Pas de vacances pour l'Arménie face à ses détracteurs

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Traduction Gérard Merdjanian – commentaires
Un enterrement de première classe qui n'apparaît même pas dans les ‘faits divers' : La ratification des protocoles arméno-turcs passe du stade gelé au stade surgelé.
Le parlement turc, sur les conseils avisés du gouvernement Erdogan, a décidé de reporter aux calendes grecques la discussion sur les protocoles arméno-turcs, leurs ratifications éventuelles et donc la normalisation des relations avec l'Arménie.
Faut-il s'en réjouir ou s'en attrister ?
De l'acte lui-même, cela revient à dire officiellement ce que tout le monde s'accorde à reconnaître tout bas. La ratification des protocoles est figée depuis le premier jour, c'est-à-dire depuis le 10 Octobre 2009, date de leur signature en grande pompe en Suisse, à la ‘demande insistante' de Washington.
Si les Occidentaux, USA en tête, continuent de s'accrocher à un document mort-né, Erevan a tourné la page depuis longtemps, quant à Ankara, il s'est arrêté à la première page, au paragraphe fantôme pré-condition.
Qu'il n'existe pas de relations diplomatiques entre deux Etats mitoyens, est effectivement incongru au XXIème siècle. Qu'un Etat fasse le blocus de son voisin alors que celui-ci ne lui a rien fait, est encore plus incongru.
Par contre, que la frontière soit fermée peut apparaitre contraignante à première vue, obligeant les uns et les autres à passer par la Géorgie voisine. En y regardant de plus près, qui serait réellement gagnant de l'ouverture ? Les riches industriels et la population turcs avec un PIB par habitant de 12.300$, ou bien les Arméniens avec un 125ème rang mondial ? On voit mal les produits arméniens inonder le marché turc. Par contre les produits russes seraient remplacés par les produits manufacturés turcs.
Comme dit le proverbe : A quelque chose malheur est bon.

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* Le Haut-Karabakh toujours dans les discours présidentiels *

* Le président Sarkissian complète sa pensée.

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En réponse à une question posée par l'un des participants à Sevan du mouvement ‘Miassine' (Ensemble) et du programme ‘Ari Tun' sur le Karabakh et ses échéances, le président Serge Sarkissian a répondu : "Le problème du Karabakh est douloureux à la fois pour l'Arménie et pour l'Azerbaïdjan, si c'était facile, la question aurait déjà été réglée."
"Pendant des décennies, la population azerbaidjanaise a été inculquée sur l'idée que le Karabakh appartient à l'Azerbaïdjan, et maintenant les dirigeants azerbaidjanais font face à d'immenses complexes car ils n'ont jamais essayé d'être honnête avec leur propre peuple ... pour leur dire : "Vous savez, en fait ce sont des terres arméniennes, les Arméniens ont vécu ici depuis des lustres et ce serait bien ... si nous respectons la liberté de ces personnes afin qu'elles et nous vivions heureux." Je suis sûr que le temps viendra pour cela : qu'importe la difficulté du sujet, nous sommes obligés de trouver une solution pour arriver à un règlement pacifique du problème. En disant ‘nous', je veux dire l'Arménie, l'Azerbaïdjan et le Haut-Karabakh ;" et d'ajouter que le climat actuel n'est pas propice pour cela.
"Le président Ilham Aliev n'arrête pas de dire que l'Azerbaïdjan a beaucoup d'argent, une économie puissante, que sa population est de 9 millions de personnes alors qu'il n'y a plus personne en l'Arménie et ainsi de suite. Comment puis-je donner un échéancier, en me basant sur une résolution pacifique ? Est-ce qu'un règlement pacifique est possible, quand chaque jour les autorités azerbaïdjanaises tiennent des propos anti-arméniens, quand ils propagent la haine ? Nous sommes habitués à cela et nous nous sommes conciliés avec cet état de fait, vu que ce n'est pas la première ou la deuxième année."
"Peut-être pas les jeunes, mais leurs parents et leurs aînés se rappellent certainement le début des années 1990, quand les présidents azerbaïdjanais Mutallibov et Elchibey déclaraient la même histoire sur la puissance et la supériorité de l'Azerbaïdjan ;" Et de soulignait qu'il n'y avait qu'un seul président azéri ayant une vision réaliste [c'est-à-dire Haydar Aliev].
"Je suis sûr que les actions militaires sont une voie menant nulle part. Aujourd'hui, l'Azerbaïdjan n'est pas en mesure d'obtenir une supériorité militaire sur l'Arménie."
Le président a de nouveau précisé que le Karabakh ne retournera jamais sous administration azerbaïdjanaise, qu'il s'est autodéterminé depuis longtemps, et qu'il décide lui-même de son sort. "Aujourd'hui, je vous regarde et vous donne ma vision de la résolution : la solution doit être trouvée de manière pacifique. Lequel d'entre vous a-t-il déjà visité la République du Haut-Karabakh et douté qu'ils ont un Etat indépendant ?" et de conclure : "Tôt ou tard la question de la reconnaissance du Haut-Karabakh sera réglée. Le plus tôt sera le mieux - à la fois pour l'Arménie, le Karabakh et l'Azerbaïdjan."
L'Azerbaïdjan a condamné ces propos. Elman Abdullaïev, le porte-parole du ministère des Affaires étrangères, les a dépeints comme une preuve supplémentaire qu'Erevan a une position ‘non constructive' sur le Karabakh : "Au lieu de préparer son peuple à la paix et contribuer ainsi au développement et au bien-être de la région, Serge Sarkissian radicalise la société arménienne."
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* Une visite inopportune

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Quatre membres du parlement français - Guy Teissier, Jacques Remiller, Georges Colombier, et Valerie Boyer - ont visité lundi le Haut-Karabakh, et participé à une manifestation de soutien pour la reconnaissance internationale de sa sécession de l'Azerbaïdjan.
La délégation conduite par Guy Teissier (UMP), président de la Commission la Défense nationale de l'Assemblée nationale, a rencontré des parlementaires locaux puis s'est entretenue avec Bako Sahakian, le président de la République du Haut-Karabakh (RHK).
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"Venir en Arménie est un geste d'amitié. Venir au Karabakh est un geste de solidarité," a déclaré M. Teissier devant les parlementaires de la RHK. Il a poursuivi en indiquant que le Haut-Karabakh avait été rattaché à la RSS d'Azerbaïdjan selon la volonté "d'un dictateur" et que sa population majoritairement arménienne, est en droit de déterminer son statut.
"Pourquoi devrions-nous garder le silence et ne pas dire que les gens très profondément enracinés dans cette terre, ont le droit de vivre ici ?"
Jacques Remiller, député-maire UMP de Vienne, a également exprimé sa "profonde sympathie" pour la Cause du Karabakh. "Tout comme d'autres nations, tels le Kosovo ou Chypre, avec leur propre gouvernement, les Arméniens du Karabakh ont le droit de décider par eux-mêmes de leur destin."
Les députés doivent visiter plusieurs villages du Karabakh et rencontrer les ONG s'occupant des réfugiés arméniens d'Azerbaïdjan.
Ces quatre élus français ont rejoints leurs collègues sur la ‘liste noire' de Bakou. En juin 2010, le président du Groupe parlementaire d'Amitiés France-Arménie, François Rochebloine, avait également conduit une délégation de cinq députés au Karabakh. Pour l'Azerbaïdjan, tout voyage au Haut-Karabakh sans son accord préalable est considéré comme un affront à sa souveraineté internationalement reconnue sur le Karabakh. Des dizaines d'étrangers de toutes nationalités, politiques ou VIP, en ont déjà fait les frais.
Teissier a défendu le principe des visites. "N'avons-nous pas, en tant que peuple libre d'un pays libre, le droit de visiter librement ce lieu et voir nos amis ?"
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* Pas de sortie du tunnel.

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"Les Etats-Unis, la Russie, ou l'Union européenne devrait se décider à résoudre le conflit du Haut-Karabakh. Le Groupe de Minsk de l'OSCE n'est plus le cadre capable de régler le conflit. Je ne vois aucun moyen de sortir de ce blocage, quand je vois les positions de chacun qui s'excluent mutuellement," a déclaré le politologue Alexander Rar.
Rar est sceptique quant à la médiation de la Russie, impliquée dans les processus occidentaux au Moyen-Orient. "Le président Dmitri Medvedev a tenté de jouer le rôle d'un courtier, mais je pense qu'il n'a pas réussi. Les Etats-Unis et l'Europe sont trop occupés avec les développements au Moyen-Orient."
Toutefois, il pense que les prochaines générations qui ne seront pas accablés par les souvenirs tragiques, seront capables de parvenir à un accord.
Quant au facteur turc, Rar a noté qu'en dépit d'être l'alliée de l'Azerbaïdjan, la Turquie élabore sa propre géopolitique et ne lie pas ses intérêts nationaux avec le conflit du Karabakh. "La Turquie va poursuivre ses propres intérêts. Sans compter qu'Ankara a un certain nombre de problèmes en suspens avec l'Arménie."
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* En Turquie *
* Tel père, tel fils.


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Mehmet Perinçek, historien et politicien turc, a été emprisonné, au motif d'avoir des liens avec les comploteurs du réseau Ergenekon.
Son dernier ouvrage s'intitule "La question arménienne à travers 120 documents", où il remet en question le génocide arménien. On reconnaît là le digne fils de son père, Dogu Perincek, président du parti des Travailleurs, connu pour ses idées et ses propos négationnistes, qui lui avaient valu d'être poursuivi en Suisse.
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* Un enterrement discret
La Grande Assemblée nationale a retiré de son agenda 898 propositions de lois, et notamment la ratification des protocoles arméno-turcs signé en 2009.
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Le parlement turc nouvellement élu considère que la question de l'ouverture de la frontière avec l'Arménie n'est plus d'actualité dans le contexte géopolitique de la Turquie. Par ailleurs, conformément aux règles du Parlement, un projet de loi qui n'a pas été retenu par la Commission des lois, perd ses droits pendant six mois.
Deux réactions à cette décision :
"L'Arménie devrait déclarer les protocoles arméno-turcs invalides en réponse au retrait par la Turquie des protocoles de l'agenda du parlement," a déclaré le directeur de l'Institut d'études orientales de l'Académie des Sciences d'Arménie, Ruben Safrastian.
"Nous aurions dû faire cela plus tôt, il est évident que les autorités turques actuelles n'ont pas l'intention de normaliser les relations avec l'Arménie. Les Protocoles ne seront guère de retour sur l'agenda du parlement turc avant un bon moment. Ils rentrent dans le grand jeu au Moyen-Orient. L'Arménie doit construire sa politique envers la Turquie en tenant compte de l'approche de cette dernière sur la question," a-t-il ajouté.
De son côté Kiro Manoyan, le directeur du Bureau du Hay Tad et des Affaires politiques de la FRA, a déclaré : "Il y a eu des opportunités pour retirer la signature. Et il n'y aura pas de meilleure chance. Dans ces circonstances, attendre que la Turquie ratifie les protocoles est humiliant pour l'Arménie. Ankara peut trouver des raisons diverses et variées pour retirer les protocoles de l'agenda du Parlement, mais le fait est qu'il n'est pas intéressée à leur ratification. L'Arménie doit retirer sa signature des protocoles arméno-turque en réponse au retrait par la Turquie des protocoles de l'agenda du parlement."
Et de suggérer que l'Arménie élabore un nouveau projet et attende qu'une force prête à normaliser les relations sans conditions préalables, arrive au pouvoir en Turquie.
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Extrait de Armenialiberty et de PanArmenian.net