Haut-Karabakh : Le pourquoi des refus successifs de Bakou

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Traduction Gérard Merdjanian – commentaires

Le refus s'exprime simplement par le fait qu'Ilham Aliev refuse catégoriquement de céder un pouce de terrain à qui que ce soit, et surtout pas aux Arméniens. Si l'arrivée massive de pétrodollars n'a fait que dégrader encore plus cette idée fixe, l'achat massif d'armement avec la bénédiction du grand frère turc et sous l'œil lénifiant des médiateurs du groupe de Minsk de l'OSCE, ne pourra déboucher que sur une escalade de la violence, voire pire.

Le président Aliev avec les milliards amassés, et détournés pour partie, depuis des années, rêve non seulement de prendre sa revanche sur l'Arménie mais réaliser son désir caché depuis des décennies, réunifier son pays par un accès direct au Nakhitchevan, berceau de la famille Aliev.

Et ce n'est certes pas Ankara, qui depuis l'époque des Jeunes Turcs, rêve de son côté de réaliser la continuité territoriale de la Méditerranée jusqu'aux steppes de l'Asie Centrale, berceau des Ottomans. Ce qui, il y a un siècle se déclinait en panturquisme et/ou pantouranisme, s'appelle aujourd'hui le néo-ottomanisme, doctrine chère à l'équipe Erdogan-Davutoglu

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* Analyse du politologue Hrant Melik-Chahnazarian *

La déclaration de l'intellectuel Ilgar Mammadov, représentant de l'opposition en l'Azerbaïdjan, explicite le pourquoi du refus de l'Azerbaïdjan de retirer ses tireurs d'élite de la ligne de contact.


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Ilgar Mammadov a déclaré que le retrait des tireurs d'élite de la ligne de contact n'est pas prévu, même si les pertes côté arménien sont exagérées par l'Azerbaïdjan. Le but d'une telle politique, c'est de faire des victimes pour montrer que la partie arménienne subit des pertes, que la population du Haut-Karabakh a peur, afin de provoquer une pression psychologique sur les soldats arméniens et ainsi, empêcher les investisseurs de commercer avec le Haut-Karabakh.

C'est seulement de cette manière, que l'on peut expliquer pourquoi Bakou poursuit cette politique, ce qui est évidemment contraire au processus des pourparlers, et entraine les menaces des organisations internationales. Avec une telle démarche, Bakou règle un certain nombre de questions et est persuadé que c'est la seule possibilité d'atteindre les objectifs mentionnés ci-dessus.

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Selon les autorités de Bakou, la force militaire arménienne ne peut être neutralisée que par un avantage économique et politique, et avec la participation active de la communauté internationale. Suite à cette stratégie politique, de 1994 à 2007-2008 les autorités azerbaïdjanaises ont laissé de côté l'option militaire pour récupérer l'Artsakh. Tout le potentiel de la République azerbaïdjanaise a été utilisé pour extraire les ressources d'hydrocarbures et les exporter, développant au passage les possibilités de transport et de communication. Il faut honnêtement noter, qu'ils sont arrivés à leurs fins.

Le fait est que maintenant les autorités de Bakou essaient de rassurer l'Europe, et qu'elles sont en mesure d'assurer la sécurité énergétique du vieux continent. Mais ce ballon de propagande a aussi son revers vu que les ressources azerbaïdjanaises ne seront pas suffisantes pour tenir une telle promesse ambitieuse. Aussi, le pays essaie parallèlement de devenir un corridor pour le transfert des ressources énergétiques de l'Asie centrale vers l'Europe. Mais cette tentative n'a pas donné les résultats escomptés.

Ainsi certains projets de transports coûteux, tels - Bakou-Tbilissi-Ceyhan, Bakou-Tbilissi-Erzeroum, Bakou-Tbilissi-Kars -, sont devenus des projets locaux.

Plus gênant encore, les autorités de Bakou n'ont pas de réelles possibilités pour garantir la sécurité des pipelines et des chemins de fer. Mais le principal échec de la politique économique azerbaidjanaise a été que ces gazoducs et autres oléoducs n'ont pas réussi à étouffer économiquement l'Arménie. En outre, le développement des communications de l'Azerbaïdjan n'a pas eu d'influence sur le potentiel politique, économique et militaire de Erevan.

L'Azerbaïdjan a aussi échoué sur le plan international à présenter l'Arménie comme un agresseur. Depuis déjà quelques années, les structures officielles azerbaïdjanaises ont utilisé toutes les places internationales pour faire une propagande anti-arménienne. Des livres et des articles anti-arméniens ont été publiés dans les capitales de tous les grands pays. Mais tout cela est sans grand résultat. Tout au plus ont-ils réussi à capter l'attention sur leur propre population, et de quelques pays musulmans.

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L'un des thèmes les plus débattus dans les médias britanniques la semaine dernière a été les liens entre le prince Andrew et les dirigeants de certains pays despotiques.

Et il est tout à fait naturel, que les médias britanniques accordent beaucoup d'attention aux liens entre le Prince et l'azerbaïdjanais Heydar Aliev. "Herzog et le despote :" l'amitié "entre le prince Andrew et le cruel dictateur, qui est accusé de tortures", écrivait le quotidien anglais Daily Mail. Des articles dans le Guardian et dans d'autres publications anglaises étaient consacrés à ce sujet. Dans le cadre de cette amitié, les journalistes anglais ont rappelé l'existence de rapports de certaines organisations internationales s'occupant de Droits de l'homme. Ainsi, selon ces médias, le régime d'Aliev continue de menacer et de torturer des opposants au régime.

Selon Transparency International, l'Azerbaïdjan occupe le 134e rang (sur 178) dans la liste des pays corrompus, Aliev est resté silencieux face aux propos de la BBC. Les journaux Britanniques ont également noté qu''Amnesty International appelait les autorités azerbaïdjanaises à arrêter la torture contre des membres de l'opposition.

Il est à noter le matériel sur la corruption des autorités azerbaïdjanaises sont publiés assez souvent dans les médias occidentaux. Ainsi, le Washington Post, américain, a publié un article sur les propriétés des fils Ilham Aliev, et notamment sur les propriétés de Heydar Aliev, âgé de 11 ans, à Dubaï. Selon l'article, Ilham Aliev a acheté neuf résidences pour son fils, pour un total de 44 millions de dollars.

La confession amère du Sous-secrétaire d'Etat américain, W. Berns concernant Aliev et l'Azerbaïdjan vaut la peine d'être rappelée ici : "c'est un partenaire, qui nous couvre de honte".

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Les éléments présentés ci-dessus prouvent aux Occidentaux que le clan Aliev est une menace pour la démocratie dans Sud-Caucase et dans le bassin Caspien.

Les critiques faites envers l'Azerbaïdjan par les organisations internationales et des médias, se font de plus en plus sévères, positionnant ce pays comme ‘hors la loi'. Et ce processus ne peut plus s'arrêter. Ils ont obtenu exactement ce pour quoi ils luttaient.

Hrant Melik-Chahnazarian

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Extraits de Armenpress et de times.am