Hillary Clinton en Arménie


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Traduction Gérard Merdjanian - commentaires

C’était la moindre des choses que la Secrétaire d’Etat américaine se déplace dans la région vu toutes les situations à risques qui s’y trouvent : Le problème iranien, le problème syrien, le problème irakien qui n’est toujours pas réglé, les relations de la Turquie avec ses voisins immédiats ou non, sans compter bien évidemment le plus ancien de tous le problème palestinien.

A ce jour, bien que les problèmes des pays du Sud-Caucase ne soient pas prioritaires, il n’en demeure pas moins qu’ils risquent de déstabiliser la région. La Géorgie et l’Azerbaïdjan lorgnent sur les territoires perdus, espérant toujours pouvoir les récupérer un jour. Si pour Tbilissi les jeux sont faits - on ne s’attaque pas impunément à la Russie, Bakou a la ferme conviction que le Haut-Karabakh lui reviendra un jour.

Seulement voilà, le Conseil de Sécurité de l’ONU n’ordonnera jamais à ses membres d’envoyer des militaires guerroyer dans cette région, tout au plus il enverra des casques bleus pour maintenir la paix. Les expériences irakiennes, libyennes et afghanes lui ont servis de leçon, il suffit de regarder ce qui se passe pour la Syrie.

Que reste-il pour les dirigeants azéris ? Faire la guerre avec leurs armes sophistiquées en espérant que les pays musulmans, Turquie en tête, leur prêteront main forte. C’est une colossale erreur stratégique, car ni la Russie, ni les Etats-Unis ne laisseront le potentat de Bakou jouer avec le feu et déstabiliser la région. Des oléoducs et des gazoducs détruits ne sont dans l’intérêt de personne et certainement pas des Occidentaux. Quant à vaincre l’armée arménienne, c’est loin d’être gagné, d’autant qu’Erevan a des accords militaires avec Moscou et les membres du OTSC(1).

Donc il reste au camarade Aliev à multiplier les accrochages aux frontières que ce soit celle avec la RHK ou celle avec l’Arménie. Ce qui ne l’empêchera pas de prêcher la guerre à sa population, fustigeant l’ennemi arménien, histoire de détourner son attention des problèmes intérieurs.

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Les dirigeants arméniens avaient prévenu, ils répliqueraient aux attaques azéris si celles-ci causaient des victimes innocentes. L’assaut mené dans la région de Davouch en est le parfait exemple. Dans les heures qui ont suivis la mort de trois soldats arméniens et la blessure de cinq autres, cinq soldats azerbaidjanais ont perdus la vie.

Voir en fin d’article comment les médias arméniens et azéris ont rapporté les faits.

"Vérité en deçà des Pyrénées, erreur au-delà." (Blaise Pascal)

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Quelques heures avant son arrivée à Erevan, les soldats azéris avaient violé le cessez-le-feu tuant trois soldats arméniens et blessant cinq autres dans la région de Davouch au Nord-est de l'Arménie.

Suite à l’attaque azérie, la Secrétaire d'Etat Hillary Clinton s’est déclarée très préoccupée par l'instabilité dans le Haut-Karabakh. Elle a indiqué que la mort de jeunes soldats et de civils innocents est «absurde» et que la force ne peut pas résoudre un conflit de deux décennies.

Mme Clinton a averti que ces tensions ont la capacité de se transformer en un conflit beaucoup plus vaste et que ce serait tragique pour toutes les parties concernées. "La force ne peut pas résoudre le conflit. Les Etats-Unis continueront à travailler avec la France, la Russie et d'autres dans leurs efforts de médiation."

Les Etats-Unis soutiennent le règlement du conflit du Karabakh sur la base des principes de Madrid, et notamment le non-usage de la force, le droit des peuples à l'autodétermination et l'intégrité territoriale.

Comme la Secrétaire d'Etat va prochainement rencontrer le chef  de l’Etat azéri, Ilham Aliev, elle compte insister sur cette question.

Toutefois, à la question d’un journaliste arménien suite aux provocations de Bakou sur la ligne de contact, concernant la possibilité de ré-adopter l'amendement de l'article 907 du ‘Freedom Support Act’ interdisant l'aide américaine à l'Azerbaïdjan, elle n’a pas souhaité apporter de commentaires.

Au cours de sa rencontre avec les journalistes, la Secrétaire d'Etat s’est dit contente d'être à nouveau en Arménie et a salué l'accueil chaleureux qu'elle a reçu. "Aujourd’hui, en regardant en arrière le chemin parcouru, nous pouvons évaluer ce qui peut être fait à l'avenir."

Elle a également souligné l'intérêt des États-Unis à des réformes, en particulier dans les secteurs fiscal et douanier. "Je crois en l'avenir prometteur de l'Arménie."

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Dans sa conférence de presse conférence conjointe avec le ministre Edouard Nalbandian, la Secrétaire d'Etat a fait l'éloge de l'Arménie pour les dernières élections législatives et a réaffirmé le soutien fort de Washington pour une normalisation inconditionnelle des relations turco-arméniennes. Mme Clinton a déclaré en substance :

"Nous sommes heureux de voir l'Arménie continuer à travailler pour renforcer ses institutions démocratiques, pour promouvoir la transparence, faire progresser les droits d'une presse libre, s’attaquer aux racines de la corruption, faire respect les droits universels et les libertés.

J'ai été très heureuse des rapports des observateurs internationaux lors des élections parlementaires du mois dernier, généralement compétitives et inclusives, où les candidats ont pu faire campagne pour la plupart, sans ingérence. Certes, il y a eu quelques problèmes qui ont été identifiés, et nous espérons que l'Arménie travaillera avec l'OSCE et d'autres organismes pour veiller à ce que la prochaine élection soit encore meilleure."

Hillary Clinton a également salué les efforts du gouvernement arménien pour améliorer l'environnement dans les Affaires intérieures. "Nous sommes heureux que l'Arménie ait progressé et nous l’encourageons à poursuivre dans cette voie. Je suis convaincue que l'énergie du peuple arménien poussera l'économie du pays et nous nous réjouissons d'être votre partenaire en cela."

Dans un nouvel élan sur l'image internationale de Sarkissian, la Chef de la diplomatie américaine a de nouveau approuvé le point de vue officiel d'Erevan que la Turquie doit cesser de lier la ratification des Accords de normalisation signés en 2009 à la résolution du conflit du Haut-Karabakh.

"Nous soutenons fermement la ratification des protocoles Turquie-Arménie sans conditions préalables. Nous félicitons l'Arménie et le Président Sarkissian pour le leadership dont ils font montre sur cette question. Comme je l'ai dit quand je suis venue ici il y a deux ans, la balle reste dans le camp de la Turquie."

Mme Clinton a en outre précisé que les Etats-Unis resteront "très actifs" dans les efforts internationaux visant à améliorer les liens turco-arméniens et la fin du conflit du Karabakh.

"Il n'y a aucun lien entre le processus des protocoles de normalisation et celui des négociations sur le Haut-Karabakh, ce sont deux sujets séparés. Mais nous sommes également engagés sur les deux, et poussons fortement pour tenter de parvenir à une résolution pacifique du conflit du Haut-Karabakh

Les Etats-Unis continueront à jouer un rôle actif dans le règlement de ces deux questions. Nous espérons que, finalement, les frontières dans le Sud-Caucase vont s'ouvrir et que la coopération régionale sera établie."

Dans sa réponse, le ministre des Affaires étrangères, Edouard Nalbandian, a déclaré :

"Plus d'une fois, nous avons exprimé notre approche commune sur la normalisation des relations arméno-turques. Cette position a été et demeure inchangée : une normalisation des relations sans conditions préalables. Vous avez apporté une contribution exclusive à ce processus. Malheureusement, la balle continue de rester dans le camp turc.

Je réfute les déclarations des dirigeants turcs suggérant que les négociations sur un rapprochement Erevan-Ankara sont toujours en cours. À ce jour, les négociations sont gelées. Les pourparlers avaient abouti à la signature des deux protocoles. La Turquie n'avait pas le droit de poser des conditions préalables après coup. Les relations doivent être normalisées sans conditions préalables, cela découle de l'intérêt de la communauté internationale."

Visiblement satisfait, Edouard Nalbandian a parlé d’une "approche commune" de Washington et d’Erevan pour la normalisation des relations turco-arméniennes, un objectif politique clé des États-Unis dans la région.

Il a indiqué que la précédente visite de Clinton coïncidait avec le Jour de l'Indépendance des Etats-Unis, et que celle d’aujourd’hui coïncide avec le 20e anniversaire des relations diplomatiques entre les deux pays. De même, il y a 20 ans, le Secrétaire d'État d’alors, James Baker, avait souligné que pour l'Arménie le soutien des États-Unis de la démocratie, était un facteur d'unification.

Le ministre Nalbandian a également condamné l'incident survenu sur la ligne de contact, le qualifiant de "provocation sauvage." Et d’ajouter : "Après avoir exacerbée la tension sur la ligne de contact avec le Karabakh, l'Azerbaïdjan essaie maintenant d'aggraver la situation sur la frontière arméno-azerbaïdjanaise, mettant ainsi en danger le processus de négociation. "

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Aussi bien que S.Sarkissian qu’E.Nalbandian ont salué l'état actuel des relations américano-arméniennes, indiquant qu'elles ont "atteint un point culminant de l'histoire." "Nous apprécions hautement le rôle des États-Unis dans notre région," a complété le président arménien.

* Colère de l’ANCA *

Le Comité National Arménien d'Amérique (ANCA) a dépêché une lettre urgente exhortant la Secrétaire d’ Etat à condamner fermement l’attaque lancée par l'Azerbaïdjan dans la région de Davouch.

"L'agression azerbaïdjanaise, le jour même de votre arrivée dans le Caucase, représente, outre une douloureuse tragédie humaine pour les jeunes gens qui ont été tués et blessés, une attaque sournoise sur les perspectives d'une paix juste et durable dans cette région.

Il est grand temps que l'administration Obama abandonne sa pratique de l'équivalence artificielle - une politique qui a échoué, et dont la seule réponse à l'agression azerbaïdjanaise et face aux menaces de reprise de la guerre a été d'émettre des appels formulés de manière générique et d’une transparence édulcorée à toutes les parties, à s'abstenir de toute violence," a écrit en substance le président de l’ANCA, Ken Hachikian, dans sa lettre à Mme Clinton.

* Réponse du berger à la bergère *

Les médias arméniens écrivent :

Un commando de 15 à 20 saboteurs azerbaïdjanais a tenté de pénétrer dans le territoire arménien près du village de Voskepar dans la région de Davouch.

Le groupe a été repéré et neutralisé grâce à la vigilance des soldats arméniens. Selon les premières données, les pertes azerbaïdjanaises s’élèvent à cinq tués. Les autres membres ont réussi à s'échapper, emportant avec eux les tués et les blessés.

Les médias azéris écrivent :

Les forces armées arméniennes ont attaqué les positions azerbaïdjanaises dans la région de Ghazakh ce matin. L’attaque de l'ennemi a été repoussée. On rapporte que les deux côtés ont subi des pertes.

Le 5 Juin à 06h 30, les efforts du groupe de saboteurs arménien pour pénétrer les positions azerbaïdjanaises dans le village Ashagi-Eskipara dans la région Ghazakh, ont échoué et ils ont du reculer laissant des pertes ; indique le ministère azerbaidjanais de la Défense.

Suite à l’accrochage, quatre soldats des forces armées azerbaïdjanaises ont été tués. Un autre soldat azerbaïdjanais a été tué à la suite du feu ouvert des hauteurs dans la région de Ghazakh.

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"Les tentatives des forces armées arméniennes pour compliquer la situation sur la ligne de front sont liées avec la visite du Secrétaire d'État Hillary Clinton dans la région. La tension créée par l'Arménie sur la ligne de front n'est pas accidentelle, elle rentre dans le cadre de sa politique insidieuse. Ces actions ne sont pas aléatoires.

Si nous considérons les cinq dernières années, on voit que les pourparlers sérieux sur le Haut-Karabakh, les entretiens entre les présidents, échouent chaque fois. La partie arménienne travaille à l'encontre du régime du cessez-le-feu. Elle lance des opérations sur la ligne de front pour que cela soit discuté dans le processus de négociation. Si la partie arménienne détériore la situation, c’est pour faire pression sur Mme Clinton en présentant la partie azerbaïdjanaise sous un jour noir et exercer un chantage sur l'Azerbaïdjan.

Sachant que ses niveaux économiques, politiques et militaires sont beaucoup plus faibles que ceux de l'Azerbaïdjan, Erevan cherchera pour la variante militaire de la résolution du conflit du Haut-Karabakh à ce qu’elle soit toujours rejetée dans le processus de négociation, ce qui permettra à l'Arménie de maintenir le statu quo. En exacerbant la situation sur la ligne de front, l’Arménie joue avec le feu," a déclaré le député Bahtiyar Sadigov.

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Extrait de Armenialiberty, de Radiolour et de PanArmenian


(1) : Organisation du Traité de Sécurité Collective