De nouvelles pierres dans le jardin ottoman

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Haaretz-quotidien_medium
Traduction Gérard Merdjanian - commentaires

A force de mettre le préfixe ‘sözde'- (soi-disant) - devant tous les sujets dérangeants, les dirigeants turcs ont fini par déclencher les remarques désagréables et de la communauté internationale et d'un certain nombre d'Etats :
- L'UE avec son rapport d'étape sur les progrès de la Sublime Porte quant à son adhésion au bloc des 27.
- L'ONU sur les dysfonctionnements chroniques de la Justice en Turquie.
- Les Etats-Unis avec les propos de la Secrétaire d'Etat sur la restitution des biens immobiliers confisqués après 1936.
- Israël avec le principe de ‘balayer d'abord devant sa porte avant de donner des leçons aux autres'.
- La Syrie qui accuse son voisin turc de financer et de livrer des armes aux ‘frères musulmans'.

Si l'on ajoute à cela, les ‘pierres' déjà existantes dans le jardin d'Ankara :
- Non respect des droits de l'homme.
- Non respect de la liberté de la presse.
- Non respect des droits de minorités, qu'elles soient chrétiennes ou non.
- Chasse aux ‘sorcières' kurdes.
- Occupation militaire d'un tiers de la République voisine de Chypre.
- Responsable du génocide des Arméniens et maintien du blocus de la République voisine d'Arménie.
- Et tous les faux-semblants pour donner le change.

Aussi, quand Erdogan ouvre sa fenêtre le matin, ce n'est plus un jardin qu'il voit, mais un reg.





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En réponse aux appels constant de la Turquie à Israël de s'excuser pour incident de la flottille de l'an dernier, Emmanuelle Ottolenghi, expert à la Fondation pour la Défense des Démocraties, dans un article en ligne du quotidien israélien Haaretz de vendredi, a indiqué que la Turquie doit reconnaître le génocide arménien.

"La Turquie continue de pratiquer la négation d'État du génocide arménien et poursuit ceux qui osent la contester. N'est-il pas temps, 90 ans et quelques après que l'Empire ottoman ait supprimé près de 1,5 million Arméniens, que M. Erdogan, leader du parti ‘islamiste modéré', comme The Economist le définit avec indulgence, reconnaisse le sombre passé de la Turquie et s'excuse au nom des crimes commis par son pays ?" se demande Ottolenghi.

"Le but n'est pas de l'invectiver ce point en particulier, mais la liste des choses dont la Turquie devrait s'excuser, est longue. Elle continue d'occuper illégalement le nord de Chypre, le territoire d'un membre de l'Union européenne, après avoir envahi militairement l'ile, ce qui au passage a mis fin au nettoyage ethnique et aux colonies illégales. Non seulement elle ne s'est pas excusée à ce jour, mais au contraire elle a menacé de geler ses liens avec l'UE si Chypre prenait la présidence tournante de l'Union, l'année prochaine, comme il est prévu dans les textes. Entre-temps, M. Erdogan conduit sa diplomatie de façon militariste en menaçant Chypre - comme si l'occupation, le nettoyage ethnique et la création d'une république, indépendante fictivement, dans la partie nord de l'île, n'étaient pas suffisants," a ajouté Ottolenghi.

"Morale de l'histoire : Si vous vous comportez comme un taureau, vous ne devriez pas vivre dans un magasin de porcelaine. Et si vous vivez dans une maison de verre, réfléchissez à deux fois avant de jeter des pierres sur vos voisins. M. Erdogan veut des excuses ? Que diriez-vous si l'on commençait par celui-ci ?" a conclu l'auteur.

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Le Comité National Arménien d'Amérique (ANCA) a accueilli favorablement la déclaration de la Secrétaire d'Etat, Hillary Clinton, que le gouvernement américain va faire pression sur les dirigeants turcs pour restituer les propriétés confisquées aux communautés religieuses.

Cette reconnaissance de Mme Clinton fait suite à une réponse écrite à un courrier de l'ANCA dans lequel le président national, Ken Hachikian, partage les objections de la communauté arménienne d'Amérique concernant les propos fortement erronés de l'ambassadeur américain, Francis Ricciardone, concernant le nombre d'églises chrétiennes qui ont échappé aux exactions ottomanes, puis plus tard, les campagnes du parti Républicain turc sur le génocide, le nettoyage ethnique, et la destruction culturelle.

Mme Clinton indique dans sa réponse : "Avec les dirigeants turcs, nous continuons à insister sur l'importance que nous attachons à la liberté religieuse en Turquie. Nous continuons également à exprimer nos préoccupations concernant la restitution de propriétés précédemment confisquées aux communautés religieuses. À cet égard, nous suivrons de près la mise en œuvre par le gouvernement turc du décret du 27 août, stipulant le retour de tous les biens immobiliers confisqués, appartenant à 162 fondations de communautés religieuses non-musulmanes, officiellement reconnues, de Turquie."
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En réponse à la lettre de la Secrétaire Clinton, Hachikian a indiqué : "La communauté arménienne d'Amérique est solidaire avec vous - comme tous les Américains intéressés – espérant que vous poursuivrez cette affaire dans les mois à venir avec le gouvernement turc, nous vous demandons respectueusement, Madame la Secrétaire, de rester ferme dans sur ce sujet diplomatique. Nous vous demandons de rejeter comme il convient les actes superficiels et symboliques du gouvernement turc, y compris les restaurations isolées et les conversions d'églises en musées, conçues pour détourner l'attention de la communauté internationale sur nécessité impérieuse pour d'Ankara d'accepter une résolution globale sur le vaste vol et la destruction des biens religieux."

Ken Hachikian a également fait part à Mme Clinton de la profonde déception de la communauté arménienne d'Amérique de la complicité américaine dans la campagne de la Turquie à bloquer la juste résolution sur le génocide arménien, et de déclarer : "Notre bilan diplomatique montre que les dirigeants américains ont à plusieurs reprises cédé aux pressions du gouvernement turc, des extrémistes de tous bord au sein de la société turque incitent leur gouvernement à dicter à la politique américaine la marche à suivre sur le génocide arménien et sur d'autres questions vitales concernant la justice, la liberté religieuse et les droits de l'homme. Cette démarche de la Turquie continue à saper les petits, mais croissants, éléments de la société civile turque qui montrent un immense courage en exigeant que leur gouvernement dise la vérité sur le génocide arménien et se comporte avec justice envers le peuple arménien."

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* Brève russo-européenne *
Moscou a indiqué que l'Union européenne devait mettre fin aux discussions sur le gazoduc devant transporter le gaz naturel de la mer Caspienne vers l'Europe, vu que ce projet court-circuite la Russie, ce qui est une ‘ingérence' pouvant ajouter aux tensions dans la région.


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Les ‘27' ont validé le coup d'envoi des négociations sur un accord de pipeline avec le Turkménistan et l'Azerbaïdjan - deux des cinq Etats riverains de la mer Caspienne - pour transporter le gaz de la région - quatrième plus grande réserve mondiale - directement vers l'Europe.
L'accord renforcerait le projet soutenu par l'UE du gazoduc Nabucco [1] qui réduirait la dépendance du bloc européen envers la Russie d'un quart de ses approvisionnements en gaz naturel. On se souvient que les livraisons de gaz russe à l'Europe ont été interrompues à la suite de différends Russie-Ukraine.

"En dehors des tentatives de s'immiscer dans les affaires de la Caspienne ... cela pourrait très sérieusement compliquer la situation dans cette région (et) nuire aux négociations des cinq Etats riverains sur le statut juridique de la mer Caspienne", a déclaré le ministère russe des Affaires étrangères, sur son site Internet.

Le communiqué du ministère appelle Bruxelles "à respecter la position de la Russie, l'un des cinq, et s'abstenir de toute action."

Les cinq – Russie, Iran, Kazakhstan, Azerbaïdjan et Turkménistan – sont en pourparlers pointus sur le partage des énormes réserves d'hydrocarbures de la mer Caspienne, actuellement régies par des accords datant de l'ère soviétique.

La Russie a des accords d'achat de gaz de l'Azerbaïdjan et du Turkménistan sur le long terme, pays qu'elle considère comme faisant partie de sa sphère d'influence traditionnelle, en tant qu'ex-Républiques soviétiques.

Pour de nombreux analystes, les Etats de la mer Caspienne ne produiront pas assez de gaz pour alimenter l'un des nouveaux projets coûteux de pipeline transcaspien.

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Extrait de Asbarez.com et de Radiolour



[1] Pipeline entre la mer Caspienne (Azerbaïdjan et Turkménistan) et l'Europe transitant par la Turquie et aboutissant en Autriche, en concurrence avec le projet russe South Stream.