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Traduction Gérard Merdjanian - commentaires
C'est demain que la décision sera prise validant ou pas la nomination du diplomate. Certes M. Brysa connaît bien la région et notamment le conflit du Karabakh, comme ex-coprésident des Etats-Unis dans le groupe de Minsk de l'OSCE, mais sa neutralité n'a pas été très exemplaire, faisant passer les intérêts des Etats-Unis avant tout, avec un léger penchant favorable pour l'Azerbaïdjan. Si l'on ajoute à cela son amitié pour la Turquie, sa femme étant d'origine turque, on comprend aisément les réserves exprimées par les Arméniens.
Connaissant les points forts et les points faibles de l'Arménie, M. Bryza pourra ‘utilement conseiller' les dirigeants azerbaidjanais dans les négociations de paix, en ne perdant jamais de vue les richesses de la Mer Caspienne. Autre avantage de sa connaissance régionale, préparer le terrain si les choses venaient à s'aggraver avec l'Iran.
Ce n'est pas pour autant que les autres coprésidents aient gardé une parfaite neutralité, surtout si l'on connaît l'influence encore très importante de la Russie dans la région, sans oublier les visées de l'UE avec ses programmes - Politique Européenne de Voisinage et Partenariat Oriental. Mais au moins ces diplomates n'ont pas été nommés ambassadeur dans l'un ou l'autre des deux pays en conflit.
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** Communiqué de l'ANCA **
Le sénateur John Kerry (D-MA), président de la Commission des relations extérieures, a annoncé que son groupe d'experts donnera son avis, mardi prochain 3 août, concernant la candidature controversée de Matthew Bryza, proposée par le président Obama, comme ambassadeur des Etats-Unis en Azerbaïdjan, en dépit des réponses évasives et incomplètes du candidat à une série de questions écrites qui lui ont été soumises par le président du groupe majoritaire du Sénat, Harry Reid (D-NV) et des principaux membres de ce groupe influent," a indiqué le Comité National Arménien d'Amérique (ANCA).
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"Les réponses de M. Bryza, évasives, vagues et incomplètes aux questions écrites posées à la Commission sénatoriale des relations extérieures, plus encore que son témoignage parlé avant le panel, confirment nos réserves quant à ses antécédents troublants, et confirment clairement qu'il n'est pas la bonne personne pour servir en tant qu'ambassadeur américain en Azerbaïdjan. La diplomatie américaine dans la région serait mieux servie avec un nouveau départ, avec un nouvel ambassadeur qui n'a pas de liens étroits avec le gouvernement corrompu de l'Azerbaïdjan ; cette nomination équivaudrait à fermer les yeux sur l'agression de Bakou, ou sur de graves conflits d'intérêts," a déclaré le directeur exécutif de l'ANCA, Aram Hamparian.
"Nous tenons à remercier le président de la majorité au Sénat, Harry Reid, et nous présentons nos sincères remerciements aux sénateurs Boxer et Menendez et à toutes les personnes qui ont travaillé dur pour nous assurer que nous envoyons un ambassadeur à Bakou, susceptible de représenter efficacement les intérêts des États-Unis, convaincu de faire progresser les valeurs américaines, et surtout, - pour la cause de la paix – éviter que le régime de plus en plus belliqueux d'Aliev mette ses menaces de reprise de la guerre à exécution."
L'audience du 22 Juillet de Bryza devant la Commission des relations extérieures a soulevé plus de questions qu'elle n'en a apporté à la série de questions posées par écrit, par les sénateurs Barbara Boxer (D-CA), Robert Menendez (D-NJ), Russ Feingold (D-WI) et le président John Kerry et, surtout, a donné lieu à une lettre détaillée sur l'enquête du Département d'Etat, directement à partir du leader de la majorité sénatoriale, Harry Reid.
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** Analyse de Karine Ter-Sahakian **
Il devient inintéressant de savoir si Matthew Bryza sera ou ne sera pas retenu comme ambassadeur en l'Azerbaïdjan. Malheureusement, Barack Obama suit le chemin de son prédécesseur et propose des candidatures de diplomates "épuisés", pensant sans doute que Bryza sera le représentant ‘qui convient' des États-Unis en Azerbaïdjan, compte-tenu des intérêts pétroliers.
En règle générale, il faut noter que tant que Washington mettra le pétrole comme la priorité haute, il ne pourra jamais faire de la diplomatie au sens strict du mot. Ce qui est intéressant, c'est que cette politique dure depuis une quarantaine d'années, et ce, sans progrès visibles. Depuis le choc pétrolier des années 70, les États-Unis ont mis la "question" du pétrole en priorité une, et cela continue jusqu'à ce jour avec des succès divers. En gros, l'attaque contre l'Irak n'était pas motivée par le désir d'instaurer la démocratie et protéger la région des armes de destruction massive que Saddam Hussein ne possédait pas d'ailleurs. Elle était basée uniquement sur le désir de contrôler les richesses pétrolières de l'Irak. Et les opérations de ‘libération' du Koweït n'ont contribué en aucune façon à l'établissement de la démocratie, parce que dans le Moyen-Orient, la notion de ‘démocratie à l'américaine', signifie l'effondrement total du pays, la destruction de toutes les structures, sauf celles liées à la production de pétrole, et peu importe si c'est regrettable. La même chose peut être dite au sujet du désir irrépressible des États-Unis de soumettre l'Iran. Pour ce qui concerne l'Azerbaïdjan, tout va bien : Ilham Aliev est seulement intéressé par les pétrodollars, et pour encaisser les milliards de dollars, il est prêt à tout. Même si Bryza partage le sort de Richard Hoagland, Obama lui trouvera un remplacement, et rien ne changera dans la politique étrangère de l'administration de la Maison Blanche.
Pendant ce temps, l'Azerbaïdjan en profite et construit avec soin une puissance militaire. L'année dernière, la société russe "Rosoboronexport" a signé un contrat avec le ministère azerbaïdjanais de la Défense sur la fourniture de deux batteries de systèmes de défense aérienne, Favorit S-300 PMU-2. Le contrat d'un montant de 300 millions $, devrait être honoré d'ici un ou deux ans. L'Azerbaïdjan achète aussi des équipements militaires en provenance d'Ukraine, de Bélarusse, d'Israël et d'Afrique du Sud, portant sur : des avions MiG-29, des véhicules blindés, des missiles antichars Spike, des drones, des hélicoptères d'attaque Mi-24, ainsi que divers armes lourdes et légères.
Rappelons également qu'en dehors de l'espace postsoviétique, la Russie a également fourni des systèmes de défense aérien S-300 à l'Algérie et à la Chine. Moscou a aussi signé un contrat sur la fourniture de systèmes S-300 à l'Iran, mais le contrat est ‘gelé' depuis avril 2009. En Juin 2010, le Conseil de Sécurité des Nations-Unies ayant imposé des sanctions contre l'Iran, la Russie a considéré cela comme une interdiction de livrer les S-300 à ce pays.
Dans ce contexte, la nomination de Matthew Bryza génère des craintes. Cela fait partie de l'aide américaine fournie à Bakou. Le gel de la Section 907 du ‘Freedom Support Act', qui interdit les aides directes, Washington cherche néanmoins des "solutions" pour livrer des équipements techniques et des technologies à l'Azerbaïdjan en cas de guerre. L'expression courante que personne ne bénéficiera d'une nouvelle guerre dans la région, est au-dessous de toute critique. Seuls les États-Unis et la Russie auraient besoin de cette guerre, ce qui leur donnerait la possibilité de livrer des équipements militaires dans la région, déjà suréquipée avec les armes les plus modernes et qui seront tôt ou tard utilisées. En l'occurrence, il n'est pas difficile d'imaginer ce qui restera de l'ensemble Sud-Caucase.
Nous avions déjà écrit que les grandes puissances ont besoin que du territoire et non de ses occupants et c'est exactement ce qu'ils essaient de réaliser, non sans l'aide de ‘diplomates' comme Bryza. Et que personne ne soit surpris ou même satisfait si le Président de la Commission des relations extérieures du Sénat, John Kerry, a refusé de rencontrer le candidat Bryza. Il y a un temps pour chaque chose. Simplement, avant les élections, les démocrates ne veulent pas risquer de perdre les voix de la communauté arménienne et, par conséquent, restent prudents dans leurs choix.