Le Président arménien Serge Sarkissian à Marseille

Le Président arménien Serge Sarkissian à Marseille

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Traduction Gérard Merdjanian – commentaires

Ces deux derniers mois ont vu de nombreux allers-retours entre la France et l’Arménie. Fin septembre, c’est le président Sarkissian qui vient à Paris en visite officielle, début Octobre c’est le président Sarkozy qui lui rend la politesse en se rendant à Erevan, quelques semaines plus tard c’est le Congrès des maires francophones dans la capitale arménienne avec la présence du maire de Paris, et maintenant les rencontres de Marseille.

Certes la demande d’adhésion au groupe parlementaire PPE n’a rien à voir avec la création d’un consulat arménien à Marseille ou la rencontre avec le maire Jean-Claude Gaudin, si ce n’est pour rappeler à ses interlocuteurs la position de l’Arménie face à l’UE ou l’état des relations avec la Turquie.

En fait ce sont tous les partis arméniens de droite qui se trouvaient dans la cité phocéenne, du moins presque tous, il manquait le principal parti d’opposition, le Congrès National Arménien du premier président de la République, Lévon Ter-Pétrossian.

Il faut noter qu’en Arménie comme généralement dans toutes les anciennes républiques socialistes soviétiques, dire que l’on est de gauche, et notamment socialiste, rappelle de très mauvais souvenirs à la population. Ainsi, seuls le parti communiste arménien et la FRA-Dachnaktsoutioun se présentent comme tel. Ce qui explique pourquoi dans les élections arméniennes, qu’elles soient législatives ou présidentielle, la bataille n’a jamais été bipolaire et a peu de chance de l’être. C’est surtout la politique étrangère qui différencie les partis politiques arméniens.

Cela tombe bien diront certains, par les temps qui courent, en Europe c’est le PPE qui a le vent en poupe (264 députés sur 736).



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Comme prévu, le président Serge Sarkissian a assisté à la séance plénière du Parti Populaire Européen (PPE) à Marseille.

Le président du PPE, Wilfried Martens, a remis une épinglette PPE au Président Sarkissian, soulignant que cela symbolisait l’adhésion aux idées.

"Nous nous réjouissons de votre décision de rejoindre le Parti populaire européen, dont les membres ont été très satisfaits après avoir visité l'Arménie. L’Arménie sert de passerelle vers l'Est pour l'Europe.," a-t-il souligné.

Il a salué les étapes franchies par l'Arménie en matière de politique étrangère, y compris l'initiation du processus de normalisation avec la Turquie.

M. Martens a également insisté sur le symbolisme de la visite de Serge Sarkissian le 7 Décembre, jour anniversaire du tremblement de terre de Spidak.

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Le maire de Marseille, Jean-Claude Gaudin, avait organisé une réception en l'honneur du Président Serge Sarkissian. Les représentants de la communauté arménienne locale participaient à la réception.

Prenant la parole, le président a remercié le maire et déclaré :

"Marseille a joué un rôle important non seulement dans la vie de la communauté arménienne française, mais aussi dans l'histoire de la nation arménienne. Étant l'un des ports les plus importants de la Méditerranée, Marseille a accueilli les rescapés du génocide arménien, qui ayant subi des pertes tragiques, n'ont jamais perdu leur foi en l'humanité.

Tout représentant de la nation arménienne exige la justice, où qu’il vive- en Arménie, en Artsakh ou en diaspora. Nous ne répandons pas la haine ni ne réclamons vengeance, peu importe comment les négationnistes de cette grande tragédie tentent de nous inciter à le faire. Ils nous ont tout simplement sous-estimés. Nous avons été assez forts pour surmonter la Grande Catastrophe, et nous sommes assez forts pour réclamer justice. Après l'anéantissement de nos ancêtres sur leurs propres terres, la dernière étape du génocide est l'élimination de la mémoire de ce crime odieux, mais nous ne le permettrons pas.

Nous sommes convaincus que la Turquie doit se repentir. Ce n'est ni une condition préalable, ni une aspiration à se venger. La Turquie doit regarder son histoire en face. Elle doit trouver la force en elle-même pour reconsidérer son approche envers le génocide arménien.

Nous saluons l’engagement du président Nicolas Sarkozy aux côtés de l’Arménie dans son combat pour la reconnaissance du génocide arménien et les paroles qu’il a prononcé à cet effet lors de sa récente visite en Arménie. C’est le seul chef d’Etat à travers le monde à l’avoir fait.

Notre position reste inchangée. Nous sommes prêts à établir des relations normales avec la Turquie comme il convient à deux pays voisins.

Nous avons toujours déclaré que la direction européenne est une priorité pour nous. Nous avons enregistré de grandes réalisations dans ce domaine. L'Union européenne est non seulement devenue l'un de nos plus importants partenaires dans le monde, mais joue également un rôle important à l'intérieur de l’Arménie, contribuant à la mise en œuvre de réformes et au renforcement de notre économie et de la stabilité.

Nous exprimons notre gratitude aux partenaires européens et en particulier au président Nicolas Sarkozy pour son soutien aux efforts de l'Arménie."

En clôturant son discours,  le président a invité Jean-Claude Gaudin à Erevan. Avant de quitter la cité phocéenne, il a inauguré le nouveau consulat général de la République d'Arménie à Marseille, qui sera un autre lien entre Erevan et Marseille.

(…)

Le président du parti arménien d’opposition ‘Héritage’, Raffi K. Hovannisian, a été par le reçu le président du PPE. Lors du Congrès, Wilfried Martens lui a donné l'épinglette officielle du PPE symbolisant ainsi l'entrée du parti arménien dans la famille du PPE en tant que membre observateur. Une décision officielle sera prise en Février prochain.

Cette information a été annoncée lors du discours de clôture du Congrès. Raffi Hovannisian a également rencontré le président du Parlement européen, Jerzy Buzek, le maire de Marseille, Jean-Claude Gaudin, ainsi que plusieurs présidents européens, premiers ministres, euro-parlementaires et des dirigeants PPE.

A noter qu’en plus du parti républicain, représenté par son leader Serge Sarkissian, c’est toute la coalition gouvernementale de l’Arménie - le parti ‘Arménie Prospère’, et le parti ‘Pays de lois’ – qui ont déposé une demande de statut d'observateur au sein du PPE.

* L’après Conseil de l’OSCE *

Le Président en exercice de l'OSCE, le ministre lituanien des Affaires étrangères Audronius Ažubalis est satisfait dans son ensemble des résultats de la réunion du Conseil ministériel et de la présidence de son pays.

Toutefois, il a exprimé quelques regrets devant l'échec pour atteindre un consensus sur la sécurité des journalistes et la liberté des médias, en précisant que le projet de loi sur la sécurité des journalistes a été bloqué par un pays, mais a refusé de le nommer. Il s’est félicité que son homologue irlandais, qui assumera bientôt le poste de Président en exercice, attache de l'importance à la question.

"Le pays qui prendra la présidence de l'OSCE en 2014 n'a pas encore été déterminé. Je ne pense pas qu'une décision sera prise dans un avenir proche."

Il a également salué la reprise des pourparlers sur le conflit en Transnistrie, ce qui, selon lui, donne de l'espoir pour le règlement d'autres conflits prolongés, y compris celui du Haut-Karabakh. Il a ajouté :

"Tout au long de l'année, la Présidence, les coprésidents et les membres du Groupe de Minsk, et les autres États participants ont exhorté les parties à poursuivre, dans un plus grand esprit de compromis, les négociation pour un règlement pacifique fondé sur les principes de l'Acte final d'Helsinki, incluant les trois principes des coprésidents."

"Les ministres de l'Arménie et de l'Azerbaïdjan ont déclaré que leurs présidents sont prêts à se réunir dans un proche avenir, sous l'égide des pays coprésidents, en s'appuyant sur l'expérience récente, sur la façon d'apporter la paix, la stabilité et la prospérité à leur peuple. Cette année, de nombreux incidents déplorables sont survenus le long de la ligne de contact. Ces incidents ont entraîné des pertes de vies humaines, et ont contribué à accroitre la tension dans la région. Le Président et les coprésidents du Groupe de Minsk, ont appelé les parties à prendre des mesures immédiates pour renforcer l'accord de cessez-le-feu en acceptant le mécanisme des enquêtes sur les incidents le long de la ligne de contact, et de retirer les snipers de cette ligne."

* Le coin des experts *

"L'imagination des coprésidents du Groupe de Minsk de l'OSCE est pratiquement épuisées," a déclaré le politologue Alexander Markarov, commentant la déclaration conjointe sur le conflit du Haut-Karabakh faite à l’issue du Conseil ministériel de l’OSCE de Vilnius.

"En fait, les coprésidents n'ont pas encore établi que les Principes de Madrid modifiés conduisent à une impasse. Soit les médiateurs sont incapables de présenter de nouvelles propositions, soit ils considèrent que les principes existants sont la meilleure base pour poursuivre les pourparlers. À la lumière des intenses négociations menées depuis le Conseil ministériel de l'OSCE de 2007 à Madrid, y compris au plus haut niveau, les trois chefs de délégation ont exhorté les parties à poursuivre l'examen attentif des propositions que les pays coprésidents ont fait. C'est la seule disposition de la déclaration que j’estime raisonnable," a poursuivi Markarov.

Néanmoins, le politologue a décrit le document comme le premier globalement positif du fait que tous les signataires ont réitéré leur position qu’il ne peut y avoir de solution militaire au conflit du Karabakh. En outre, les parties ont confirmé que le format du Groupe de Minsk [3+2] est acceptable pour les négociations futures. Cela prouve selon l’expert, que la rhétorique belliqueuse de l'Azerbaïdjan et ses déclarations concernant le changement de format sont essentiellement adressées à un auditoire interne, tandis que les autorités du pays se sont engagées à respecter la logique générale des pourparlers.

* Brève française *

Le Mercredi 7 Décembre, sur proposition de plusieurs députés, la Commission des lois a adopté un projet de loi de Valérie Boyer (UMP) pénalisant la contestation du génocide, arménien notamment.

Un projet similaire déposé par les Socialistes avait été adopté par l’Assemblée nationale le 12 Octobre 2006, mais a été rejeté par le Sénat le 4 mai dernier.

Ce nouveau texte, cosigné par plus de cinquante députés, punit la négation des génocides reconnus par la France, c'est-à-dire à ce jour les génocides juif et arménien, d’un an de prison et de 45.000 euros d'amende.

"J'espère que nous aboutirons et que la France sera toujours le pays des droits de l’homme," a déclaré Valérie Boyer.

Le projet de loi modifie également la loi sur la liberté de la presse, de sorte que les crimes racistes sont maintenant un crime de droit commun inscrit dans la loi sur la liberté de la presse.

La proposition doit être approuvée par un vote du Parlement dans les semaines à venir.

Lors de la visite à Erevan en Octobre dernier, le président Nicolas Sarkozy avait exhorté la Turquie à reconnaître le génocide. "La Turquie a eu assez de temps pour réfléchir, les massacres ayant eu lieu en 1915. Si la Turquie revisite son histoire et met face-à-face l'ombre et la lumière, cela suffirait pour reconnaître le génocide. Si la Turquie ne peut pas faire cela, alors sans aucun doute, il sera nécessaire d'aller plus loin."

* Brève américaine *

"La coordination des principes de base d’un règlement pacifique du conflit du Karabakh est une tâche tout à fait possible. Il y a un certain nombre de détails spécifiques nécessaires à la coordination dont la résolution exige une confiance mutuelle des parties en conflit. Cela nécessite d'améliorer l'atmosphère entre les collaborateurs," indique un rapport émanant de l'ambassadeur américain en Azerbaïdjan, Matthew Bryza.

"Les coprésidents du Groupe de Minsk doivent continuer les réunions avec les présidents. J'espère que la prochaine réunion aura lieu bientôt. Je sais que le travail des coprésidents consiste notamment améliorer le climat politique et la confiance entre les parties. Ce processus doit se poursuivre, surtout avec les enquêtes à mener sur les incidents sur la ligne de contact entre les belligérants et sur l'observation effective du régime de cessez-le feu", a déclaré l'ambassadeur.

* Brève turque *

Le processus de normalisation entre l'Arménie et la Turquie est susceptible de revenir sur l'agenda suite à la médiation de la Suisse.

Immédiatement après sa rencontre avec ses homologues arménien et azerbaïdjanais à Vilnius, le ministre turc des Affaires étrangères, Ahmet Davutoglu, a rencontré son homologue suisse, Micheline Calmy-Rey, pour discuter de la situation dans le Caucase et de la réconciliation Arménie-Turquie.

* Brève israélienne *

La Knesset va discuter de la reconnaissance du génocide arménien le  27 Décembre prochain, initialement prévue le 5 Décembre dernier.

"La date a été annoncée par le président de la Knesset, Reuven Rivlin, qui participera personnellement à l'audience," rapportent les médias israéliens citant les propos du président de la Commission Education de la Knesset, Alex Miller.

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Extrait de Radiolour et de PanArmenian