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Commentaires - Gérard Merdjanian
Petit Rappel :
Depuis le 3 octobre 2005, date d'ouverture des négociations, sur les 35 chapitres que comporte le processus de négociations avec l'UE, treize ont été ouverts :
un en 2006 : chapitre 25 « science et recherche » ;
cinq en 2007 : chapitre 18 « statistiques », chapitre 20 « politique d'entreprise et politique industrielle » et chapitre 32 « contrôle financier », chapitre 21 « réseaux transeuropéens » et chapitre 28 « protection des consommateurs et de la santé » ;
quatre en 2008 : chapitre 6 « droit des sociétés » et chapitre 7 « droit de la propriété intellectuelle », chapitre 10 « information et médias » et chapitre 28 « libre circulation des capitaux » ;
deux en 2009 : chapitre 16 « taxation », chapitre 27 « environnement » ;
un en 2010 : chapitre 12 « sécurité alimentaire, vétérinaire et phytosanitaire ».
Jusqu'à présent un seul chapitre a été refermé (le premier chapitre ouvert, « science et recherche »). 8 chapitres ont été gelés, en décembre 2006, à titre de sanction par l'UE, à la suite du refus de la Turquie d'ouvrir ses ports et aéroports à Chypre comme elle devrait le faire en vertu de l'accord d'union douanière qu'elle a signé en 1995. Depuis juillet 2007, suite à l'élection de Nicolas Sarkozy, à la présidence de la République en France, 5 chapitres (dont 1 inclus dans les 8 précédemment gelés) sont bloqués, parce qu'ils impliquent inéluctablement l'adhésion pleine entière de la Turquie à laquelle Paris est opposé. 6 chapitres sont enfin sous la menace d'un blocage chypriote, depuis décembre 2009. Fin Juin, un treizième chapitre sur les 35 a été ouvert.
Par comparaison, la Croatie qui s'est engagée dans les négociations quelques mois avant la Turquie, a déjà ouvert 22 chapitres et pense achever le processus l'an prochain, pour une adhésion définitive en 2012.
Lorsqu'on voit le vote des populations de ces mêmes pays l'UE dans les élections législatives et qui montrent une forte progression de l'extrême-droite, on n'en déduire qu'il y a un fort rejet des immigrés et notamment de la Turquie, musulmane à 99%, qui aura fort à faire pour rentrer dans l'UE.
Comme le rappellent souvent les dirigeants turcs, l'UE ne semble pas pressée de voir entrer la Turquie dans l'UE. Mais Ankara de son côté traine également les pieds pour adhérer aux valeurs européennes. Même si tous les ans de petits progrès sont réalisés, cela reste nettement insuffisant aux yeux de Bruxelles, au grand dam de la Grande-Bretagne et de quelques pays nordiques. Si des lois sont modifiées, voire même la constitution, leur application sur le terrain laisse à désirer. Reste le ‘fond de commerce' du rejet : La Turquie ne respecte peu ou pas ses engagements, pire sa signature ! Chypre ou l'Arménie en sont les tristes exemples.
Quant au génocide arménien, c'est une tache indélébile que la Turquie essaie vainement d'effacer.
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Élargissement de l'UE : la Turquie doit en faire davantage pour protéger les libertés fondamentales
"Le résultat du référendum sur la réforme constitutionnelle en Turquie est une étape dans la voie de l'adhésion à l'UE mais le pays doit en faire plus pour les libertés de la presse et religieuse et pour le problème de la partie nord de Chypre," a indiqué le commissaire Stefan Füle lors d'une rencontre de députés européens et turcs. Ces préoccupations ont fait écho à celles d'une audition "droits de l'homme", concernant la liberté de la presse, les objecteurs de conscience et la minorité kurde.
Tous les groupes de la société turque appuient l'adhésion à l'UE a indiqué Egemen Bağis, ministre turc des affaires européennes et négociateur principal de ce pays, lors de la 65ème réunion de la commission parlementaire mixte UE-Turquie qui s'est tenue mardi 26 Octobre à Bruxelles.
Nouveaux chapitres
"Le récent référendum sur la réforme constitutionnelle a marqué un ‘tournant' dans les relations UE Turquie," a indiqué M. Bağis, ajoutant qu' "il était difficile d'expliquer à l'opinion turque pourquoi l'UE ‘freine toujours le processus d'adhésion, en dépit des efforts consentis par la Turquie pour répondre aux demandes de l'UE et donner suite à ses recommandations." Il espère que la Turquie pourra ouvrir le chapitre concurrence des négociations relatives à l'adhésion avant la fin de l'année 2010 et précise que le fait que le chapitre énergie n'a pas encore été ouvert montre que l'UE ne sert pas ses propres intérêts.
Stefan Füle, commissaire chargé de l'élargissement et de la politique de voisinage, s'est félicité du résultat du référendum, non sans souligner qu'il appartenait désormais à la Turquie de mettre en œuvre les dispositions comme il convient.
Droits fondamentaux
M. Füle a indiqué que le rapport d'étape 2010 de l'UE sur la Turquie ferait état de progrès tels que la levée des restrictions sur la radiodiffusion dans d'autres langues que le turc, la réforme du système judiciaire et l'amélioration des droits fondamentaux mais qu'il exprimerait aussi les préoccupations touchant aux difficultés éprouvées par la Turquie pour garantir la liberté d'expression, la liberté de presse et la liberté de religion.
Partie nord de Chypre
"Ankara devrait appliquer le protocole additionnel à l'accord d'association UE Turquie à l'ensemble des États membres de l'UE, y compris Chypre," a souligné M. Füle, ajoutant que "la résolution du problème de Chypre constituait un ‘test de crédibilité' pour les deux parties."
Andrew Duff (ADLE, UK) a indiqué que le processus d'adhésion était dans l'impasse. Il a déploré le fait qu'aucun nouveau chapitre n'ait été ouvert dans les pourparlers d'adhésion et précisé que l'UE avait ‘cessé d'être un partenaire fiable' à cet égard. "La Turquie ne devrait pas ‘sacrifier' l'adhésion pour le bien de la partie nord de Chypre," a-t-il indiqué.
"La Turquie ne sacrifiera jamais la partie nord de Chypre à l'Union européenne et elle n'abandonnera pas davantage l'Union européenne pour la partie nord de Chypre," a répondu M.Bağis.
Visas
Lüfti Elvan, coprésident de la commission parlementaire mixte, a redit que si les hommes d'affaires du Brésil et de Corée du Sud ont facilement accès à l'UE, ceux de Turquie doivent encore faire la file pour obtenir un visa.
Le commissaire Füle a répondu que "l'accord de réadmission, qu'un contrôle efficace aux frontières et une coopération en matière de visa étaient nécessaires pour promouvoir les contacts entre personnes."
Opinion publique
"La position de l'Europe à l'égard de la Turquie n'est pas seulement une affaire de leadership politique mais aussi une question d'opinion publique," a fait remarquer Georgios Koumoutsakos (PPE, EL).
M. Bağis a rejeté les propos de Barry Madlener (NI, NL), qui l'avait accusé d'être raciste, indiquant qu'il avait seulement dit que "le racisme a frappé l'Europe". Sophia in't Veld (ADLE, NL) a déclaré qu' "elle était très favorable à l'adhésion de la Turquie mais qu'elle était aussi partisane de la liberté de parole, de la liberté de religion, de la civilisation et de l'autodiscipline."
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Droits de l'homme en Turquie : encore un long chemin à parcourir pour satisfaire aux critères d'adhésion
Lundi dernier (26 Octobre), les députés européens se sont félicités des réformes constitutionnelles accomplies récemment en Turquie - qualifiées de progrès - tout en soulignant qu'il reste beaucoup à faire pour assurer le respect plein et entier des droits de l'homme. Les problèmes les plus importants examinés lors de l'audition publique du Parlement sont l'absence de liberté de la presse, l'incarcération des objecteurs de conscience et la situation de la minorité kurde.
Les membres de la sous-commission droits de l'homme ont procédé à un échange de vues avec des représentants d'ONG et l'Ambassadeur permanent de Turquie auprès de l'UE dans la perspective de la publication, le 9 novembre, du rapport d'étape de la Commission sur les négociations relatives à l'adhésion de la Turquie. Le représentant de la Commission à l'audition a indiqué "la situation a évolué favorablement au cours des douze derniers mois mais il subsiste des lacunes fondamentales en matière de respect des droits de l'homme ainsi que de critères politiques d'adhésion".
Changements constitutionnels
Hélène Flautre (Verts/ALE, FR), présidente de la délégation PE-Turquie, s'est félicitée du fait que la nouvelle réforme constitutionnelle de Turquie soit largement approuvée par la société. Elle a toutefois souligné qu'une modification du cadre juridique existant ne pouvait être une solution définitive. "J'appuierais volontiers un nouveau processus constitutionnel qui aboutirait à un texte différent de la version actuelle, qui résulte, en dernière analyse, d'un coup d'État", a-t-elle indiqué.
Elle a été appuyée par Ria Oomen-Ruijten (PPE, NL), rapporteur pour la Turquie, qui a également souligné la menace qui pèse constamment sur la liberté de la presse. "Le droit pénal est toujours utilisé pour poursuivre les journalistes et plus de 6000 sites web ont été fermés. Cela n'est pas conforme à la société moderne à laquelle la Turquie aspire", a-t-elle souligné.
Pratique de la torture par les forces de police
"Amnesty International reçoit sans cesse des informations crédibles faisant état de tortures et de mauvais traitements infligés aux détenus dans les prisons et les centres de détention de la police, voire lors de manifestations pacifiques", a indiqué Andrew Gardner, représentant d'Amnesty. Hélène Flautre a ajouté que le grand problème était l'impunité : plus de 400 agents du gouvernement qui ont été accusés de mauvais traitement mais aucun des dossiers n'a abouti à une condamnation.
Objection de conscience au service militaire
"Les forces armées continuent de jouer un rôle important, qui est incompatible avec un État moderne" a fait observer Ana Gomes (S&D, PT), évoquant le fait que l'objection au service militaire est interdite en Turquie, où les objecteurs de conscience sont toujours passibles de sanctions pénales. "La Convention européenne relative aux droits fondamentaux ne prévoit pas ce droit" a répondu l'ambassadeur Selim Kuneralp, représentant permanent de la Turquie auprès de l'UE.
Abordant les préoccupations des députés au Parlement européen concernant les droits de la minorité kurde, M. Kuneralp a indiqué que, grâce à une nouvelle loi sur l'utilisation des langues de radiodiffusion, qui a aboli les restrictions en vigueur, cinq chaînes de TV locales et dix de radio ont obtenu une licence pour diffuser en kurde.