La crise européenne et le Partenariat oriental

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Traduction Gérard Merdjanian - commentaires

carte-UE-partenariat-orientLes problèmes qui se posent aux six pays du P.O de l'UE et plus spécialement au Sud-Caucase sont certes économiques, mais avant tout politiques. Ces six ex-Républiques soviétiques, à l'inverse des pays de l'Europe de l'Est, ont encore énormément de mal à franchir le fossé qui les sépare d'une économie de Marché. Si certains arrivent à tirer leur épingle du jeu grâce aux richesses de leur sol ou de leur sous-sol, il n'en demeure pas moins que sur le plan social, la dite richesse ne profite qu'à certains, que les droits de l'homme sont souvent bafoués, et que sur un plan politique la démocratie reste encore une notion assez floue, pour ne pas dire un vœu pieux.

Le problème avec l'UE, c'est qu'elle veut se comporter comme un bloc mais qu'en fait, elle se comporte comme une CEE (Communauté économique européenne), ce qu'elle était avant 1993. Ce qui signifie qu'à 27, la prise de décision est quasiment impossible dès qu'on sort du domaine financier, voire économique. L'Europe politique n'existe pas, pas plus d'ailleurs que l'Europe militaire, quant à l'Europe des peuples, il y a bien longtemps qu'il a été accaparé par l'Europe des Technocrates. Le président de l'UE, Herman Van Rompuy, est un homme quasiment invisible, quant au Haut représentant de l'Union pour les Affaires étrangères et la politique de sécurité, c'est-à-dire la ‘ministre des Affaires étrangères' de l'UE, Catherine Ashton‎ - baronne of Upholland, elle parle certes au nom de l'Union, mais après chacun des 27 décline la politique étrangère de l'UE suivant sa propre vision.

Aussi, l'UE devra se contenter d'apporter une aide financière, une expertise et/ou un savoir faire dans nombre de domaines. Qu'on le veuille ou non, qu'on soit d'accord ou pas, les grandes décisions géostratégiques ou géopolitiques dans la région resteront encore pour un bon de temps aux mains de la Russie et des Etats-Unis.



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Il y a quelques jours, Varsovie accueillait le Sommet européen sur le "Partenariat oriental". L'initiative de l'UE est assez intéressante en soi et s'inscrit dans le cadre de la participation active de l'UE dans les processus sur des territoires postsoviétiques. La participation dans des programme des Etats de la CEI - qui d'une manière ou d'une autre, ont eu des conflits depuis maintenant 20 ans dans des régions hors de contrôle des administrations centrales et dépendant de facteurs externes - conduit à des similitudes avec le GUAM (Géorgie – Ukraine - Azerbaïdjan - Moldavie), qui avait été initialement conçu comme un projet visant à la résolution des conflits.
Toutefois, le GUAM s'est vite révélé être un autre organisme mort-né, l'Ukraine préférant se tourner vers l'Europe, tout en jouant les trouble-fêtes dans le transit du gaz russe. Quant à l'Ouzbékistan, il a participé quelque temps au projet, mais a rapidement suspendu sa participation. C'est en cela qu'il y a une étroite analogie entre le Guam et le Parlement Européen. De tous les pays participant au programme de l'UE, c'est le Belarus qui n'a eu aucun problème de régions autonomistes, tout simplement parce qu'il n'en a pas. L'Ukraine n'a pas pu récupérer toute la Crimée, mais au moins elle a évité les pertes humaines et les effusions de sang, ce qui n'a pas été le cas de la Géorgie, de la Moldavie ou de l'Azerbaïdjan. Les guerres de 1991-1994 ont été un tournant pour ces Etats : ils ont perdu le contrôle sur des territoires qui ne leur avaient jamais appartenu en propre, mais à qui on avait confié leur administration. Et si la Moldavie mène sa lutte en sourdine contre la Transnistrie, ce n'est pas le cas pour la Géorgie et l'Azerbaïdjan. Tout le monde a en mémoire l'aventure d'août 2009 de Mikhaïl Saakachvili, qui a conduit son pays au bord de la catastrophe. Quant à l'Arménie, tout comme la Russie, "grâce aux" aux efforts azéris, apparaît aux yeux de la communauté mondiale comme "un agresseur et un occupant". Ce n'est même pas la peine de contredire les fabrications absurdes de leadership de Bakou. La communauté internationale sait pertinemment qui est qui et qui fait quoi dans le Sud-Caucase. Cependant, certaines procédures en vigueur en Europe et aux Etats-Unis basées sur des règles strictes, se révèlent en fait être, après un examen attentif, dictées sur l'intérêt des hydrocarbures ou sur la vision géostratégique de tel ou tel pays.
A en juger par les récents développements dans le monde, l'UE tente de se mettre sur un niveau d'égalité avec les Etats-Unis sur l'ensemble du territoire postsoviétique. C'est pourquoi des projets européens sont établis, malgré la situation économique difficile et une instabilité menaçante de l'Euro. La crise en Grèce et en Espagne, avec une France et une Allemagne qui, face à la crise, n'ont pas joué leur rôle en fournissant une aide financière aux six pays du Partenariat oriental : Arménie, Azerbaïdjan, Géorgie, Ukraine, Moldavie et Biélorussie. Le budget européen prévu pour 2013 pour ce programme, s'élève à 785 millions d'euros. Il est également prévu d'allouer une rallonge de 600 millions pour le renforcement des institutions étatiques, le contrôle des frontières et l'aide aux petites entreprises. Il y a de fortes chances que la part du lion des fonds alloués à son pays iront dans les poches du clan Aliev, ou disparaîtront purement et simplement en Biélorussie et en Moldavie, et que seule une petite partie sera utilisée à dessein en Arménie. Les choses sont un peu plus compliquées en Géorgie, où le président Mikhaïl Saakachvili annonce partout qu'il compte éradiquer la corruption dans son pays, mais en fait, la réalité n'est pas aussi brillante. Peu ou pas de corruption a été observée parmi les policiers et les petits fonctionnaires géorgiens, mais plus on grimpe dans la hiérarchie, plus la motivation à recevoir des pots de vin augmente. La mentalité orientale joue également un rôle ici. La différence réside entre les pays pauvres et les pays très pauvres. Plus le pays est pauvre, et plus élevé est le niveau de corruption, malheureusement. Et l'Europe est désireuse de combattre cette réalité à travers ses divers programmes. Bien que les résultats ne soient pas à la hauteur de leurs espérances, il faut reconnaitre que la tentative est louable en soi.
En ce qui concerne la participation de l'UE dans la résolution des conflits dans le Sud-Caucase, il convient de noter que, récemment, l'Europe s'est montrée très sérieuse sur la nécessité de son implication dans le processus de négociation. Il est normal qu'aucun des coprésidents du Groupe de Minsk de l'OSCE sur le conflit du Haut-Karabakh, n'accepte cela. La présence d'Européens risque de modifier l'équilibre et provoquer une nouvelle guerre dans la région. L'UE ne parvient pas à persuader Bakou et Tbilissi à se concilier avec la réalité et à reconnaître les Etats sécessionnistes. Par conséquent, il ne sert de parler de remplacer le coprésident français par un représentant de l'UE. D'ailleurs, Nicolas Sarkozy ne consentira jamais à un tel changement, car cela signifierait un fiasco total de la médiation. L'UE est une si vaste organisation, que parler en son nom ne veut rien dire. Henry Kissinger, alors qu'il était secrétaire d'Etat américain sous le président Richard Nixon a dit une fois à ce sujet : "L'Europe ? Qui dois-je appeler quand je veux parler à l'Europe ?" Et à l'époque, ils n'étaient que six.
Quoi qu'il en soit, le P.E progresse et sa tâche principale aujourd'hui est de réduire, dans la mesure du possible, sa dépendance à l'énergie russe. C'est pourquoi l'Azerbaïdjan est impliqué. Cependant, il y a trop d'obstacles politiques et économiques sur le tracé exact du pipeline Azerbaïdjan-Europe : l'histoire de Nabucco est explicite ...
A la fin du Sommet une déclaration finale a été signée, qui va rejoindre les autres documents non contraignants. Ce sont certes de bonnes intentions, mais comme vous le savez, l'enfer en est pavé.
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Karine Ter-Sahakian – PanArmenian – Département Analyse