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Traduction Gérard Merdjanian – commentaires
Il est toujours délicat de parler des élections dans les pays de l'ex-URSS, à commencer par la Russie elle-même. Ce qui est sûr, c'est que la notion de Liberté est très différente de celle de l'UE, que ce soit celle des individus, de se réunir, de manifester, de critiquer, de la presse, bref de s'opposer aux dirigeants.
Si l'on se place d'un point de vue strictement européen, on peut quasiment mettre tout le monde dans le même sac. Si sur la forme les élections en Azerbaïdjan ont un gros air de famille avec celles en Arménie, sur le fond elles diffèrent totalement. Même si en Arménie, l'opposition est sous-représentée, ce ne rien en comparaison de l'Azerbaïdjan.
Bakou se caractérise essentiellement par le règne d'une famille, les Aliev, laquelle détient tous les leviers du pouvoir, grâce essentiellement aux richesses du pays en hydrocarbures, distribuées généreusement, mais à bon escient par Ilham Aliev. Ce qui explique également l'attitude conciliante des Occidentaux envers les dirigeants azéris, en détournant pudiquement les yeux sur les manquements à leurs paroles, voire leur mauvaise foi. Les yeux bleus font des ravages, surtout s'ils sont bleus-pétroles !
Ravages qui englobent les pays voisins et notamment la Turquie, qui non contente d'exercer un blocus contre l'Arménie, se permet maintenant de proférer des menaces voilées, histoire de soutenir et d'enfoncer le clou azéri. Ainsi, lors de sa visite au Royaume-Uni, le président turc Abdullah Gül a parlé de la réconciliation arméno-turque et du Haut-Karabakh disant : "Les conflits gelés du Caucase peuvent exploser un jour si elles sont négligées."
Il a également assuré que son pays "poursuit ses efforts pour la normalisation des relations avec Erevan." Plus hypocrite, pardon diplomate, tu meurs.
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** Le déroulement des élections **
Le parti au pouvoir Yeni Azerbaïdjan a remporté plus de 70 des 125 mandats du Parlement. L'essentiel des sièges restants vont à des candidats présentés comme indépendants mais qui en fait soutiennent le chef de l'Etat.
La principale coalition d'opposition, composée des partis Front populaire d'Azerbaïdjan et Musavat, ne devrait pas être représentée à l'Assemblée. "Les évènements d'hier n'ont rien à voir avec des élections. Ces élections ont pris la forme la plus honteuse possible", a indiqué lors d'une conférence de presse le chef du Musavat, Isa Gambar.
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** Observations de la CEI **
Les observateurs de la Communauté des Etats indépendants (CEI) ont déclaré le scrutin ‘libre et équitable'.
Concernant plus particulièrement le conflit du Karabakh : "La CEI et la Russie sont intéressées à résoudre le conflit du Haut-Karabakh et nous avancerons étape par étape vers un rapprochement entre les deux pays," a dit le Secrétaire exécutif de la CEI, Sergueï Lebedev, aux journalistes à Bakou.
"L'Arménie et l'Azerbaïdjan sont des pays frères pour la Russie, et tout est mis en œuvre pour le rapprochement de ces deux pays, parce que ni l'Arménie ni l'Azerbaïdjan ne se déplaceront dans un autre endroit. C'est Dieu qui leur a donné la terre et ils sont condamnés à vivre ensemble. Par conséquent, la Russie fera tout son possible pour leur rapprochement en tant que coprésident du Groupe de Minsk de l'OSCE, en tant que partenaire dans la CEI, et en tant que pays voisin," a déclaré Lebedev.
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** Observations de l'OSCE **
Les observateurs occidentaux ont indiqué que les élections, même si elles se sont déroulées "pacifiquement" et avec la participation de l'opposition, ont été marquées par "des violations graves." De leur côté, les moniteurs de l'Organisation pour la Sécurité et la Coopération en Europe (OSCE) ont déclaré que : "malgré tous les efforts déployés, le pays doit faire beaucoup plus pour progresser dans l'élaboration d'une véritable démocratie pluraliste."
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** Observations de l'UE **
Dans un communiqué publié à Bruxelles, le Haut-Représentant de l'UE aux Affaires étrangères, Catherine Ashton, a déclaré : "Je prends bonne note des conclusions préliminaires de la mission internationale d'observation des élections en indiquant que les élections législatives dans la République d'Azerbaïdjan ont été caractérisées par une atmosphère pacifique et que tous les partis d'opposition ont participé au processus politique, mais que la conduite de ces élections globale n'a pas été suffisante pour constituer des progrès significatifs dans le développement démocratique du pays. J'appelle les autorités azerbaïdjanaises à combler ces lacunes ainsi que les problèmes recensés par l'OSCE/BIDDH dans le cadre du processus électoral."
Le Haut-Représentant a également encouragé les autorités azerbaïdjanaises "à redoubler d'efforts pour respecter leurs engagements internationaux concernant les principes démocratiques et les droits de l'homme, et particulièrement en vue d'assurer et de renforcer le pluralisme démocratique, la liberté des médias et la liberté de réunion."
Et d'ajouter que : "l'Azerbaïdjan est un partenaire clé pour l'UE, qui est prête à poursuivre son soutien à la mise en œuvre de nouvelles réformes politiques, y compris dans le cadre du centre d'information du Partenariat oriental."
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** Observations de l'ACNIS **
Le Centre Arménien d'Etudes Nationales et Internationales (ACNIS) a organisé aujourd'hui une table ronde intitulée : "Les élections parlementaire azerbaïdjanaise : Implications pour l'Arménie et le Karabakh". Participaient à la discussion plusieurs membres du Parlement arménien, des analystes, des politologues, des représentants de la diplomatie, des organisations internationales ainsi que les médias.
En accueillant les participants, le directeur de l'ACNIS, Richard Guiragossian, a commenté les résultats de l'élection en Azerbaïdjan, en mettant l'accent sur le renforcement militaire de l'Azerbaïdjan et l'émergence de Bakou comme la principale menace à la sécurité et la stabilité régionales. Il a expliqué que "en tant que négociateur, et en tant que voisin de l'Arménie, la récente élection azerbaïdjanaise est importante car elle détermine et définit le genre de relations auxquelles vont être confrontés l''Azerbaïdjan, l'Arménie et le Karabakh. De toute évidence les résultats des élections montrent que le voisin de l'Arménie n'est ni démocratique, ni fiable."
Guiragossian a également noté que "après une énième élection non-libres et injuste, il est maintenant question de savoir si le peuple azerbaïdjanais soutiendra effectivement les menaces de guerre du gouvernement illégitime."
Manvel Sarkissian, l'analyste principal de l'ACNIS, a ensuite analysé l'impact de l'élection parlementaire azerbaïdjanaise sur la République du Haut-Karabakh (RHK). "L'Azerbaïdjan continue d'être un ‘pays problématique' pour la communauté internationale et que la façon de résoudre les problèmes actuels doit passer par la reconnaissance du Karabakh."
"Observant l'apathie dans la société azerbaïdjanaise, même pendant les élections, le président azerbaïdjanais Ilham Aliev discourt abondamment sur une reprise de la guerre au Karabakh. Cela démontre qu'il a très peu de levier pour influencer les gens, et que pour les garder idéologiquement alerte, Aliev doit constamment porter bien haut le "drapeau" d'une seconde guerre au Karabakh," a souligné Sarkissian.
L'analyste a continué en indiquant "avoir relevé une évaluation positive des observateurs de la CEI", et que les évaluations des observateurs européens ont été très douces. "C'est, une situation internationale incertaine qui a encore été établie à l'égard de l'Azerbaïdjan."
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** Observations de la RHK **
Selon le chef du Département Information de la présidence de la République du Haut-Karabakh (RHK), David Babayan, les élections législatives non démocratiques sont devenues un enjeu à la fois pour Bakou et pour la communauté internationale. "En conséquence, l'Azerbaïdjan a recours à ses vieux trucs, en essayant de présenter l'image de l'Artsakh comme un ennemi extérieur pour tenter de le noircir," a-t-il souligné.
De plus, les négociations sur un règlement du conflit du Karabakh seront incomplètes tant que l'Artsakh ne participera pas aux discussions. "La perception adéquate de la réalité, un trait que ne possède pas l'Azerbaïdjan, est l'aspect le plus important dans un règlement de conflits. Pour régler un conflit, on doit surtout se pencher sur la cause initiale plutôt que sur les conséquences," a souligné Babayan.
Il a également réfuté totalement les propos prêtés à Lebedev qui aurait déclaré : "Nous discutons de la libération des territoires occupés, de la création d'un corridor entre l'Azerbaïdjan et le Nakhitchevan, et d'un autre entre le Karabakh et l'Arménie."
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Extraits de la Radio Publique d'Arménie et de PanArmenian.net