L'OTAN, l'Azerbaïdjan et le conflit du Karabakh

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Traduction Gérard Merdjanian – commentaires

Bien que l'OTAN ne compte pas remplacer ou conseiller le groupe de Minsk de l'OSCE dans le conflit du Karabakh, le communiqué final du Sommet de Lisbonne stipule au §35 :

« « Notre vision étant celle d'une zone euro-atlantique en paix, la persistance de conflits régionaux de longue durée dans le Sud-Caucase et en République de Moldova reste une source de préoccupation majeure pour l'Alliance. Nous exhortons toutes les parties à œuvrer de manière constructive, et avec une volonté politique renforcée, au règlement pacifique des conflits, et à respecter les cadres de négociation actuels. Nous les appelons toutes à éviter de prendre des mesures portant atteinte à la sécurité et à la stabilité régionales. Nous restons déterminés à soutenir l'intégrité territoriale, l'indépendance et la souveraineté de l'Arménie, de l'Azerbaïdjan, de la Géorgie et de la République de Moldova, et nous continuerons par ailleurs d'appuyer les efforts visant à parvenir à un règlement pacifique de ces conflits régionaux, compte tenu de ces principes. » »

Ce qui explique pourquoi le président arménien Serge Sarkissian ne s'est pas rendu au Sommet de l'OTAN ce week-end à Lisbonne. (Cf l'article d'hier)

Que l'OTAN veuille ‘la sécurité et à la stabilité régionales' se comprend volontiers, mais on peut se demander pourquoi elle insiste plus particulièrement sur ‘l'intégrité territoriale, l'indépendance et la souveraineté' des pays du Sud-Caucase ? Alors que pertinemment c'est à cause de ces principes rigides que les pouvoirs centraux de Tbilissi et de Bakou ont du faire face à leurs régions qu'ils négligeaient, voire même écrasaient, depuis des décennies mais surtout depuis la fin de l'URSS, pour des motifs essentiellement nationalistes. Les décisions de l'OTAN sont tout, sauf altruistes.

Vu sous cet angle, l'Alliance, comme les autres Organisations internationales, cherche avant tout à corriger les effets et non à essayer d'intervenir sur les causes.

Quant à la saga de la famille Aliev, elle n'est pas prête de se terminer avec un potentat qui tient les rênes du pouvoir, appuyé en cela par la communauté internationale ; il est clair que sa position et donc la situation évolueront très peu. Ce que l'on peut espérer tout au plus de la part des grandes puissances, c'est qu'elles fassent comprendre au sultan de Bakou qu'il garde pour lui ses idées de grandeurs et surtout de reconquêtes militaires.

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Les exercices combinés dans le Haut-Karabakh se sont avérés être une douche froide pour Ilham Aliev


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Ilham Aliev, suivant la vieille tradition russe, a commencé sur une note joyeuse, mais a terminé sur une note triste. Jusqu'à là rien d'étonnant. Les exercices combinés dans le Haut-Karabakh se sont avérés être exactement une douche froide, dont le clan Aliev avait besoin pour réfléchir un peu plus avant de proférer des menaces de guerre. Il faut de temps à autre appeler un chat un chat, et rappeler à Aliev Jr. les déboires de son père.

Les élections ont eu également leur effet sur la réduction de la rhétorique militariste de l'Azerbaïdjan, puisque les autorités de Bakou n'ont pas ressenti le besoin de réclamer à grand renfort de mots la ‘libération des terres'. Comme dans nombre de pays postsoviétiques, les élections ont été truquées. Cette fois-ci il n'y a pas eu d'affrontements ou de combats, le parti Azerbaïdjan-Uni est aux commandes comme avant. Donc, le Karabakh a été oublié pendant un certain temps, car il y avait des questions plus importantes à l'ordre du jour : - la division territoriale de la mer Caspienne et les prochains Sommets de l'OTAN et l'OSCE.

La question de la mer Caspienne a été réglée rapidement suite à la rencontre Medvedev-Aliev. Un Accord de coopération sur la sécurité a été signé avec une déclaration conjointe des Présidents à Bakou. Officiellement rien de plus, bien que dans les coulisses, de nombreux problèmes ont été abordés. Mais, apparemment, les parties ont été réticentes à rendre publiques toutes les questions litigieuses, qui vont des quotas de pêche à l'exploitation du pétrole. Le poisson et le pétrole sont les principales exportations de quatre des cinq pays entourant la mer Caspienne, et les controverses sont inévitables, surtout lorsqu'on connait la position de Bakou, qui est fermement convaincu qu'il est le seul à devoir bénéficier de ‘droits spéciaux' sur les richesses de la Caspienne. La position d'Ilham Aliev est compréhensible : cela réduirait la part de l'Azerbaïdjan et donc celle qui va dans les poches du clan Aliev, ce qui nuirait à l'avenir de son fils, le futur président de l'Azerbaïdjan. Il est vrai que l'élection du jeune Heydar au poste de chef de l'Etat n'est pour tout de suite, laquelle élection n'est d'ailleurs pas si évidente. On se souvient qu'Heydar Aliev n'a pas signé l'Accord sur le Karabakh à Key West, sous prétexte que cela mettrait en danger l'avenir de son fils. Et si nous devons croire les fuites diplomatiques de l'époque, l'Accord portait sur le statut d'indépendance du Haut-Karabakh. La même chose peut arriver à Ilham.

En ce qui concerne le Sommet de l'OTAN, il est peu probable qu'une résolution soit votée sur le conflit du Karabakh pour la simple raison que cette question ne relève pas de la compétence de l'Alliance, et toutes les tentatives de Bakou pour faire déplacer le processus de négociation de l'OSCE dans toute autre structure internationale, sont vouées à l'échec. Il n'est pas nécessaire d'obtenir un diplôme de l'Institut d'Etat de Moscou des Relations Internationales pour comprendre cela. Mais Aliev se comporte comme son père lui a enseigné : si vous continuez à répéter quelque chose pendant longtemps, il finira par arriver [ndlt : dite méthode Coué]. Hélas, ce n'est pas le cas ...

Quant au Sommet de l'OSCE à Astana, une autre déclaration sera faite là-bas, peut-être un peu plus difficile. Quoi qu'il en soit, tous les Appels et les demandes de l'OSCE resteront sur le papier, et aucun mécanisme ne fonctionnera jusqu'à ce que l'Azerbaïdjan retire ses tireurs d'élite de la ligne de contact [ndlt : et qu'elle accepte les deux autres principes de base du Groupe de Minsk de l'OSCE]. Très probablement, ce sera l'un des sujets abordés à Astana.

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Garinée Ter-Sahakian – Département Analyse