquie ne deviendra membre de l'UE que si elle en a sincèrement la volonté de sauter le pas le moment venu. "Je dis ‘oui', si l'intention de la Turquie est clairement l'adhésion. Toutefois, ses intentions doivent être sincères. Par exemple, la normalisation des relations avec Chypre devrait aussi être sincère," a déclaré Leterme au quotidien Today's Zaman.

"Il est vrai qu'il n'y a pas beaucoup de chapitres susceptibles d'être ouverts en raison du problème de Chypre, et que cela devient de plus en plus difficile. Mais les efforts se poursuivent, et c'est là le point important. Certaines personnes en Turquie se demandent si l'avenir de la Turquie est dans l'UE ou non, mais c'est une question interne à la Turquie. L'Europe a accepté la candidature de la Turquie, et le processus est en cours," a-t-il souligné.

Selon le Premier ministre belge, ces approches qui imposent un style de vie à la population musulmane croissante en Europe, ne seront pas nécessaires pour atteindre l'harmonie dans la société.

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Extrait de PanArmenian.net

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** La gestion calamiteuse des subventions de préadhésion **


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"Retards excessifs", "difficultés de mise en œuvre", "évaluation et contrôle inadéquats" : le rapport de la Cour des comptes européennes sur les subventions versées à la Turquie n'a pas fait grand bruit dans les médias français. Et pourtant, la haute juridiction financière de l'Union ne mâche pas ses mots sur la calamiteuse gestion par Bruxelles des milliards de subventions versés à la Turquie depuis 2001, au titre de la préadhésion (avec l'accord, rappelons-le, des députés européens et des Etats réunis au Conseil). Ainsi en 2007, seuls 30% des objectifs du calendrier de préadhésion avaient été atteints par la Turquie. Les juges ont déploré que la Commission de Bruxelles "ne disposait pas des informations nécessaires pour démontrer l'efficacité de l'aide de préadhésion"... Des subventions peu efficaces donc, et dont le montant a tout de même quadruplé depuis deux ans, passant à 4,873 milliards d'€ pour la période 2007-2013. Pour le contribuable français - dont la part contributive (près de 20 milliards par an, l'équivalent du déficit de la sécurité sociale) représente aujourd'hui 18,2% du budget européen - la facture turque représente 887 millions d'euros sur sept ans, soit 126,7 millions par an... Rappelons que ces subventions de préadhésion sont inhérents aux négociations ouvertes depuis huit ans, avec déjà douze chapitres (sur trente-cinq) de négociation ouverts à l'unanimité des Etats-membres. Selon un sondage présenté le 25 janvier 2010 à Istanbul, 64,4% des Français restent opposés à l'adhésion de la Turquie à l'Union européenne. (Etude réalisé auprès de 5.000 personnes dans 5 pays de l'Union en août-septembre 2009, voir www.telegramme.com)

Pour chaque pays candidat, l'UE met en place un partenariat pour l'adhésion. Celui relatif à la Turquie a été adopté en 2001 et actualisé en 2003, 2006 et 2008. Entre 2002 et 2006 l'aide a été de 1,249 milliard d'euros. L'aide en faveur de la Turquie a été doté de 4,9 milliards d'euros pour la période 2007-2013 soit quatre fois plus que la période précédente. Il comprend cinq volets, dont le plus important est le volet I : aide à la transition et renforcement des institutions, doté de 1,665 milliard d'euros. Cette aide financière est conditionnée par les critères de Copenhague [1] qui sont des objectifs à atteindre pour entrer dans l'Union européenne.

"Depuis six ans qu'une aide de préadhésion est accordée par l'UE à la Turquie, aucun système n'a été mis en place pour évaluer à posteriori les différents projets ou l'efficacité du programme dans son ensemble sur le plan de la réalisation des priorités contenues dans le partenariat pour l'adhésion et des progrès réalisés par la Turquie sur la voie de l'adhésion à l'UE".

Comment politiquement défendre l'augmentation de l'aide de préadhésion alors que la Cour des comptes, autorité indépendante de l'Union, aboutit à de telles conclusions ? Tout le fonctionnement des financements et l'aide elle-même sont donc à revoir mais la Commission, en tout premier lieu, et les Etats membres ne semblent pas s'en émouvoir.

* Conclusions et recommandations de la Cour des comptes

La Cour relève des déficiences dans la gestion de l'aide de préadhésion par la Commission européenne. Si la Commission a pris des mesures, elles ne sont pas suffisantes et doivent être améliorées.

"Il n'existait aucun mécanisme permettant d'assurer que les projets proposés et sélectionnés par la Commission étaient bien ceux qui représentaient la meilleure utilisation des fonds. Pas plus qu'il n'existait aucune base solide pour évaluer la performance". Les projets étaient vraisemblablement choisis assez rapidement afin que la Turquie ne perde pas le bénéfice des fonds européens.

Enfin, sans données de référence, la sélection des projets ne pouvait qu'être caduque et inadaptés aux demandes réelles des autorités sur le terrain.







Enveloppes d'aide de préadhésion, en millions d'euros 2002 à 2006 2007 2008 2009 2010 2011 2012 2013 Total
- 1249 497,2 538,7 566,4 653,7 781,9 899,5 935,6 5186,4
Augmentation annuelle - - 8,2 % 5.1 % 15,4 % 19,6 % 15 % 4 % -

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Extraits de l'Observatoire de l'Europe




[1] Les critères politiques de Copenhague requièrent une stabilité des institutions garantissant la démocratie, l'État de droit, les droits de l'homme, le respect des minorités et leur protection. Les critères économiques concernent l'existence d'une économie de marché viable et la capacité à faire face aux forces du marché et à la pression concurrentielle à l'intérieur de l'Union européenne.