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Commentaires
et Traductions de Gérard Merdjanian
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Commentaires
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Une fois n’est pas coutume, le Premier ministre arménien Nigol Pachinian et le président azerbaïdjanais Ilham Aliev se sont rencontrés en marge de la « Conférence de Munich sur la sécurité ».
Une
première fois en face-à-face en présence du secrétaire d'État américain Antony
Blinken,
et une seconde fois quelques heures après dans le cadre de la table ronde sur le thème «
Déplacer des montagnes ? Construire la sécurité dans le Caucase du Sud », en présence
cette fois-ci de la secrétaire générale de l'OSCE, Helga Schmid, et du Premier
ministre géorgien, Irakli Gharibashvili.
Chacun
des protagonistes a présenté son point de vue, avec, comme à l’accoutumé de la
part du potentat azéri, une série de contre-vérités historiques et factuelles,
le tout agrémentées d’omissions calculées.
Comme
il fallait s’y attendre, Ilham Aliev s’est focalisé sur l’intégrité territoriale
de son pays, dont le Haut-Karabakh est une partie indissociable. Ce qui
sous-entend que l’Arménie ne peut prétendre à quoi que ce soit pour ce
territoire, et donc, dans le futur traité paix Arménie-Azerbaïdjan, il ne doit
être fait aucune mention à ce sujet. Pas plus d’ailleurs sur les 145 km² de
territoire souverain de l’Arménie occupés militairement depuis novembre 2020.
Quant
au groupe de Minsk de l’OSCE, pour le potentat il n’a plus lieu d’être depuis sa victoire de 2020. Les prises de
positions de la France l’excluent définitivement des pourparlers de paix car c’est
le seul pays coprésident du Groupe de Minsk à avoir nommément désigné
l’agresseur des Arméniens. Les deux autres, à savoir les Etats-Unis et la
Russie, trouvent grâce à ses yeux, n’ayant jamais tancé Bakou, mettant les
antagonistes dans le même panier, à l’instar de Ponce Pilate.
En
pratique, Paris a été remplacé par Bruxelles dans les rencontres trilatérales. La
secrétaire générale de l'OSCE, Helga Maria Schmid, présente à la table ronde, a
du apprécier que l’on remanie le groupe de Minsk sans son aval.
Cela
dit, il est vrai que le Groupe de Minsk de l’OSCE depuis sa création en 1992 et
sa première réunion en 1997, n’a pas brillé par son travail et encore moins pas
ses résultats. Sorti de ses propositions de novembre 2007 (trois principes de
base et six éléments principaux), il est très peu intervenu réellement surtout
depuis l’arrivée au pouvoir en Azerbaïdjan du fils de son père (Ilham Heydar öglu
Aliev). Heureusement que les observateurs du Bureau de l’OSCE, sous la
direction du représentant personnel du président en exercice de l'OSCE, Andrzej
Kasprzyk, se rendaient régulièrement sur la frontière arméno-azerbaidjanaise.
Le
Groupe de Minsk, représenté par ses trois coprésidents, s’est essentiellement
contenté de faire des recommandations indolores et des communiqués génériques,
sans ne jamais froisser personne. Son absence d’engagement lors de la guerre
des 44 jours de 2020 et surtout après l’agression russe de février 2022, n’ont
fait que confirmer sa quasi-mort cérébrale.
Washington,
parce que il est plus préoccupé par les relations entre l’Arménie et la Turquie
– membre de l’OTAN et allié récalcitrant. Le conflit du Karabakh n’a jamais été
sa tasse de thé, d’autant que l’alliance russo-arménienne et les bonnes relations
irano-arméniennes ne plaident pas en faveur d’Erevan.
Moscou,
parce qu’il a laissé Aliev assouvir sa vengeance, longuement préparée, en 2020.
Cerise sur le gâteau, il permet au dictateur de mettre en œuvre son épuration
ethnique sous des dehors écologistes, en échange de faire transiter son gaz par
l’Azerbaïdjan.
Et
que fait ce dernier ? Il le revend à l’UE, prenant sa commission au
passage. Merci à Mme sofa (alias Ursula von der Leyen) de fouler aux pieds les
valeurs démocratiques pour quelques m3 de gaz. A l’époque Judas
avait touché 30 deniers d’argent.
L’arroseur
arrosé.
Concernant
le couloir de Latchine, Ilham a commis une grosse bourde que l’assistance n’a
pas relevée. Il a indiqué que les ‘soi-disant’ écologistes laissaient passer
tout le monde, et de citer les employés de la Croix Rouge (CICR) ou les
véhicules militaires des soldats de la paix russes. Ce qui signifie, qu’aucun
véhicule civil arménien n’a emprunté, dans un sens ou dans l’autre, le corridor
depuis le 12 décembre. Si ce n’est pas un blocus de la population, qu’est-ce
que c’est ?
Quant
aux ONG(s) qui veulent se rendre au Karabakh, persona non grata par définition,
elles n’ont pas voix au chapitre.
A
ce jour aucun pays n’a soutenu les propos du dictateur azéri sur la liberté de
circulation dans le couloir de Latchine. Même la Turquie est restée silencieuse
sur le sujet. Le couperet suprême vient de tomber le 22 février émanant de la
part de la Cour internationale de Justice de la Haye, organe judiciaire principal
des Nations Unies, qui vient de rendre son verdict le 22 février :
« La
République d'Azerbaïdjan, conformément à ses obligations au titre de la
Convention internationale sur l'élimination de toutes les formes de
discrimination raciale, prendra toutes les mesures à sa disposition pour
assurer la libre circulation des personnes, des véhicules et des marchandises
le long du corridor de Latchine dans les deux sens. »
Bonne
chance Ilham.
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Traduction
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Le Premier ministre arménien Nigol Pachinian, le secrétaire d'État américain Antony Blinken et le président azerbaïdjanais Ilham Aliev ont tenu une réunion trilatérale en marge de la conférence de Munich sur la sécurité
Lors de la réunion, il a été fait
référence à l'avancement des travaux sur le projet de traité de paix entre
l'Arménie et l'Azerbaïdjan, ainsi qu'au déblocage des infrastructures de
transport régionales et à la mise en œuvre de la délimitation entre les deux
pays conformément à l'accord conclu à Prague en octobre 2022.
Le Premier ministre a réaffirmé la
détermination de la partie arménienne à parvenir à un traité qui garantira
véritablement la paix et la stabilité à long terme dans la région.
Il a souligné le blocus illégal par
l'Azerbaïdjan du corridor de Latchine et la crise humanitaire, environnementale
et énergétique qui en résulte au Haut-Karabakh.
La garantie de la continuité du
processus de paix entre l'Arménie et l'Azerbaïdjan a été soulignée.
"Nous pensons que l'Arménie et
l'Azerbaïdjan ont une opportunité véritablement historique de garantir une paix
durable après plus de 30 ans de conflit. Les parties elles-mêmes ont renouvelé
leur attention sur un processus de paix, y compris par le biais de
conversations directes ainsi qu'avec l'UE et nous-mêmes. Les États-Unis se sont
engagés à faire tout leur possible pour soutenir ces efforts, que ce soit
directement avec nos amis, que ce soit dans un format trilatéral comme
celui-ci, ou avec d'autres partenaires internationaux", a déclaré Blinken.
(…)
"Ça s'est bien passé. Je pense que c'était constructif. De nombreuses questions ont été discutées, notamment la signature de l'accord de paix entre l'Arménie et l'Azerbaïdjan et l'existence des conditions nécessaires à la signature de l'accord.
«Bien sûr, j'ai réitéré ma position. L'essentiel
est que cet accord de paix soit fondé sur des normes et des principes
internationaux. Toute revendication relative au Karabakh est inacceptable. La
position de l'Azerbaïdjan à cet égard a été communiquée. Il y a trois jours,
nous avons reçu de nouvelles réponses à nos propositions de l'Arménie. Nous les
élaborons maintenant », a déclaré Ilham Aliev au sortir de la réunion. Et
de poursuivre :
« A première vue, il y a des progrès dans la
position de l'Arménie, mais ce n'est pas suffisant. C'est donc la principale
question discutée.
La situation sur la route de Latchine a
également été évoquée. J'ai réitéré la position de l'Azerbaïdjan selon laquelle
il n'est pas question d'un quelconque blocus. Plus de 2.500 camions des casques
bleus russes et une centaine de véhicules de la Croix-Rouge sont passés sur la
route depuis le 12 décembre, et s'il y avait eu un blocus, comment ces
véhicules auraient-ils pu passer ? En d'autres termes, il s'agit d'une
accusation sans fondement contre l'Azerbaïdjan, nous la rejetons, et je peux
dire que cette position a été accueillie avec compréhension lors de toutes les
réunions que j'ai eues.
L'Union européenne comprend également notre
position. Nous exigeons à juste titre qu'il soit mis fin à l'exploitation
illégale de nos mines et jusqu'à ce que cela soit réalisé, je suis sûr que nos
militants sociaux n'abandonneront pas leur honorable mission. J'ai également
essayé de faire passer ce message aujourd'hui.
J'ai également déclaré qu'il serait bon que
l'Arménie et l'Azerbaïdjan établissent des points de contrôle à la frontière
arméno-azerbaïdjanaise de manière bilatérale. Nous avons fait cette suggestion
plus tôt et l'avons officialisée aujourd'hui. Auparavant, cette suggestion
était communiquée par des canaux non officiels. L'Arménie n'a exprimé aucune
position. Ils ont probablement besoin de
temps pour en discuter.
Mais notre première impression est que
l'Europe et l'Amérique considèrent notre proposition comme logique. C'est
certainement un facteur important dans la normalisation des relations entre les
deux pays. Car si on parle de délimitation des frontières, c'est impossible à
réaliser sans points de contrôle. Si nous parlons de l'ouverture des
communications, bien sûr, des points de contrôle doivent être établis aux deux
extrémités du corridor de Zanguézour et à la frontière entre le district de
Latchine et l'Arménie.
(…)
En marge de la Conférence de Munich sur la sécurité, lors de la séance plénière sur le thème « Déplacer des montagnes ? Renforcer la sécurité dans le Caucase du Sud », Ilham Aliev a répondu aux questions des journalistes :
« Nous
avons une compréhension commune qu'il y a une approche à deux volets de la
situation dans la région. Premièrement, la piste des pourparlers de paix entre
l'Azerbaïdjan et l'Arménie. Deuxièmement, les communications de l'Azerbaïdjan
avec la population arménienne du Karabakh.
Le mot Haut-Karabakh n'est plus valable.
Juste pour votre information, c'est en fait le mot russe « Nagorno »
signifie montagneux. Par conséquent, bien sûr, je voudrais demander à nos
partenaires de respecter la souveraineté et la constitution de l'Azerbaïdjan.
Il y a une région du Karabakh en Azerbaïdjan, où il y a une population
arménienne.
Pendant près de 30 ans, nos terres ont été
sous occupation arménienne. Le Premier ministre Garibashvili a mentionné qu'en
2008, après la guerre russo-géorgienne, aucune sanction n'avait été imposée à
la Russie. Mais, je peux aussi dire que l'Arménie a occupé vingt pour cent du
territoire de l'Azerbaïdjan, a violé le droit international, n'a pas respecté
les résolutions du Conseil de sécurité de l'ONU pendant 27 ans. Et aucune
sanction ne leur a été imposée.
Nous avons fait la guerre. Et les résultats
de la guerre ont été acceptés par la communauté internationale et par la
société arménienne. Et le meilleur indicateur de cela était le nouveau mandat
que la population arménienne a donné au Premier ministre. C'était le mandat
pour la paix. Par conséquent, nous devons regarder vers l'avenir. Et il ne faut
pas oublier non plus que la déclaration trilatérale de novembre 2020, à
laquelle le Premier ministre a fait référence, est en fait de facto l'acte de
capitulation de l'Arménie.
Les Arméniens du Karabakh sont des citoyens
azerbaïdjanais, ils sont minoritaires. L'Azerbaïdjan est un pays multiethnique.
Et toutes les minorités en Azerbaïdjan jouissent des mêmes droits et
privilèges, y compris culturels, linguistiques et autres, ainsi que de la
sécurité.
Nous sommes prêts à entamer des
communications pratiques avec les représentants de la communauté arménienne du
Karabakh. J’en ai parlé à la réunion trilatérale. Mais nous ne pouvons le faire
que lorsque le citoyen russe - oligarque criminel, une personne impliquée dans
le blanchiment d'argent en Europe, Vardanian quittera notre territoire.
Nous avons plusieurs plates-formes pour
aborder les problèmes liés à la normalisation des relations
azerbaïdjano-arméniennes. L'un d'elles est le format dit de Bruxelles. Et hier,
lors de la rencontre avec le président du Conseil européen, M. Charles Michel,
nous avons une fois de plus réaffirmé notre attachement au processus de
Bruxelles. Aujourd'hui, lors de la réunion trilatérale organisée par le
secrétaire Blinken, nous avons également discuté du processus de Bruxelles en
tant que format trilatéral. Et je pense qu'il y a une compréhension commune
qu'il ne s'agit que d'une trilatérale - UE, Azerbaïdjan et Arménie.
Le soi-disant ancien groupe de Minsk, qui a
déjà pris sa retraite et n'existe pas en fait, n'existe peut-être que sur le
papier. Par conséquent, les anciens coprésidents du groupe de Minsk, qui n'ont
en fait fourni aucun résultat pendant 28 ans, ont encore une certaine influence
sur la situation. Par conséquent, nous avons une plate-forme qui est hébergée
par les États-Unis, par la Russie et maintenant par l'Union européenne, mais
plus par la France. La France n'est pas là en raison de sa position
pro-arménienne unilatérale. Il est clair que lorsque vous êtes médiateur, vous
ne pouvez pas prendre parti, et vous ne pouvez pas démontrer que vous prenez
parti.
Nous nous sommes battus sur notre territoire.
Notre guerre était une guerre de libération. Et c'est pourquoi, c'était une
guerre juste. En Arménie, il y a eu 11.000 déserteurs. Pourquoi? Non pas parce
qu'ils perdaient sur le champ de bataille, parce que leur guerre était une
guerre d'occupation. Il n'y avait aucune motivation pour les personnes nées en
Arménie d'aller en Azerbaïdjan et de se battre pour des terres qui ne leur
appartiennent pas.
Prenant la parole, Nigol Pachinian a également répondu aux questions posées, après une déclaration liminaire :
« La stabilité mondiale peut améliorer
la situation dans la région, car pendant longtemps, toute l'attention
internationale s'est naturellement concentrée sur l'Ukraine, ce qui crée de nouveaux
risques pour la région. Il est très important qu'il y ait également une
attention internationale à la région du Caucase du Sud, car il y a beaucoup de
risques là-bas. L'Arménie est attachée au programme de réformes démocratiques
car elle pense que les réformes démocratiques, le développement d'institutions
démocratiques, l'État de droit, les droits de l'homme et un système judiciaire
indépendant amélioreront la situation dans la région du Caucase du Sud. C'est
bénéfique pour toute la région et c'est très important pour l'Arménie de faire
sa part.
L'Arménie est prête à aller de l'avant avec
la Turquie dans le domaine politique. Lorsque l'Arménie a pris la décision
d'envoyer de l'aide humanitaire et des sauveteurs en Turquie, c'était
uniquement pour des raisons humanitaires, mais dans le processus, une réponse
positive de la Turquie a été observée, et si elle a des résultats politiques
positifs, d'autant plus. Mais l'initiative initiale de l'Arménie était purement
humanitaire.
Des millions de personnes ont souffert du
tremblement de terre en Turquie et l'Arménie est prête à fournir une aide
humanitaire à la Turquie. Certains accords politiques avaient été conclus lors
de la dernière visite du ministre arménien des Affaires étrangères en Turquie.
L'Arménie est prête à aller de l'avant car
l'établissement de relations diplomatiques entre l'Arménie et la Turquie et
l'ouverture de la frontière seront positifs non seulement pour le développement
de la région, mais aussi pour la situation internationale. »
Puis, le Premier ministre a répondu à
certaines fausses déclarations du président azerbaïdjanais Ilham Aliev lors de
la table ronde organisée dans le cadre de la Conférence de Munich sur la
sécurité. Ainsi selon Ilham Aliev, « en
Azerbaïdjan, il n'y aurait pas de concept de Haut-Karabakh, pas plus qu’une
telle unité administrative-territoriale". Il a souligné qu'il y a le
Haut-Karabakh et il y a aussi le couloir de Latchine, qui doit être ouvert
selon la déclaration trilatérale du 9 novembre 2020 et ce document a également
été signé par le président azerbaïdjanais Ilham Aliev.
« Le document porte la signature du
président de l'Azerbaïdjan. Le document indique également que le corridor de Latchine
doit rester ouvert et non, contrôlé par l'Azerbaïdjan. Récemment, plusieurs
enfants arméniens ont tenté de traverser le couloir de Latchine en bus, mais
ils ont été arrêtés et des Azerbaïdjanais masqués sont entrés dans le bus. Les
enfants ont eu peur et c'était la dernière tentative des Arméniens de traverser
le couloir de Latchine.
Concernant la destruction de mosquées par les
Arméniens, c’est sans fondement. En 2017, de nombreuses mosquées ont été
détruites en Azerbaïdjan afin de construire d'autres bâtiments à leur place.
Plus de 1.500 mosquées ont été détruites en Azerbaïdjan pendant les années
soviétiques, et les Arméniens du Haut-Karabakh ne doiventt pas avoir à payer
les dettes de l'ère soviétique. C'est un récit très inquiétant. Je crains que
l'Azerbaïdjan ne veuille mettre un contexte religieux sur toute cette
situation. Il n'y a pas de contexte religieux au conflit. Il y a une minorité
musulmane en Arménie et une mosquée en activité. C'est la réalité.
Le président azerbaïdjanais a utilisé des
mots offensants dans son discours, mettant l'accent sur le mot « reddition ». L’Azerbaïdjan semble
avoir adopté une politique de vengeance, et c'est peut-être la politique de
l'Azerbaïdjan. Il a été noté qu'il s'agit d'une rencontre historique, mais à
quoi l'utiliser : inciter à la haine, à la rhétorique agressive ou utiliser
cette tribune pour améliorer la situation ? L'Arménie estime qu'elle doit
utiliser cette plate-forme à des fins constructives. Je suis fier que le
gouvernement arménien a organisé des élections libres et compétitives même
après une guerre dévastatrice. La solution est la démocratie, la transparence,
le dialogue et le respect de tous les pays de la région, » a conclu Pachinian.
Puis, il s’est prêté aux questions des
journalistes.
Question : Monsieur Pachinian,
vous aidez maintenant également la Turquie avec ce terrible tremblement de
terre. Pensez-vous qu'il existe des perspectives d'amélioration des relations
entre l'Arménie et la Turquie ? Est-il possible que cette terrible catastrophe
puisse être une raison pour un changement dans votre relation ?
Réponse : Merci. Vous savez, nous
n'avions que des motifs humanitaires derrière la décision d'envoyer de l'aide
humanitaire et des sauveteurs en Turquie, parce que des millions de personnes
dans notre région souffraient, mais pendant ce temps, nous avons été témoins
d'une réaction très positive de la part du gouvernement turc, et si cette
décision a conséquences politiques, ce sera encore mieux. Mais notre motivation
initiale était purement humanitaire, et comme nous l'avons dit, nous sommes
prêts à fournir autant d'aide humanitaire que nos capacités le permettent, et nous
sommes prêts à le faire.
Quant au dialogue politique, pour être
honnête, avant le tremblement de terre, nous avions déjà établi un dialogue
politique à travers des représentants spéciaux, et je pense que ce dialogue est
très important. Je veux dire en termes de création d'une atmosphère appropriée
dans laquelle ces décisions ont été prises. Et nous pensons que les
possibilités de prendre des décisions politiques dans le cadre de ce dialogue
humanitaire seront encore plus grandes. Nous sommes prêts à aller de l'avant et
nous pensons que l'établissement de relations diplomatiques avec la Turquie et
l'ouverture de notre frontière auront un effet très positif non seulement sur
notre situation régionale, mais aussi sur la situation internationale.
Question : Je veux
maintenant revenir à la question à laquelle le Président Aliev a fait allusion
au début. Nous parlons d'une guerre qui a commencé il y a deux ans, et
maintenant nous voyons une situation qui reste toujours critique. Nous ne
menons pas de négociations ici, mais la communauté internationale est
préoccupée par la situation humanitaire, et nous suivons, comme tout le monde,
la situation humanitaire en Turquie, de la même manière que nous suivons le
problème existant là-bas. De l'extérieur, on voit que le couloir Latchine est
bouché. Monsieur le Premier ministre, j'aimerais que vous nous parliez un peu
des efforts de renforcement de la confiance. Bien sûr, nous aimerions voir une
diminution de la tension par de petites étapes qui nous rapprocheront du règlement
de ce conflit.
Réponse : Merci. Vous avez raison.
Le corridor de Latchine est bloqué depuis déjà 70 jours. Malheureusement, il y
a maintenant une crise humanitaire au Haut-Karabakh, ainsi qu'une crise
énergétique, car l'approvisionnement en électricité du Haut-Karabakh est
suspendu, l'approvisionnement en gaz est également suspendu, et nous avons
compté que l'approvisionnement en gaz a été suspendu à moins 10 fois au cours
des 70 derniers jours, et c'est un problème qui mérite notre attention. Notre
position est la suivante. Dans la déclaration trilatérale du 9 novembre 2020, nous
avons des points très spécifiques concernant le couloir de Latchine, et selon
cette déclaration, il est du devoir de l'Azerbaïdjan et des soldats de la paix
russes de maintenir le couloir de Latchine ouvert, mais maintenant,
malheureusement, nous avons une situation complètement différente.
Question : Comme je l'ai
dit, nous ne menons pas de négociations ici, mais je voudrais donner au Premier
ministre Pachinian l'occasion de répondre au président Aliev.
Réponse : Merci. Quant au
Haut-Karabakh, le président Aliev a mentionné la déclaration trilatérale, et le
Haut-Karabakh est présent dans cette déclaration, et la signature du président
de l'Azerbaïdjan est présente sous ce document.
Et nous avons le corridor de Latchine, qui
était censé fonctionner librement. Soit dit en passant, selon cette déclaration
trilatérale, le couloir de Latchine était censé être hors du contrôle de
l'Azerbaïdjan, conformément à la signature du président Aliev au bas du
document. Récemment, un groupe d'enfants arméniens du Haut-Karabakh a tenté de
traverser le couloir de Latchine et a été arrêté. Des Azerbaïdjanais masqués
ont fait irruption dans le bus et les enfants criaient. Il s'agissait de la
dernière tentative des Arméniens du Haut-Karabakh de se déplacer librement dans
le couloir de Latchine.
Le président Aliev a également parlé des
mosquées détruites. Je tiens à souligner qu'en 2017, plusieurs mosquées ont été
démolies en Azerbaïdjan pour construire de nouvelles routes. Soit dit en
passant, pendant les années soviétiques, 1560 mosquées ont été détruites en
Azerbaïdjan, et c'était une chose courante pour l'Union soviétique. Des églises
et des mosquées ont également été détruites en Arménie. Vous savez, les
Arméniens du Haut-Karabakh ne doivent pas payer la dette des années
soviétiques. C'est un récit très dangereux, car je crains, il semble que
l'Azerbaïdjan essaie de donner un contexte religieux à toute cette situation.
C'est très dangereux. Il n'y a pas de contexte religieux dans ce conflit.
Et au fait, nous avons une minorité musulmane
dans notre pays, et nous avons une mosquée qui fonctionne, c'est la réalité.
Savez-vous ce qui inquiète dans le récit de l'Azerbaïdjan ? Sa rhétorique donne
l'impression, et c'est peut-être ainsi, que l'Azerbaïdjan a adopté une
politique de revanche. Il est possible que ce soit la politique de
l'Azerbaïdjan. Mais comme mentionné, nous avons une histoire très compliquée,
et je viens de dire, oui, c'est peut-être une réunion historique, mais dans
quel but voulons-nous l'utiliser ? Attiser l'intolérance, la haine, la
rhétorique agressive dans notre région, ou au contraire, utiliser cette tribune
pour améliorer la situation ?
Nous pensons que cette plateforme doit être
utilisée à des fins constructives. Bien sûr, nous pouvons maintenant raconter
de nombreuses histoires d'inimitié, mais quel est le rôle des dirigeants :
approfondir cette inimitié ou utiliser nos opportunités, nos mandats ? Je suis
fier que moi, notre gouvernement, même après la guerre catastrophique, j'ai pu
organiser des élections libres et démocratiques dans notre pays, qui ont été
reconnues par le monde entier comme libres et démocratiques, transparentes et
compétitives. Et comme je l'ai dit, de notre point de vue, la solution est la
démocratie, la solution est la transparence, la solution est le dialogue, la
solution est le respect de tous les pays. Et nous sommes prêts à travailler
dans ce sens. Merci.
Question : Monsieur le
Premier ministre, vous avez mentionné à plusieurs reprises que l'OTSC n'est pas
très efficace en ce moment, et la question est posée que l'Arménie puisse la
quitter. Je voudrais que vous commentiez cette question.
Réponse : Vous savez, nous avions
certaines inquiétudes concernant l'OTSC, et ces inquiétudes ont été publiques.
Nous avons soulevé ces questions auprès de nos collègues, nous les avons
rendues publiques, et les inquiétudes sont toujours présentes. Nous nous
efforçons de trouver des solutions à ces questions et préoccupations.
(…)
Le président Emmanuel Macron, s'exprimant lors de la conférence de Munich sur la sécurité, a remis en question la conviction que les défis du Caucase peuvent être surmontés par la Russie néocoloniale.
« () Naturellement, le cœur de mon discours
sera la guerre déclenchée par la Russie contre l'Ukraine, mais je dois
mentionner que nous n'oublions pas les guerres en cours dans le Caucase, au
Moyen-Orient, en Afrique, la lutte contre le terrorisme, la sécurité nucléaire
et d'autres questions.
Notre tâche aujourd'hui est d'expliquer, de
faire comprendre que la Russie est une force qui sème l'instabilité et le
chaos, ce qu'elle fait non seulement en Ukraine, mais aussi dans le Caucase, au
Moyen-Orient, en Afrique.
Comment peut-on croire que les défis du
Caucase pourront être surmontés par la Russie néocoloniale que je décrivais il
y a un instant ? Je dis cela en présence de mon ami, le Premier ministre Nigol
Pachinian, avec qui nous continuerons à nous tenir debout et à agir. () »
En marge de la conférence de Munich sur la sécurité, Nigol Pachinian a eu une courte rencontre avec le président Emmanuel Macron. Les interlocuteurs ont échangé des idées sur les questions de sécurité et de stabilité régionales.
Nigol Pachinian a également tenu une
réunion similaire avec le président du Conseil européen Charles Michel, lequel avait également tenu une réunion analogue
avec Ilham Aliev.
(…)
Nigol Pachinian et la secrétaire générale de l'OSCE Helga Schmid se sont rencontrés en marge de la réunion pour discuter de la crise humanitaire au Haut-Karabakh résultant de la fermeture illégale par l'Azerbaïdjan du corridor de Latchine.
Le leader arménien a souligné la
nécessité de mesures continues et cohérentes de la part de la communauté
internationale pour résoudre le problème.
Les parties ont évoqué les activités
de la mission civile de l'Union européenne en Arménie et exprimé l'espoir
qu'elle contribuera au renforcement de la paix et de la stabilité.
Les parties ont échangé leurs
réflexions sur les processus en cours dans la région et sur d'autres questions
d'intérêt commun.
(…)
Nigol Pachinian et Ursula von der Leyen se sont recontrés en marge de la Conférence de Munich sur la sécurité. Les interlocuteurs ont discuté de diverses questions liées à la coopération Arménie-Union européenne.
Nigol Pachinian a souligné que l'UE
est le principal partenaire de l'Arménie dans la mise en œuvre des réformes
institutionnelles et a remercié pour l'assistance fournie dans cette direction.
Ursula Von der Leyen a hautement
apprécié le processus de réformes démocratiques en Arménie et a exprimé la
volonté de l'UE de poursuivre les programmes de soutien à Erevan.
Les parties ont échangé des idées sur
les projets à mettre en œuvre en Arménie dans le cadre du plan économique et
d'investissement du partenariat oriental de l'UE.
Il a été fait référence à la situation
dans la région du Caucase du Sud.
« L'UE est un partenaire engagé de l'Arménie.
La semaine prochaine, l'UE enverra une mission de 100 hommes contribuant à la
paix et à la stabilité. Nous saluons les progrès réalisés dans les réformes
démocratiques et développerons davantage le potentiel de notre plan
d'investissement économique",
a tweeté la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen après
des entretiens avec Nigol Pachinian.
(…)
En marge de la Conférence de Munich sur la sécurité, Nigol Pachinian a rencontré Mirjana Spoljaric, la présidente du Comité international de la Croix-Rouge.
Le Premier ministre a souligné
l'importance d'une coopération étroite entre le gouvernement arménien et le
CICR. Il a indiqué que le CICR est la seule organisation internationale opérant
au Haut-Karabakh, qui, en particulier compte tenu du blocus illégal du couloir
de Latchine par l'Azerbaïdjan, contribue de manière significative à atténuer et
à résoudre divers problèmes découlant de la crise humanitaire au Haut-Karabakh
en fournissant un soutien humanitaire. Aussi, le CICR a une importance capitale
dans la région du Caucase du Sud.
La présidente du CICR a déclaré qu'ils
continueraient à contribuer à la solution des problèmes humanitaires de la
population du Haut-Karabakh conformément à leur mandat. Elle a également
mentionné le fait d'une coopération efficace avec le gouvernement arménien.
Nigol Pachinian a remercié le CICR
d'avoir assuré la communication entre les captifs arméniens détenus
illégalement en Azerbaïdjan jusqu'à présent et leurs familles.
(…)
Toujours en marge de la Conférence de Munich sur la sécurité, Nigol Pachinian a rencontré Catherine De Bolle, la directrice exécutive d'Europol.
Les questions liées au développement
ultérieur de la coopération dans la lutte contre la criminalité ont été
discutées.
Le Premier ministre a évoqué les
réformes et les programmes mis en œuvre dans le système de police arménien,
exprimant l'espoir que la coopération se développera également dans cette
direction.
Catherine De Bolle a qualifié la
coopération avec les forces de l'ordre arméniennes d'efficace et a souligné la
volonté d'Europol de poursuivre une coopération étroite avec les partenaires
arméniens.
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Extrait de Radiolour, de PanArmenian, de News.am, et de APA